Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
713 422
Membres
1 006 157

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Les Sœurs Sinclair, Tome 2 : L'Inconnue du théâtre



Description ajoutée par Underworld 2017-11-27T19:19:35+01:00

Résumé

Angleterre, 1817.

Pour sortir la nuit à sa guise sans risquer sa réputation, lady Eleanor Sinclair a mis au point un plan ingénieux : coiffée d'une perruque et vêtue d'une austère robe grise, elle se fait passer pour une gouvernante. Un soir où elle s'est ainsi esquivée en cachette pour assister à une pièce de théâtre, elle rencontre le séduisant James Bentley, fils cadet d'un aristocrate, qui lui fait une cour assidue. Séduite, elle accepte de le revoir, et, dans le feu de la passion, lui cède avant de s'enfuir au petit matin...

* * *

Description en VO :

She Tempted Fate, Then Fate Tempted Her...

It was utterly scandalous for a young lady to attend the London theater unchaperoned. She could easily have been mistaken for a woman of easy virtue. Yet Eleanor Sinclair loathed stuffy ballrooms packed with fretful mothers and husband-hunting girls. Craving escape, she donned a wig and disappeared into the night.

There she caught the eye of James Bentley, a handsome devil with a wry wit. He played a game of seduction that imperiled Eleanor's disguise—and tempted her to forsake all honor....

Afficher en entier

Classement en biblio - 15 lecteurs

extrait

** Extrait offert par Sarah Elliott **

1

1er juillet 1818

— Tu as toujours été parfaite, Eleanor, dit Béatrice Summerson avec une admiration sincère comme sa sœur cadette, qui apportait le thé sur un plateau d’argent, entrait dans le salon baigné de soleil. Helen, Ben et moi nous demandons comment il se fait que tu sois si stylée. Père dit que cela tient du miracle.

— Allons donc, je ne suis pas aussi irréprochable que tu le dis, repartit la jeune fille en posant le plateau sur la desserte, sans lever les yeux.

— Ne proteste pas, répliqua Béatrice en penchant la tête sur le côté, comme si cette réponse l’inquiétait vaguement. Tu es parfaite, j’insiste, et c’est un vrai bonheur de t’avoir avec nous. Nous en remercions le ciel chaque jour, Charles et moi.

— Tu me flattes, Béa, répondit Eleanor timidement. Veux-tu une tranche de cake ?

La perspective de savourer le délicieux gâteau chassa l’inquiétude de Béatrice et fit naître sur ses lèvres un sourire.

— Eh bien… il est vrai que je dois manger pour deux, en ce moment.

La jeune fille coupa une tranche épaisse et la tendit sur une assiette à sa sœur.

— Assieds-toi, Ellie, lança celle-ci en tapotant le sofa à côté d’elle. Il y a un certain temps que je veux m’entretenir avec toi.

— Vraiment ? s’étonna la plus jeune en prenant place lentement.

— C’est que je me sens un peu coupable vis-à-vis de toi, sœurette. Mark et le bébé à venir nous rendent bien peu disponibles… j’espère cependant que tu n’as pas l’impression que nous te négligeons sciemment.

— Je peux trouver moi-même à me distraire, dit Eleanor, les yeux fixés sur ses mains, qu’elle tenait serrées sur ses genoux, en s’efforçant de donner à sa voix des accents mélancoliques.

— Tu dois aussi trouver notre foyer quelque peu chaotique, s’excusa encore l’aînée. Cummings nous a joué un mauvais tour en s’enfuyant avec la femme de chambre, et, depuis, je n’ai pas eu le temps de chercher à les remplacer. On ne trouve pas un majordome aussi facilement qu’une soubrette, de toute façon. Las, le fait est que tout est totalement désorganisé ici, et j’ai grand peur que cela ne commence à te peser. Tu ne devrais pas être contrainte de nous aider autant que tu le fais, surtout que c’est ta première saison en ville.

— Tu trouveras facilement une femme de chambre, Béa, j’en suis sûre. Et puis Cummings t’a recommandé son père…

— Sans doute, admit la maîtresse de maison en haussant les épaules, mais ce pauvre homme a beau être d’une correction exemplaire, il est aussi sourd comme un pot, malheureusement.

— Oh, il ne faut pas que tu le renvoies ! plaida la cadette en fronçant le sourcil. Je l’aime beaucoup…

Réalisant que cet enthousiasme pouvait surprendre, elle s’empressa d’ajouter :

— Il s’est toujours montré gentil à mon égard.

