La Blessure

– Ainsi que je vous l’ai écrit, je vous laisse une clientèle importante. Il y a presque mille cinq cents habitants entre Labelle et les bourgades environnantes, de quoi vous occuper l’essentiel de l’année. L’été, ça va, on est à peu près tranquille. Le travail des champs est si exigeant que les malades ne viennent qu’en désespoir de cause, quand ils ne tiennent plus debout. Dès l’entrée de l’hiver par contre, c’est l’affluence. Les gens défilent du matin jusqu’au soir. Ils consultent pour les pathologies les plus courantes, rien de méchant le plus souvent, mais il ne faut pas être pressé. Ils ont besoin de parler. Les vieux surtout, qui aiment se plaindre de leurs douleurs, de leurs petits bobos. C’est là que le colloque singulier prend toute son importance. Un peu d’écoute, quelques paroles doctes, un médicament au goût amer, ils repartent contents. Par contre, quand un gamin vient vous chercher, envoyé par ses parents, c’est très souvent un cas d’urgence. Il ne faut pas hésiter à abandonner les consultations en cours pour le suivre.