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« Oh, mais c'est impossible, se dit Faith. Je ne dois pas céder à cette chose !"
Faith l'appelait toujours en elle-même "cette chose". En lui donnant un autre nom, elle aurait craint de lui conférer une emprise encore plus forte. Elle avait conscience qu'il s'agissait d'une véritable manie, à laquelle elle décidait sans cesse de renoncer - sans jamais y parvenir. Cette chose était aux antipodes de la Faith que le monde connaissait. Faith, l'enfant sage, un vrai roc. Tellement terne, fiable et digne de confiance.
Le plus difficile, c'était de résister aux occasions inattendues. Une enveloppe laissée sans surveillance, d'où dépassait la lettre immaculée, tentatrice. Une porte non fermée à clé. Une conversation oublieuse des éventuelles oreilles indiscrètes.
Faith avait comme une faim en elle, alors que les filles ne devaient pas avoir faim. Elles étaient censées grignoter avec modération lors des repas, et leur esprit aussi était censé se contenter d'un régime frugal. Quelques mornes leçons données par des institutrices fatiguées, quelques promenades ennuyeuses, des distractions d'écervelées. Mais pour Faith, cela ne suffisait pas. Le savoir - n'importe quel savoir - l'attirait irrésistiblement. Et elle trouvait un plaisir aussi délicieux qu'empoisonné à le dérober à l'insu de tous. »
Afficher en entierEt peut-être une autre fille, plus tard, en explorant la bibliothèque de son père, tomberait-elle sur une note en bas de page dans une revue savante et découvrirait-elle le nom de Faith Sunderly. « Faith ? se dirait-elle. C’est un prénom féminin. Une femme a accompli cela. Dans ce cas … je peux en faire autant ! » Et la petite flamme d’espoir, de détermination et de confiance en soi s’allumerait dans un autre cœur.
- Je suis lasse des mensonges, déclara Faith. Je ne veux pas me cacher comme l’a fait Agatha.
- Que veux-tu donc ? demanda Myrthe.
- Je veux contribuer à l’évolution.
Afficher en entierDans la pénombre de la chambre, le miroir ressemblait à une porte ouverte encadrée d'or. De l'autre côté de ce portail, Faith vit une jeune sorcière aux yeux brillant comme des étoiles féroces. Ses cheveux lisses se lovaient comme des serpents sur ses épaules. Des gouttes de pluie scintillaient sur ses joues. Sa robe toute simple, au col haut, était d'un noir avide, aussi profond qu'un puits de mine. Faith absorbait toute la lumière de la pièce.
Était-ce bien la Faith, la bonne petite Faith ?
La fille du miroir était capable de tout. Et elle était tout sauf bonne, cela se voyait tout de suite.
« Je ne suis pas bonne », se dit Faith. Quelque chose se libéra en elle, s'envola dans le ciel en battant des ailes noires. « Jamais quelqu'un de bon ne sentirait ce que je sens. Je suis méchante, fourbe, pleine de rage. Rien ne pourra me sauver. »
Elle ne se sentait plus brûlante ni désespérée. Elle se sentait comme un serpent en train de se déployer.
Afficher en entierElle enleva ses vêtements mouillés et les suspendit devant la cheminée. Puis elle alimenta le feu et s'assit dans un fauteuil avec les papiers, si près de l'âtre que la chaleur brûlait ses mains et ses joues. En voyant que ses jupes commençaient à fumer, elle se sentit elle-même comme une salamandre, ou quelque créature brumeuse et monstrueuse de la mythologie. Ses cheveux se raidissaient en séchant comme des tentacules.
Afficher en entierEt l'air était rempli du bourdonnement assourdi de mensonges chuchotés.
Il y avait les mensonges gentils. « Tu es toujours belle. Je t'aime. Je te pardonne. »
Les mensonges effrayés. « Quelqu'un d'autre doit l'avoir pris. Bien sûr que je suis anglican. Je n'ai jamais vu ce bébé. »
Les mensonges intéressés. « Achetez-moi ce tonique si vous voulez que votre enfant se remette. Je veillerai sur toi. Je garderai ton secret. »
Les demi-mensonges, et les petits silences tendus là où il y aurait dû avoir une vérité. Les mensonges poignards, les mensonges cataplasmes. Les rayures du tigre et les mouchetures sombres du faune. Et partout, partout, les mensonges que les gens se racontaient. Les rêves pareils à des fleurs coupées, sans racine pour les nourrir. La lueur des feux follets pour se sentir moins seul dans l'obscurité. Les fausses résolutions et les vains prétextes.
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