Béatrice considéra sa sœur d’un œil suspicieux, alertée par ce manège.

— Que se passe-t-il, Ellie ? Tu es bien étrange.

— Non, non, ce n’est rien… Je vais bien, rassure-toi. C’est seulement que je pense au bal de ce soir.

— Avec impatience, j’imagine…

— Pas exactement, non.

— Moi non plus, je l’avoue, s’exclama Béatrice en se laissant aller contre le dossier du sofa. Mais il faut malgré tout que nous tenions nos engagements.

— Encore un peu de thé ? offrit sa sœur en se levant.

— Tu es bien serviable ce matin… Je veux bien une demi-tasse avec à peine un nuage de lait, s’il te plaît.

Eleanor s’exécuta en silence, puis, d’une voix hésitante, elle demanda :

— Jugerais-tu absolument inadmissible que je préfère ne pas aller à ce bal, ce soir ?

— Tu n’es pas souffrante, au moins ?

— Non, non, je me porte comme un charme, mais c’est que… une amie m’a fait promettre de lui rendre visite et j’ai déjà accepté…

— Comment ? Le jour du bal chez les Montagu-Dawson ?

— Miss Pilkington n’a pas l’intention d’y aller. Elle est malade depuis hier.

— Pilkington ? Hum… Cela ne me dit rien.

— Mais si, fit Eleanor. Je te l’ai présentée il y a deux semaines, chez les Norton. Tu dois t’en souvenir…

L’aînée n’avait strictement aucun souvenir de cette rencontre, mais n’en laissa rien paraître.

— Mais bien sûr ! Décidément, je perds la tête !

Eleanor sourit, attendrie par ce cri du cœur.

— Je l’ai rencontrée au début de la saison mondaine, expliqua-t-elle. Elle vient du Yorkshire et craint que sa famille ne puisse se permettre de la renvoyer à Londres l’an prochain si elle ne trouve pas un bon parti cette année. Elle se faisait une telle joie d’aller à ce bal que de devoir y renoncer l’a anéantie. Elle a terriblement besoin d’être consolée.

— Je comprends ta sollicitude, Ellie, mais j’espère que ton amie n’est pas contagieuse.

— Tranquillise-toi, c’est sans danger. Un simple rhume, en fait, mais qui lui fait le nez rouge et les yeux larmoyants, d’où sa décision de ne pas sortir ce soir. Du reste, même si je sais que je devrais me rendre à ce bal, je doute fort qu’on y remarque mon absence. Je ne manquerai à personne dans cette foule.

Béatrice jugea inutile d’insister.

— Bon, cela ira pour cette fois…

— Dois-je absolument y aller moi aussi ? demanda Charles Summerson d’une voix pleine d’espoir, en passant la tête dans l’entrebâillement de la porte.

— Sans aucun doute ! assena Béatrice en se retournant brusquement, une grimace aux lèvres. Lady Montagu-Dawson ne nous pardonnerait jamais si nous nous avisions tous de déserter sa soirée.

Charles s’effondra dans un fauteuil en grommelant.

— C’est quand même un monde ! Nous n’allons à ce bal que pour accompagner Eleanor, si je ne m’abuse. Je trouve injuste de devoir y aller alors qu’elle-même s’en dispense.

La jeune fille renifla, piquée au vif par cette remarque acerbe.

— Injuste ? Vous avez de ces mots ! Est-ce ma faute si mon amie est malade ? Trouvez-vous une parente mal en point, ainsi vous cesserez de vous plaindre. Et puis ce n’est pas vous qui êtes sorti à peu près tous les soirs depuis deux mois, il me semble.

Béatrice prit la défense de sa cadette.

— Elle a raison, Charles. Ellie a envie d’aller à ce bal, mais sacrifie sa soirée pour le bien de son amie. Ce n’est pas vous qui feriez une chose pareille. La générosité n’est pas votre qualité principale.

L’intéressé se contenta de regarder sa belle-sœur, sans faire de commentaires ; aussi son épouse reporta-t-elle son attention sur sa cadette, le front plissé par une sourde inquiétude.

— Ces mondanités ne t’amusent plus ? Pardonne-moi de ne point t’avoir posé la question avant, mais c’est que tu semblais vivre ta première saison dans le monde avec tant d’impatience et de bonheur que j’ai pensé…

Il y avait déjà quelque temps que les soirées mondaines ennuyaient mortellement la jeune provinciale, mais elle ne l’aurait admis pour rien au monde.

