Extraits

Cette soirée, c’est pile ce qu’il me faut pour oublier Jeffrey et le fait que je suis toujours célibataire à trente-cinq ans alors que mon horloge biologique me hurle qu’il est trop tard ‒ bien trop tard ‒ pour trouver un homme et fonder la famille que j’ai toujours rêvé d’avoir.

AVANT-PROPOS

Note de l'Autrice :

Prelude a d'abord ete publie dans l'anthologie en anglais Black Light : Roulette Wars. Une version francaise de cette anthologie n'est pas disponible actuellement.

CHAPITRE UN

Ravil

Je me demande vraiment pourquoi les gens payent pour fouetter des femmes.

Mais bon, Valdemar ne fait pas partie de la bratva, contrairement a moi. C'est un diplomate. Quelqu'un de serieux. Il aime les evenements discrets pleins de prestige et de sensualité.

-Alors, vous participerez a la Roulette de Saint-Valentin avec moi ? insiste-t-il.

Nous nous trouvons dans sa demeure de Georgetown, et il me sert un autre verre de sa vodka russe preferee, la Beluga Noble.

Il se prend sûrement pour une sorte d'aristocrate.

Je hausse les épaules.

-Pourquoi pas ? Da. Bien sûr.

Je ne suis pas du genre leche-cul, mais Valdemar est une part essentielle de notre trafic, et le pakhan de Moscou - le chef de la bratva - m'a ordonne de le combler.

La Roulette de Saint-Valentin est un evenement qu'organise son club echangiste. Un grand jeu qui associera dominants et soumises, avec trois activites pour animer le tout.

J'aime le sexe. J'aime dominer les femmes. Bon, je n'ai pas besoin de payer pour ça, mais peu importe. Pour Valdemar, je le ferai.

Il adore le Black Light Club de Washington, ou les gens riches et célebres se mêlent pour se donner des fessées.

Je croyais qu'il voulait me voir pour parler d'affaires importantes, mais tant pis. Il veut que je le seconde. Il pense sans doute que mes tatouages et mon allure menacante me donneront l'avantage dans un lieu ou etre un male alpha compte plus que tout. Il sait que les femmes me trouvent seduisant, et il espere qu'en ma presence, elles oublieront sa tache de naissance de la taille de Leningrad

La dernière fois que nous sommes sortis ensemble, il m'a garde a ses côtes toute la soirée, echangeant et partageant des femmes avec moi, m'invitant à manier la cravache a sa place. Il parlait des details techniques de l'affaire, comme si c'etait excitant. Non, il vaut mieux dominer sa partenaire jusqu'a ce qu'elle vous supplie de lui accorder un orgasme ou jusqu'a ce qu'elle hurle de plaisir. Ou l'un a la suite de l'autre.

Ca ne me derangeait pas. Les femmes avec qui nous jouions aimaient etre objectifiees. Elles toleraient Valdemar. Et je m'assurais qu'elles jouissent.

- Il faut poser sa candidature, me dit-il en cherchant le bon fichier sur son ordinateur. Remplissez ca. Je sais qu'ils vous accepteront, parce que je les ai appeles et j'ai use de mon statut de diplomate. Ils m'ont dit que tant qu'ils avaient un nombre egal de femmes et d'hommes, vous pouviez vous joindre a nous.

Je remplis rapidement le formulaire et le valide.

-C'est fait.

Valdemar me sourit.

-Parfait. Nous passerons une bonne soirée, demain.

-C'est pour ca que vous m'avez fait venir ?

-Entre autres. J'ai aussi besoin de vos services.

En russe, il ajoute :

-Je veux que vous donniez une bonne leçon à quelqu'un.

J'ai du mal a ne pas lever les yeux au ciel. Serieux ? Cet abruti ne realise pas qu'a Chicago, une centaine d'hommes sont a mes ordres precisement pour ce genre de conneries ? Je suis le boss de la bratva. Le cerveau de l'operation. Moi, je ne me salis plus les mains.

J'aurais pu envoyer un shestyorka - un membre de bas rang - s'occuper de ca. Ou s'il s'agit d'un sujet sensible, j'aurais envoye mon homme de main muet, Oleg.

Je detends mes machoires et prends un air aimable.

-Tout ce que vous voudrez, réponds-je.

Il m'adresse un sourire radieux.

-Parfait. Allons-y maintenant.

Je me lève et fais craquer ma nuque.

J'accepte.

Mais seulement parce que ce type est necessaire au fonctionnement de l'organisation.

Lucy

-Je commence vraiment à douter de ma décision, dis-je en agitant les mains pour arrêter de les tordre.

Je suis avec Gretchen, mon ancienne colocataire et meilleure amie de la fac de droit. Apres notre remise des diplomes, elle est restee a Washington. Et desormais, elle est vocate à succes pour le bureau du procureur alors que je suis ...

Complètement paumée.

Je chasse le chagrin qui m'oppresse la poitrine ces derniers temps. Je ne m'imaginais pas mener cette vie-la a trente-cinq ans.

-Mais non, me repond-elle, comme si cela suffisait a effacer mes doutes. C'est pile ce qu'il te faut pour oublier Jeffrey et avancer.

Dit la femme qui n'a jamais eu de relation a long terme. Meme a la fac, elle preferait les coups d'un soir alors que je cherchais « le bon ».

Et bon sang, j'etais persuadee de l'avoir trouve. Mais le mois dernier, j'ai du accepter que Jeffrey, mon petit ami apparemment parfait, n'avait aucune intention de engager. Huit ans ensemble, et impossible d'accomplir quoi que ce soit avec lui. Il ne voulait pas se marier, pas fonder la famille dont je revais.

