Extraits

Ceci est un mot, et un mot est une incantation, une promesse à garder ou un secret à dévoiler.

Contrôler le mot signifie le pouvoir de modeler.

La façon dont l'histoire retiendra ton nom.

Ceci est un mot, et un mot est une incantation.

Es-tu un héros ou un scélérat ?

Un espion ou un sauveur ?

Certains titres sont jolis.

Certains titres sont menteurs.

Tu peux dire qui tu es, que tu as ta voix.

Mais ceux qui sont choisis, eux n'auront pas le choix.

- Papa disait toujours qu'il était né avec un pinceau dans la main. Tu me crois si je te dis qu'il a su peindre avant même de savoir parler ? Quand on était petit, je parlais à sa place. Des trucs du genre : "Aljan veut un bonbon." "Aljan déteste les asperges." Mais bon, difficile de lui en vouloir. C'est vrai, quoi, qui aime les asperges...

Sefia baissa les yeux sur Archer, caché dans le rocheux creux avec ce qu’il restait de leurs possessions. Il remua brièvement, repoussa sa couverture, et s’immobilisa à nouveau. Au cours des deux heures écoulées depuis que la lune s’était levée, il n’avait fait que dormir et se réveiller, sans cesse aspiré sous la surface de ses rêves dont il s’extirpait chaque fois pour reprendre connaissance, le souffle court.

Même à présent, il ne semblait pas se reposer. Il avait les sourcils froncés, les doigts agités de spasmes et les lèvres retroussées en un grognement ou un cri silencieux. Elle aurait voulu se rapprocher de lui, lui caresser le front pour en chasser les plis soucieux, et ouvrir ses poings… Mais depuis qu’ils s’étaient échappés, il était différent, distant. Leur confrontation avec la Garde l’avait changé. De même que leur comportement l’un envers l’autre.

Ça avait tout changé.

Perchée sur un rocher de granite, Sefia resserra sa couverture autour d’elle. Elle aurait préféré son hamac à cette niche, mais il avait été abandonné sur le sol du bureau de Tanin avec la majeure partie de son matériel.

Et Nin. La tante qu’elle s’était jurée de sauver. La tante à qui elle avait fait défaut. Un corps chétif sous un manteau de fourrure d’ours.

Sefia frissonna en se rappelant ce qu’il s’était passé ensuite : le scintillement du poignard, la façon dont la peau de Tanin s’était ouverte sous le tranchant de la lame. La deuxième fois qu’elle tuait quelqu’un.

Si elle se laissait attraper, la Garde le lui ferait payer cher. Maintenant, deux de leurs Directeurs avaient péri à cause de sa famille.

Comme elle le faisait environ toutes les cinq minutes, elle plissa les yeux pour scruter les bois. Elle fit appel à ce sens particulier qu’elle partageait avec sa mère – ainsi que son père – et libéra sa magie.

Elle était toujours là, toujours en mouvement, comme un océan puissant sous une fine couche de glace. Car l’univers contenait bien plus que ce qu’on pouvait voir, entendre ou toucher. Pour ceux qui avaient le don, le monde était Illuminé : chaque objet flottant dans sa propre histoire, chaque instant accessible pour qui savait comment chercher.

Elle cligna des yeux et des courants dorés tourbillonnants envahirent son champ de vision. Des millions de minuscules grains brillants portés par le vent, les courbes montantes des arbres et les soupirs de la matière en décomposition s’enfonçant doucement dans la terre. Dans la vallée en contrebas, à moins de trois kilomètres de leur camp, la cité isolée de Cascarra s’étendait le long de la rivière Olivine. De là où elle se tenait, Sefia apercevait les lampes telles des perles dorées qui pailletaient les rues et les entrepôts de bois, les barges tirant sur leurs amarres, la fumée qui s’élevait des toits pointus. Mais rien ne perturbait la tranquillité de la nuit.

Ceci est un mot et un mot est une incantation, une promesse à garder ou un secret à dévoiler.

Contrôler le mot signifie le pouvoir de modeler la façon dont l'histoire retiendra ton nom.

Ceci est un mot et un mot est une incantation.

Es-tu un héros ou un scélérat ? Un espion ou un sauveur ?

Certains titres sont jolis, certains titres sont menteurs.

Tu peux dire qui tu es, maintenant que tu as ta voix. Mais ceux qui sont choisis, eux, n'auront pas le choix.

Il était possible de continuer à aimer les personnes qui vous avaient fait le plus mal.