— Non, je m’amuse follement au contraire. J’ai simplement été un peu dépassée par les événements.

— En tout cas, tu as de la chance de résider chez nous et non chez tante Louisa. Elle t’aurait emmenée chez les Montagu-Dawson de force, même brûlante de fièvre.

Sa sœur disait vrai et Eleanor remercia le ciel d’avoir échappé à la surveillance de son dragon de tante.

— Je sais. Je donnerais cher pour qu’elle me laisse tranquille. Elle ne manque jamais une occasion de me demander si je suis enfin fiancée alors qu’elle sait pertinemment que personne encore n’a demandé ma main. La dernière fois que je l’ai vue, elle n’a pas pu s’empêcher de me lancer au visage la déception que je lui cause.

— Vraiment ? s’exclama Béatrice, outrée.

— Comme je te le dis. Elle a affirmé que tout le monde s’attendait à mieux de ma part. Pourtant, je fais tout ce que je peux, Béa, crois-m’en…

Elle marqua une pause, soudain, le temps de maîtriser le tremblement de ses lèvres.

— … Je ne suis pas comme toi. Ce n’est pas moi qui recevrais six demandes en mariage en une seule saison !

Béatrice rosit à ce souvenir.

— Allons, nous savons tous que tu fais des efforts. Tu as droit à une soirée tranquille, après tout. Et cette miss… miss…

— Pilkington.

— … cette miss Pilkington, disais-je, a sûrement besoin d’être consolée. Ne pense plus à ce bal.

Eleanor étouffa l’envie de crier la joie que lui causait l’aval de Béatrice et, joignant les mains comme une première communiante, elle déclara :

— Tu es la plus gentille des sœurs ! Jane va m’envoyer sa voiture, et le cocher me raccompagnera. Tu n’as rien à craindre.

— Je ne me fais jamais de souci pour toi, Ellie. S’il s’agissait d’Helen, je m’inquiéterais certainement, mais ce n’est pas le cas avec toi.

— Vraiment ? fit Eleanor, que cet éloge décevait vaguement, quand il aurait dû la ravir.

Il était agréable qu’on la juge sensée et digne de confiance, mais…

Les deux sœurs restèrent un moment silencieuses, Béatrice dégustant son gâteau tandis qu’Eleanor pianotait nerveusement sur ses genoux serrés.

— Oh, Seigneur ! s’exclama cette dernière d’un air surpris.

— Quoi donc ? s’enquit l’aînée, la cuiller en l’air.

— As-tu vu l’heure qu’il est ? Tu vas être en retard.

— Sapristi, tu as raison ! Décidément, je n’apprendrai jamais la ponctualité, s’exclama Béatrice en reposant bruyamment son assiette sur la table de bois de rose, dans le même temps que Charles l’aidait à se lever.

Avant de sortir au bras de celui-ci, elle se retourna une dernière fois :

— Au fait, il est arrivé certaines choses pour toi cet après-midi. Meg les a portées dans ta chambre. Quelle idée t’a donc prise d’envoyer ici toutes ces hardes ? Je n’en ai vu aucune qui soit digne d’être portée.

— Elle a sans doute l’intention de monter une de ces pièces de théâtre dont elle nous réserve l’exclusivité, suggéra Charles. En tout cas, chère Eleanor, vous pouvez abandonner toute idée de me faire jamais porter une perruque blonde. Je préfère être pendu.

La jeune fille sourit en imaginant son beau-frère, un bel homme grand et mince, affublé de la perruque couleur de paille qui constituait le fleuron de sa collection d’accessoires de théâtre.

— Quoi qu’il en soit, ma chérie, conclut Béatrice en levant les yeux au ciel, tâche de t’amuser ce soir chez miss Pilkington.

— C’est promis, répondit la cadette.

Si tout se passait comme prévu, songea-t-elle, ce serait en effet une fort belle soirée…

Jane Pilkington n’existait pas, bien évidemment.

* * *

Eleanor commença à se changer dès qu’elle entendit la porte de devant se refermer derrière Béatrice et Charles. Elle ne sonna point la femme de chambre, puisque aussi bien elle n’avait pas besoin d’aide pour passer la tenue qu’elle destinait à cette soirée particulière : une simple robe de coton gris — qu’une encolure de lin blanc égayait un peu — ayant appartenu à une gouvernante avant de finir au fond d’une malle, dans le grenier de son père, d’où elle l’avait tirée pour l’ajouter à sa collection de costumes de scène, persuadée qu’elle lui servirait un jour.