Alors j'ai fini par me défaire de lui.

Et c'est bien plus dur qu'on pourrait le croire.

Quand un homme vous trompe, ou manque de respect a vos amis ou un membre de votre famille, c'est facile. Mais non, Jeffrey etait un petit ami gentil, beau et qui

'aimait ... mais pas assez.

Tant pis.

Un de perdu, dix de retrouves, comme on dit. Sauf que j'ai du mal a voir les choses avec philosophie.

J'ai plutôt l'impression d'être tombée de très haut.

Alors quand Gretchen m'a proposé de me joindre à une soirée du club BDSM qu'elle fréquente, j'ai accepté.

Sauf que la, je commence vraiment a le regretter. Je ne suis pas audacieuse. Et les cordes et les fouets, je n'y comprends rien

-Qu'est-ce que tu comptes porter ? me demande Gretchen, ignorant mes doutes.

Elle ouvre la housse que j'ai suspendue dans le placard de sa chambre d'ami et examine son contenu.

-Euh ...

Apparemment, elle n'est pas très impressionnée.

-La robe rouge, précisé-je sans enthousiasme.

Elle l'ôte de son cintre et la brandit devant elle. C'est une robe portefeuille moulante et décolletée.

-Oui, ce serait sympa ... pour un rencard avec un avocat.

-Mais je suis avocate.

-Pas ce soir, non. Ce soir, tu es une esclave sexuelle. Une soumise.

Elle jette la robe rouge sur le lit et me prend par la main pour me conduire dans sa chambre.

- Ce soir, ajoute-t-elle, tu vas apprendre a te laisser aller. Des que tu t'en remettras au destin, l'univers te donnera ton homme ideal. Un homme ravi d'etre ton mec qui te fera de beaux bébés blonds, et ...

-Je ne vois pas le rapport entre laisser quelqu'un me torturer et m'en remettre au destin

Elle ouvre le tiroir du bas de sa commode, ou elle range visiblement ses accessoires BDSM.

J'ai un mouvement de recul en voyant les tenues en latex qu'elle en sort.

- Bon, il n'y en a pas vraiment. Mais te soumettre te fera du bien. Vois ca comme un entraînement. Tu renonces a maitriser quoi que ce soit pendant trois heures. Tu laisses quelqu'un prendre les rênes et être responsable de ton plaisir.

- Et si je ne prends pas de plaisir, justement ?

Je saisis un mini short en latex ferme par un lacet. Super sexy ... pour un strip-tease.

-Désolée, mais je ne me vois pas porter un truc pareil, ajouté-je.

-C'est au dominateur de te donner du plaisir, me répond mon amie.

-Et de la souffrance, rétorqué-je.

Un grand sourire apparaît sur son visage.

-Ça, c'est peut-être son plaisir à lui. Si ça se trouve, tu aimeras ça.

Gretchen est versatile. Elle aime jouer les soumises et les dominatrices. Enfin, pas en même temps, bien sur.

Ce soir, elle sera dominatrice, car c'est ce que lui a demande le Black Light, le club BDSM dont elle est membre, quand elle a pose sa candidature pour la Roulette de

Saint-Valentin. Ils organisent une soiree speciale tous les ans. Gretchen m'en a deja parle l'annee derniere, sauf qu'a l'epoque, je l'avais ecoutee avec la curiosite d'une voyeuse, sans imaginer que j'y participerais un jour.

Lors de l'événement, une roulette sert à appairer les gens pour la soiree, et jusqu'a trois « scenes ». Dans ma candidature, je n'ai pu selectionner que quatre limites a ne pas franchir, ce qui a bien failli me tuer, car j'avais tres envie de tout mettre sur cette liste, sauf les rapports classiques.

Enfin non, ce n'est pas tout a fait vrai. La passion de Gretchen m'a toujours intriguee. Mais maintenant que je m'apprete a y gouter a mon tour, j'ai le trac.

-Bon, porte ta robe rouge si tu es plus a l'aise. Mais pitie, dis-moi que tu as une culotte sexy a porter en dessous.

Je tente l'audace, et avec un clin d'œil je reponds :

-Je pensais ne pas en mettre du tout.

-Bravo ! s'exclame-t-elle en me jetant un string, que je peine a attraper. Ca va être marrant. Tu me promets d'essayer de t'amuser ?

Je prends une grande inspiration et hoche la tete. Je ne suis pas une poule mouillee. Je suis une avocate impitoyable qui defend les criminels les plus endurcis sans me poser de questions. D'ailleurs, je compte parmi mes clients les familles mafieuses les plus puissantes de Chicago. Je suis bien capable d'affronter le Black Light.

J'espère.

Ravil

Le Black Light est un club secret, cache derriere la facade d'une boutique ésotérique. Le vigile connait Valdemar, mais je suis oblige de presenter mon invitation et une carte d'identité pour entrer.

Valdemar s'arrête pour saluer tous les gens qu'il connaît, alors je le quitte et me dirige vers le bar.

- Un whisky avec des glacons, dis-je à la jolie serveuse.

Je hoche la tete d'un air appreciateur quand elle me l'apporte, et je lui glisse un gros pourboire.

Valdemar me fait un signe de la main, et je leve le menton. Il est occupe a flirter avec deux femmes, mais je n'ai pas envie d'accourir pour me presenter, même si c'est ce qu'il veut. Si elles veulent me rencontrer, elles n'ont qu'a venir.

Mon cœur se met à battre plus vite alors que nos regards se plantent l'un dans l'autre. Il me dévisage d'un air impassible, ses yeux bleus pleins d'intelligence, mais insondables. Une vague brûlante me parcourt la peau.