Extraits

Personne ne répondit. Cependant il savait que tous ces hommes attendaient impatiemment ce qu’il avait à leur dire et s’apprêtaient à l’écouter avec une extrême attention.

Lord Cheriton était de ces hommes qui en imposent. Mais ce qu’il y avait de frappant dans son allure et dans son expression était si étrange et inusité qu’il ne ressemblait à personne et se différenciait totalement de tous ses contemporains.

La plupart des convives assis, ce soir-là, autour de sa table, pensaient que Lord Cheriton méritait de la plus indiscutable manière le surnom que le hasard lui avait donné.

La chose s’était faite au cours de la guerre d’Espagne. On sait que Napoléon Ier avait donné l’ordre à ses généraux de rejeter à la mer les armées anglaises du duc de Wellington et du général Moore. Avec sa finesse psychologique coutumière, Napoléon avait donné à Wellington un surnom qui avait fait merveille sur les populations indigènes : il l’avait baptisé « le Léopard ».

Soudainement, une silhouette féminine s'encadra, toute nimbée de lumière, dans la porte-fenêtre. Il ne fit pas un geste, et la jeune fille blonde pénétra dans la pièce sans le voir.

Elle trouva Richard, comme prévu, à moitié habillé, assis sur son lit, en train d'essayer d'enfiler une chaussette tout en lisant le livre posé sur ses genoux.

En apercevant enfin la demeure dans la trouée de soleil, au bout de l'allée, lord Cheriton grimaça. Son regard perçant filtrait entre ses paupières et il ressemblait mieux que jamais à un léopard prêt à bondir.

Lord Cheriton traversa le hall et se dirigea vers la pièce qui était autrefois le petit salon de sa mère, tout pensif à ce souvenir. C'était la seule pièce de la maison à laquelle il repensait parfois sans souffrir. Pour lui, la bibliothèque où son père le fouettait à plaisir et la salle à manger où résonnaient des cris de colère pendant tous les repas, restaient des lieux de supplice.

Mais, Wellington ne fut pas le seul à être condamné à porter le surnom de Hideux Léopard, et tous ceux qui servaient dans son armée partagèrent son sort. Ses officiers avaient divisé les troupes en divers groupes surnommés les uns les Léopards Furieux, d'autres les Léopards Vicieux, d'autres les Léopards Décharnés... Et il y avait également les Abominables Léopards.

" Le hideux Léopard pollue, par sa seule présence, toute la péninsule Ibérique! Mais nous porterons nos aigles victorieuses jusqu'aux Colonnes d'Hercule! " avait proclamé l'empereur des Français; mais cela ne les avait guère émus.

Avec sa finesse psychologique coutumière, Napoléon avait donné à Wellington un surnom qui avait fait merveille sur les populations indigènes : il l'avait baptisé le Léopard.

Lord Cheriton était de ces hommes qui en imposent. Mais ce qu'il y avait de frappant dans son allure et dans son expression était si étrange et inusité qu'il ne ressemblait à personne et se différenciait totalement de tous ses contemporains.

Note de l'auteur

Le duc de Wellington et ses soldats avaient réellement reçu les surnoms de Léopards dont il est fait état dans ce roman.