Une fois vêtue, elle se regarda dans la glace et, jugeant l’illusion convenable, entreprit de passer la perruque blonde pour parfaire le tableau. Cela fait, elle grimaça : le postiche lui rappelait par trop la chevelure claire et soyeuse de ses trois frère et sœurs. Elle se savait jolie, mais n’ignorait pas non plus qu’elle ne pouvait prétendre se comparer à eux. Leur haute taille et leur blondeur éclipsaient sa beauté moins évidente. Brune et pas plus grande que la moyenne des femmes du pays, elle se trouvait souvent ordinaire, malgré ses yeux d’un bleu étonnant.

En l’occurrence, elle appréciait de pouvoir passer inaperçue, car il ne fallait à aucun prix qu’on puisse la reconnaître.

Elle retira la perruque en soupirant, et détourna les yeux du miroir d’un air maussade. Si sa réputation de jeune fille modèle lui pesait, elle se sentait coupable à l’idée de tromper sa sœur et son beau-frère. Pourquoi fallait-il toujours qu’elle soit parfaite, comme disait Béatrice ? Avant de se marier, Ben avait vécu une vie de débauche, et Béa n’avait trouvé le bonheur auprès de Charles qu’après avoir été scandaleusement compromise par celui-ci. Quant à Helen, elle promettait d’être pire que les deux autres, et elle n’avait encore que quinze ans !

Or toute la famille s’attendait à ce qu’elle, Eleanor, fasse son devoir et trouve un mari sans trop de difficulté. Il ne leur serait pas venu à l’idée un instant qu’elle se moquait du mariage comme d’une guigne, sans compter que personne ne semblait vouloir lui demander sa main… Un bas-bleu comme elle n’intéressait que très peu les jeunes gens en quête d’une aventure ou d’une épouse. Certains semblaient goûter sa conversation, certes, mais aucun ne se rengorgeait comme un coq en sa présence.

De toute façon, si elle était à Londres, cela n’avait pas grand-chose à voir avec la saison mondaine — mais tout, en revanche, avec ce qu’elle s’apprêtait à faire.

Ce soir, elle allait au théâtre.

Depuis que, à l’âge de neuf ans, elle avait assisté à une représentation alors qu’elle se trouvait à Bath avec sa famille, elle brûlait de passion pour cet art. Elle aurait tout donné pour devenir un auteur à succès, même si elle savait pertinemment qu’il n’y avait quasiment aucune chance que cela advienne jamais. Elle aurait même aimé être actrice, ce qui semblait plus impossible encore, la bonne société considérant les femmes qui s’adonnaient à ce métier comme rien moins que des prostituées. Pourtant, à en juger par ce qu’elle venait de voir dans la glace, elle semblait avoir du talent…

Elle n’approchait son rêve qu’en tant que spectatrice. Depuis ses seize ans, chaque séjour à Londres comportait au moins une sortie au théâtre, le plus difficile étant toujours de convaincre quelqu’un de l’y accompagner pour lui servir de chaperon.

Elle s’imaginait, en venant à Londres, que son entrée dans le monde ressemblerait à peu près aux séjours précédents, mais elle se trompait. La saison mondaine était une affaire terriblement sérieuse. La vie d’une débutante suivait un programme rigoureux et à vrai dire épuisant, et on n’allait au théâtre qu’à titre exceptionnel — pour se faire voir, essentiellement. La pièce elle-même n’était aux yeux du plus grand nombre qu’un mal nécessaire, dont on se fût passé avec joie. Mais des hordes de jeunes gens à marier se pressaient parfois au parterre et on ne pouvait négliger un tel endroit. Après tout, le but essentiel de la saison était de se trouver un mari…

Eleanor jugeait tout cela mortellement ennuyeux.

Ce qui expliquait qu’elle eût inventé Jane Pilkington. Cela lui avait paru une idée excellente et simple à mettre en œuvre : il suffisait de prétexter une visite auprès d’une amie souffrante et de s’esquiver pour aller au théâtre en se déguisant en gouvernante. Las, à présent qu’elle venait de mentir à sa sœur et de passer son déguisement, elle réalisait que toute l’entreprise pouvait capoter pour une raison ou une autre, et qu’il y avait de grands risques que toute l’affaire tourne au désastre. L’excitation qu’elle ressentait à l’idée d’assister au spectacle éclipsait néanmoins l’angoisse qu’elle éprouvait. Et puis, après avoir passé sa vie jusqu’ici à se comporter en jeune fille modèle, le temps semblait venu de se rebeller un peu…

Elle jeta son manteau sur ses épaules après avoir glissé la perruque dans l’une des manches et se lança dans l’escalier. Au bas de celui-ci, elle trouva le majordome assoupi.

