Extraits

Deux jours plus tôt, Jane Hawk s’était mise en quête d’un lieu où elle pourrait mener en toute discrétion un interrogatoire musclé. Elle avait cherché un endroit isolé, dans lequel les cris ne risquaient pas d’attirer l’attention de passants éventuels.

Le passé glorieux et l’avenir douteux de la Californie se mêlaient étroitement dans le quartier de friches industrielles qu’elle avait choisi. Les usines désaffectées sur lesquelles elle avait jeté son dévolu étaient protégées par un grillage tapissé de sachets en plastique de toutes les couleurs, de vieux journaux déchirés dessinant des nids de guêpes dans les mailles rouillées, de chiffons crasseux dont on aurait pu croire qu’ils avaient emmailloté quelque pharaon momifié, de capotes usagées et de seringues brisées. Les parkings réservés autrefois aux ouvriers étaient désormais des no man’s lands rongés par les nids-de-poule. Des mauvaises herbes s’échappaient du réseau de fissures marbrant l’asphalte, comme autant de cheveux d’un monstre souterrain endormi.

Vous n' entendez pas tous ces murmures qui s' échappent de la chambre secrète, Jane ? Rassurez vous ce sera bientôt le cas.

La vérité, une fois acquise, ne peut sombrer dans l' oubli et s' imprime à jamais dans le cœur des initiés qu' elle plonge dans un monde d' obscurité.

Parfois la nuit je me réveille en sursaut et je sens la présence dans ma tête d'une araignée qui me parle dans un murmure maléfique. je suis persuadée qu'elle pond des œufs dans les replis de mon cerveau. Elle m'ordonne de dormir, et je m'exécute. J'oublie l'araignée des jours durant, jusqu'à me réveiller en sursaut la nuit lorsqu'elle rampe dans ma tête en pondant ses œufs tout en murmurant: "Oublie-moi". L'araignée finira par me tuer.

L'époque où Internet était un territoire vierge est révolue, poursuivit Jane. Aucune information hostile aux autorités ne se retrouve sur le Net sans raison. Si elle est disponible à tous, c'est qu'il y a une bonne raison, sinon ils l'auraient fait disparaître ou l'auraient maquillée depuis longtemps.

-Vous ne connaissez pas ces gens-là. Ils ont décidé de changer le monde afin de le dominer comme personne avant eux. En présence d'un enjeu pareil, vous devez bien vous douter qu'ils me tueront, m'enterreront et pisseront allègrement sur ma tombe sans l'ombre d'une hésitation. Ils savent qui vous êtes et ils me connaissent, leur confiance s'arrêtera là. Je serai réduit au rang de simple déchet. Ces gens-là sont sans pitié.

Que se passerait-il s'ils parvenaient à la capturer et à lui injecter un mécanisme de contrôle? Si on lui ordonnait d'aller retrouver son fils, de le tuer, et de se suicider ensuite? Pire, de le tuer et de ne pas se suicider, l'obligeant à survivre en sachant quel sort elle lui avait fait subir? Elle avait cru pouvoir mesurer les risques qu'elle prenait, mais ce n'est pas sans raison que les poètes et les sages différencient les cercles de l'enfer. Elle venait d'entrevoir des conséquences plus terribles que toutes celles qu'elle avait pu imaginer jusque-là

La société est ainsi faite que les criminels sont plus nombreux que les personnes chargées de les poursuivre, si bien que les flics se voient régulièrement contraints de trier dans la lie, au même titre qu'un urgentiste est obligé d'établir une hiérarchie entre les blessés dont il a la charge, en cas de crise.

— Ma belle, on peut dire que vous avez descendu les escaliers tête la première.

— Je ne savais pas que vous suiviez l’actualité.

— Je me contente de suivre vos péripéties de loin en loin.

— Ce qu’ils racontent à la télé n’a aucun rapport avec la réalité.

N’importe quel individu, aussi maître de lui-même soit-il, laisse filtrer ses émotions à un moment ou un autre. C’est le cas des joueurs de poker. Un battement de paupières, une veine qui se gonfle au niveau de la tempe, une façon de s’humecter les lèvres, il existe mille et une façons de se trahir. Jusqu’à présent, Jane n’avait pas trouvé de symptôme parlant chez Hannafin.