Extraits

"Ils ne la publieront jamais, décréta Charlotte après que Weezie eut lu son brouillon de lettre au groupe. Ils ne publient que des lettres d'hommes."

Aussi, avec une grande minutie, Weezie la recopia-t-elle de sa plus belle écriture masculine. Après l'avoir signée du nom du vieux portier de l'internant de la faculté, elle y adjoignit l'adresse de son professeur de musique à Amherst et la posta

- Je vais te faire une révélation choquante [...] Si je suis revenue... Je me suis dit que, quitte à être condamnée par mes désirs et rôtir en Enfer... mieux valait revenir vers toi, et le faire bien. Et je suis maintenant incapable de penser à autre chose qu'à l'ivresse que me procure le ravissement complet des sens. Je doute fort de pouvoir m'ôter un jour cela de l'esprit, ou même de retrouver du plaisir à manger. Je n'ai plus aucun appétit pour les autres nourritures terrestres.

- Je viens souvent, seule. Je trouve moi aussi les musées très reposants, ils offrent une occasion de recueillement. Celui-ci est superbe. Il appartenait à l'empereur et n'a été ouvert au public qu'au milieu du siècle. Je les trouve exquises, dit-elle en indiquant les aquarelles devant lesquelles était Wheeler.

"L'armée la mieux habillée de l'histoire, au bout d'une défaite ignominieuse. Où que l'on aille à Vienne - au café, au restaurait ou au Prater, l'immense parc public de la ville -, on se retrouvait cerné d'uniformes. Avec apparat et tapage ils menaient le monde, et l'empereur était le plus pompeusement vêtu de tous."

Quelque chose en elle toucha Wheeler immédiatement, irrémédiablement, quelque chose dans son regard lorsqu'elle se mit à parler en allemand de Vienne, d'une voix si douce qu'elle lui donna envie de boire l'une après l'autre les syllabes délicieusement mélodiques qui s'échappaient de ses lèvres. Il émanait de sa personne tout entière un pouvoir d'attraction foudroyant; on aurait dit une incarnation de l'érotisme inaccessible dont les récit s de Haze avait nourri les fantasmes adolescents de ses élèves en pleine agitation hormonales.

Je commence à m'embrouiller dans les temps verbaux. Je ne sais plus trop si je dois dire est, était ou sera.

- C'est la nature de notre condition ", dit Wheeler en riant.

Il n'y a pas de menteur plus convaincant, conclut Wheeler, que celui qui est certain de dire la vérité.

La mort de million d'hommes est une statistique, disait le dicton ; la mort d'un seul est une tragédie.

Quand les gens commencent à penser que le progrès va de soi et que la vie est facile, ils perdent toute croyance en l'héritage culturel de leurs pères et ils s'enlisent.

"Je me demande souvent ce qui se passerait si chacun de nous décidait de suivre ses inclinations, de faire ce qu'il trouve bien plutôt que ce qu'on lui demande de faire.

Que deviendrait la civilisation ?

Les continents auraient ils pu être découverts ?

Les actes héroïques resteraient ils possibles ? "