— Bonsoir, Cummings, lança-t-elle d’un ton dégagé en le voyant se réveiller en sursaut.

— Bonsoir, miss Sinclair, répondit le domestique en faisant mine de se lever.

— Ne vous dérangez pas, le gronda-t-elle gentiment. J’ai vu la voiture de miss Pilkington approcher depuis ma fenêtre et suis parfaitement capable d’ouvrir et de fermer la porte toute seule.

— Mais, miss…, protesta le majordome pour la forme, en se rasseyant.

— J’insiste, fit Eleanor en se mordant la lèvre pour ne pas rire.

— Très bien, dit le vieil homme en hochant la tête avec gratitude.

La jeune femme vola vers la porte sans demander son reste, ravie que jusque-là son plan fonctionnât à merveille. Un homme plus jeune aurait insisté pour l’accompagner jusqu’à la voiture, ce qui aurait compromis toute l’entreprise.

Car de voiture, justement, il n’y en avait aucune, ce qui ne laissait pas de l’inquiéter, car il allait lui falloir trouver un coche toute seule, ce qui constituait en soi un comportement tout à fait scandaleux. Elle ne savait même pas exactement comment on procédait, d’ailleurs.

Sur le perron, elle s’assura d’un coup d’œil que la rue était vide avant de rabattre sur son visage le capuchon de son manteau et de descendre les marches. Elle espérait qu’ainsi accoutrée elle n’attirerait pas trop l’attention, quoique l’air doux de l’été rendît cette tenue quelque peu incongrue.

Elle s’efforça de marcher d’un pas décidé, priant le ciel de n’avoir pas à chercher trop longtemps un coche. Heureusement, les habitants du quartier de Belgravia, où résidaient Béatrice et Charles, avaient les poches bien remplies, et les cochers y maraudaient souvent, en quête de clients, même dans les petites rues désertes.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour voir approcher une voiture apparemment vide, car le cheval marchait lentement et l’homme qui le guidait semblait scruter la nuit. Avec un peu d’appréhension, Eleanor leva le bras. A son grand soulagement, elle vit le coche infléchir sa course pour venir à sa hauteur. D’une voix ferme, elle lança l’adresse au postillon, qui acquiesça sans broncher.

Il ne l’aida pas non plus à monter en voiture, et elle se fit la réflexion qu’elle allait devoir s’habituer à ce genre de traitement. Qu’espérait-elle, après tout ? Aucune jeune fille bien élevée n’aurait songé une seconde à prendre seule un coche, et encore moins si tard. Sans compter que l’adresse qu’elle venait de donner avait tout pour dissiper ce qui pouvait rester de doute dans l’esprit du cocher sur sa moralité.

Dès que la voiture s’ébranla, elle se laissa aller contre le dossier de la banquette. Elle se sentait tout à coup presque apaisée, comme si d’avoir franchi sans encombre ce premier obstacle augurait bien de la soirée qui s’annonçait. En tout cas, elle n’avait pas le souvenir de s’être jamais sentie aussi libre qu’à cette heure et, comme la quiétude de Belgravia cédait peu à peu la place à l’agitation du centre-ville, une grande impatience la saisit.

Elle tira la perruque de sa cachette et en couvrit ses cheveux bruns avec précaution ; puis, prenant dans son réticule un petit miroir ouvragé, elle mit la dernière touche à son déguisement. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres en voyant son visage transformé de la sorte. Elle trouvait un plaisir certain à cette transgression. Finalement, ne plus être une jeune fille modèle ne s’avérait pas désagréable…

A condition que la chance continue à lui sourire.

Afficher en entier

Ajoutez votre commentaire

Ajoutez votre commentaire

Commentaires récents


Dates de sortie

Les Sœurs Sinclair, Tome 2 : L'Inconnue du théâtre

  • France : 2009-02-01 - Poche (Français)
  • USA : 2008-02-01 - Poche (English)

Activité récente

ade9478 l'ajoute dans sa biblio or
2016-03-08T22:23:17+01:00

Titres alternatifs

  • The Wayward Debutante - Anglais

Les chiffres

lecteurs 15
Commentaires 0
extraits 1
Evaluations 3
Note globale 7.33 / 10

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode