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Tout en boutonnant sa chemise, Raja jeta un coup d’œil à la blonde sculpturale alanguie dans son lit. La top-modèle de renommée internationale caressait du bout des doigts le nouveau bracelet de diamants qui encerclait son poignet délicat, comme s’il s’agissait d’un talisman. Il fronça les sourcils. Chloé était tellement prévisible ! Bien que les devoirs liés à sa fonction l’aient empêché de la voir très souvent au cours des mois passés, elle était aussi facile à satisfaire qu’un enfant qu’on amadouait en lui offrant un nouveau joujou, comme la plupart des femmes occidentales qui avaient traversé sa vie depuis qu’il avait fait ses études en Angleterre.
S’il exigeait de ses partenaires la plus totale discrétion, Raja savait aussi les récompenser en se montrant extrêmement généreux avec elles. Lorsqu’il se retrouvait seul, cependant, jamais il ne pensait à ses maîtresses. Pour un homme comme lui, le sexe était un besoin souvent impérieux, mais aussi une source de distraction et une échappatoire qui lui permettaient de se débarrasser temporairement du poids de ses responsabilités. En tant que souverain de Najar, petit royaume encore très attaché à ses traditions, il ne pouvait se permettre de mener une vie de frasques et de plaisir, au risque d’offenser son peuple.
Afficher en entierRaja l’invita à déjeuner dans le seul restaurant correct de la petite ville. De nombreux regards se posèrent sur lui lorsqu’ils traversèrent la petite salle — particulièrement des regards féminins, ce qui accrut l’irritation de Ruby.
A côté de cet homme qui avançait d’un pas souple et assuré, dégageant un magnétisme naturel, elle se sentait désagréablement ordinaire dans sa jupe noire toute simple et son trench-coat beige. Nul doute que toutes les femmes présentes dans la salle se demandaient ce que ce beau ténébreux fabriquait avec une femme comme elle ! Par chance, le maître d’hôtel les conduisit à une table à l’écart, dans une petite alcôve, où elle put se détendre un peu.
Pendant le repas — délicieux —, Raja entreprit de lui raconter la guerre qui avait opposé le Najar et l’Ashur, et la phase de reprise économique entamée par le pays natal de Ruby. Il s’exprimait avec ferveur et elle buvait ses paroles, au point qu’elle eut soudain l’impression qu’ils étaient seuls au monde. Lorsqu’il marqua une courte pause pour balayer l’air de sa grande main, elle se demanda ce qu’elle éprouverait si ces doigts effleuraient son corps. Son pouls s’accéléra, tandis que les tonalités suaves de la voix de Raja continuaient à bercer son esprit confus. Elle rencontra son regard noir parsemé de minuscules éclats d’or et un doux vertige s’empara d’elle, en même temps que sa bouche s’asséchait.
— Les infrastructures de l’Ashur ont été en grande partie détruites. Le chômage et la pauvreté gagnent tous les jours du terrain, expliqua Raja. Le pays a besoin d’investissements substantiels pour reconstruire le réseau routier, les hôpitaux et les écoles. Le Najar est prêt à prendre en charge l’intégralité de ces investissements à la condition sine qua non que nous nous mariions tous les deux. Le traité de paix a été signé uniquement parce qu’une clause prévoyait qu’un mariage unirait à terme nos deux pays.
Après avoir avalé une gorgée d’eau dans l’espoir de reprendre contact avec la réalité, Ruby dut fournir un effort surhumain pour détourner les yeux du beau visage de son vis-à-vis.
— C’est de la folie, déclara-t-elle, bravache.
Le prince inclina la tête de côté, solennel, manifestement en profond désaccord avec ce qu’elle venait de dire.
— Absolument pas, au contraire. En réalité, c’est la seule voie possible vers une réconciliation effective et durable, la seule solution qui permettra à nos deux pays d’avancer main dans la main sans qu’aucun d’eux ne perde la face.
— Franchement, je ne vois pas quelle personne sensée aurait intérêt à ce que la guerre redémarre, argua Ruby, plus bouleversée qu’elle ne voulait l’admettre par le sombre tableau dépeint par son compagnon.
Elle n’avait pas pris conscience de la gravité de la situation et, bien que son pays natal l’ait pour ainsi dire rejetée, elle eut soudain honte de l’étendue de son ignorance.
— C’est précisément dans cette optique que nous intervenons, rétorqua Raja d’une voix suave. L’Ashur n’acceptera l’aide économique de mon pays qu’à la condition qu’un mariage royal traditionnel ait lieu.
Elle hocha lentement la tête, avant de poser la seule question qui paraissait pertinente à ses yeux :
— Que se passera-t-il quand ils comprendront que ce mariage n’aura pas lieu ?
Dans le long silence qui suivit ses paroles, les yeux noirs du prince najari se rétrécirent, tandis que s’assombrissait son beau visage aux traits volontaires.
— La clause prévoyant ce mariage faisant partie intégrante du traité de paix, ils seront nombreux à avancer que s’il n’a pas lieu, le traité sera sans valeur ; alors, les hostilités pourraient reprendre à plus ou moins court terme. Nos familles inspirent le respect. Si nous prenons le temps de réfléchir calmement à la situation, nous pourrons jouer un rôle pacificateur et nos deux peuples, conscients de notre bonne volonté, nous soutiendront sur le chemin d’une paix durable.
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