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Un jeune viateur gisait dans la pénombre, contre le flanc de la bête. Il avait les yeux clos et saignait du nez.
Alek s'agenouilla près de lui.
L'aviateur n'était guère qu'un enfant, avec des traits fins et des cheveux blond-roux. Le col de sa combinaison de vol était tâché de sang, et son visage paraissait très pâle dans la lueur verdâtre. Il devait se trouver là depuis l'atterrissage, maintenu en ve par la chaleur de la créature.
Alek ouvrit l'une de ses trousses, fouilla parmi les flacons et en sortit des sels et de l'alcool à 90°.
Il agita les sels sous le nez du garçon.
- Nom d'une pipe en bois ! s'exclama le garçon d'une voix flûtée, en ouvrant les yeux d'un coup.
Alek fronça les sourcils.
- Comment vous sentez-vous ? se risqua-t-il à demander en anglais.
- J'ai la tête en compote, répondit le garçon en se frottant le crâne.
Il se redressa lentement, jeta un regard autour de lui et écarquilla des yeux vitreux.
- Bon sang ! Quelle chute, pas vrai ? La pauvre bête m'a l'air bien mal en point.
- Vous ne semblez pas en grande forme non plus, lui fit remarquer Alek.
Ouvrant son flacon d'alcool à 90°, il en imbiba un bandage qu'il lui appliqua sur la figure.
- Aïe ! Arrêtez ! s'indigna le garçon en repoussant son bras.
Il s'assit bien droit, le regard plus net. Son expression se fit soupçonneuse quand il découvrit les raquettes d'Alek.
- Qui êtes-vous, au juste ?
Afficher en entier- Chargez le canon ! rugit maître Klopp.
Alek se retrouva projeté dans le siège du commandant tandis que la machine s'ébranlait. Il s'efforça de boucler ses sangles, mais une pensée terrible l'occupait tout entier et lui engourdissait les doigts.
S'ils essayent de me tuer... c'est que tout est vrai.
Le comte Volger s'accroupit près de lui, criant pour couvrir le vacarme des moteurs et des coups de canons.
- Voyez le bon côté des choses, Alek. Si on vous tire dessus, c'est bien que vous représentez une menace pour le trône !
Afficher en entier- Très bien, dit Volger. Quand votre père a décidé d'épouser Sophie, j'étais de ceux qui ont cherché à l'en dissuader.
- C'est donc à la médiocrité de votre puissance de persuasion que je dois mon existence.
- Ne me remerciez pas, ironisa Volger.
Afficher en entierUn coup de feu éclata - soulevant une gerbe de terre à un mètre de lui.
Il plongea au milieu des épis.
La carabine fit feu de nouveau. Cette fois-ci, la balle siffla aux oreilles d'Alek. Son instinct lui hurlait de fuir, mais le cavalier verrait bouger les épis. Alek se figea sur place, hors d'haleine.
- Je t'ai raté exprès ! lui cria une voix.
Alek resta où il était, s'efforçant de reprendre son souffle.
- Ecoute, tu n'es qu'un gamin, continua la voix. Je ne sais pas ce que les deux autres ont fait, mais je suis sûr que le capitaine sera indulgent avec toi.
Alek entendit le cheval s'engager dans le ruisseau, sans se presser.
Il entreprit de s'éloigner à plat ventre, attentif à ne pas écraser les épis. Son coeur battait à tout rompre. La sueur lui coulait dans les yeux. C'était le premier combat qu'il affrontait ainsi - hors de la carapace métallique du Strumgänger. Volger n'avait pas voulu qu'il emporte une arme en ville, pas même un couteau.
Son premier combat singulier, et il n'était même pas armé !
- Allons, mon garçon. Cesse de me faire perdre mon temps, ou je me chargerai personnellement de te corriger !
Alek s'immibolisa, en réalisant qu'il n'avait qu'un seul avantage : ce jeune soldat ignorait à qui il avait affaire. Il devait le prendre pour un vagabond ordinaire, non pour un noble entraîné à se battre depuis l'âge de dix ans.
Il ne s'attendrait pas à une contre-attaque.
Afficher en entierDeryn fit un pas en avant, puis regarda la corde qui la reliait aux autres.
- Nom d'une pipe en bois !
Si le bosco basculait par-dessus bord, il entraînerait Newkirk avec lui, puis Deryn, come une mouche happée par la langue d'un crapaud. Elle chercha du regard quelque chose à quoi se raccrocher, mais les enfléchures à ses pieds étaient soit déchirées, soit trop tendues.
- Newkirk ! Reviens tout de suite !
Le garçon s'immobilisa, regardant M. Rigby disparaître dans le vide. Puis il se retourna, horrifé ; il venait enfin de comprendre. Mais il était trop tard - la corde qui le reliait au bosco se tendait déjà.
Newkirk jeta un regard désespéré à Deryn. Sa main se porta au couteau de gabier qu'il avait à la ceinture.
- Non ! cria Deryn.
Il ne lui restait plus qu'une chose à faire.
Elle tourna les talons et courut de l'autre côté, sur le flanc opposé de l'aéronef.
Afficher en entier"Le temps qu'ils atteignent les écuries, Alek n'avait plus qu'un souci: éviter de se casser la figure dans le noir. Sous le croissant de lune, les forêts du domaine tapissaient le fond de la vallée comme un océan sombre. A cette heure tardive, les lumières de Prague se réduisaient à un scintillement discret.
Alek laissa échapper un petit cri à la vue du mécanopode.
L'appareil dépassait le toit des écuries, ses deux pieds métalliques plantés dans la terre meuble du paddock. Il ressemblait à un monstre darwiniste tapi dans l'obscurité.
Il ne s'agissait pas d'une machine d'entraînementmais d'un véritable engin de guerre -un Sturmgänger Cyklop. Avec un canon ventral, et les museaux épais de deux mitrailleuses Spandau de part et d'autre de son énorme tête.
Jusqu'à cette nuit, Alek n'avait piloté que des vedettes désarmées ou des corvettes d'exercice quadripodes. Malgré ses presque seize ans, sa mère persistait à le trouver trop jeune pour des machines de guerre.
-Je suis censé piloter cette chose-là? s'exclama Alek, dont la voix se fêla. Elle est dix fois plus grosse que ma vedette d'exercice!
Otto Klopp lui tapota l'épaule de sa main gantée.
-Ne craignez rien, jeune Mozart. Je serai juste à côté de vous."
Afficher en entierC'était comme de rejoindre une meute de chiens. Ils se chamaillaient et se bousculaient pour les meilleures places à la table du mess. Ils se moquaient les uns des autres à chaque erreur dans la lecture des signaux ou des tables de navigation, ou chaque fois que les officiers complimentaient l'un d'entre eux. Ils cherchaient sans cesse à prouver lequel pouvait cracher le plus loin, engloutir son rhum le plus vite ou roter le plus fort.
C'était drôlement fatiguant d'être un garçon.
Afficher en entierCiel rouge au matin doit faire peur au marin.
Afficher en entier- J'ai horreur de ces oiseaux-là, marmonna Newkirk.
- Ce ne sont pas des oiseaux, imbécile, répliqua Deryn.
- Et que voulez-vous que ce soit?
Deryn geignit.
- Les chauves-souris sont des mammifères. Comme les chevaux, comme vous et moi.
Newkirk secoua la tête.
- Des mammifères volants! Je me demande ce que les savants nous inventeront la prochaine fois.
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