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(...) tous condamnés sauf Jésus-Christ, le seul dans l'histoire de l'humanité qui soit jamais revenu, le seul et unique, mais y croyais-je vraiment ?
Je devais y croire. D'où venait donc ma luge, et mon gant de base-ball, et où puisais-je toute ma technique ? Si je cessais d'y croire, je risquais la déconfiture totale, la perte de mon tonus, le fiasco sur le terrain. Bon Dieu, oui, j'avais des doutes, mais je les repoussais. La vie d'un lanceur était déjà assez dure pour qu'en plus il ne perde pas sa foi en Dieu. Une seule seconde de doute pouvait froisser un muscle du Bras, alors à quoi bon réveiller ces questions gênantes ? Laissons-les de côté. Le Bras vient du ciel. Crois à ça. Ne t'occupe pas de la prédestination, et si Dieu est bonté, pourquoi y a-t-il tant de mal, et s'il sait tout, pourquoi a-t-il créé les hommes et en envoie-t-il certains en enfer ? Tu auras tout le temps de réfléchir à ça plus tard. Entre en deuxième division, monte en première, lance dans les World Series, inscris ton nom dans les Annales de la Gloire. Ensuite tu pourras te reposer et t'interroger, te demander à quoi ressemble Dieu, pourquoi certains bébés naissent infirmes, qui est responsable de la faim et de la mort.
Afficher en entierJe regrettais de m'être mis en colère contre elle, je me suis détesté, mais l'idée de prier la mère de Dieu pour qu'elle m'aplatisse les oreilles semblait de la folie pure, vu que son fils avait décidé de les décoller.
(...)
Oh, ma mère était une brave femme, une noble femme, elle ne trichait jamais, ne mentait jamais, ne trompait jamais ni ne disait une parole désagréable. Elle récurait les planchers, mettait à sécher d'énormes quantités de lessive, repassait tant et plus, cuisinait et cousait balayait et souriait courageusement dans l'adversité, victime de Dieu, victime de mon père, victime de ses enfants, elle allait et venait avec les stigmates du Christ sur ses mains et ses pieds, une couronne d'épines sur la tête. Sa souffrance était insupportable à voir, au point que j'aurais voulu l'entendre dire et merde, ou bien allez vous faire foutre, ou encore des clous, je m'en bats l’œil. (...) Au lieu de quoi elle nous punissait à coups de Notre Père et de Je Vous Salue Marie, elle nous étranglait avec les perles de son rosaire.
Afficher en entierTout compte fait, la neige avait du bon. Elle vous isolait des autres, elle cachait vos taches de rousseur, vos oreilles en forme de chou, votre taille misérable, et vous croisiez d'autres fantômes dans la ville désolée, têtes baissées, yeux invisibles, votre culpabilité et votre inutilité profondément enfouies, protégées.
Afficher en entierUn homme peut supporter une crise temporaire s'il a foi en l'avenir.
Afficher en entierNous étions dans cette rue morte au beau milieu de la nuit, il neigeait si dru que nous nous voyions à peine, et il me disait que j'étais faible, mon propre père, et ça m'a déprimé de réaliser qu'il me jugeait en pensant à lui-même.
Il était un grand poseur de briques et un raté; j'étais un grand joueur de baseball et moi aussi je raterais ma vie. Tel père, tel fils.
Afficher en entierJe ne m'attendais certes pas au moindre ennui de la part de mon grand-père, car il était mort depuis sept ans, mais son souvenir planait toujours dans l'air. [...]. Je me suis rappelé qu'il aimait s'accroupir pour gratter le sol avec un bâton, cet homme inculte et plein de sagesse qui souriait tout le temps, ravi d'être simplement vivant sur cette terre.
Afficher en entierJe savais sa blessure secrète, et je plaignais Grand-maman Bettina. Elle se sentait seule, incapable de reprendre racine dans une terre étrangère. Elle n'avait pas voulu venir en Amérique, mais mon grand-père ne lui avait pas laissé le choix. La pauvreté existait aussi dans les Abruzzes, mais c'était une pauvreté plus douce, un mal que tout le monde partageait, comme une miche de pain passée alentour. On partageait aussi la mort, la douleur, la peine et les bons moments; le village de Torricella Peligna ressemblait à un seul être humain. Ma grand-mère était un doigt arraché au restant du corps, et rien dans sa nouvelle existence ne pouvait la consoler de son désespoir.
Afficher en entierFranck et mon père se sont installés sur le sofa déglingué, leurs pieds contre le petit poêle maintenant chauffé au rouge, et ils se sont préparés à un long siège en buvant du vin rouge sombre.
Afficher en entier"Je travaille plus pour toi", a répondu Speed. (...) Il est retourné chercher son porte-documents dans sa voiture. Puis il en a tiré une liasse de papiers pliés, qu'il a tendue à mon père. Stupéfait, Papa en a feuilleté les pages, il les a parcourues, s'intéressant même aux pages blanches de gauche. (...)
"C'est pas des actions", a dit Speed en écartant le document. "C'est le droit de propriété d'une mine."
"Une mine?"
"Une mine d'or."
Afficher en entierAllongé dans la nuit blanche, j'ai regardé mon haleine s'échapper en volutes opaques. Des rêveurs, une maison pleine de rêveurs. Grand-Maman rêvait de son village dans les lointaines Abruzzes. Mon père rêvait de rembourser toutes ses dettes et de poser des briques côte à côte avec son fils. Ma mère rêvait de sa récompense céleste avec un mari joyeux qui ne courrait plus la gueuse. Ma petite soeur Clara rêvait d'entrer dans les ordres, et mon petit frère Frederick avait une folle envie de grandir pour devenir un cow-boy. Fermant les yeux, j'ai entendu le bourdonnement des rêves qui emplissait la maison, puis je me suis endormi.
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