Extraits

Je peux seulement prier Dieu de le protéger. Je suppose que je fais partie des millions de mères dans le monde qui, debout dans une embrasure de porte, regardent leur enfant s'éloigner sur la route, paquetage au dos, sans savoir si elles le verront revenir un jour. Il y a en nous assez de prières pour éclairer tout l'univers, comme un millier d'étoiles dissipant les ténèbres de nos peurs les plus profondes.

La musique nous force à sortir de nous-mêmes, de nos soucis, de nos tragédies ; elle nous aide à porter notre regard vers un monde différent, plus vaste.

Chère Maud,

Toutes mes excuses pour mon silence, mais j’ai été débordé par les derniers événements en Belgique et dans le nord de la France. Je t’adresse cette lettre de mon nouveau cantonnement à Chilbury : y es-tu allée pendant tes voyages ? Merci de dire aux filles de m’écrire à cette adresse car les lettres adressées au ministère de la Défense font toujours le détour par Londres. Encourage-les à écrire : franchement, leurs lettres sont les seules choses qui me donnent du courage dans cette terrible guerre. Une fois de plus, un immense merci de te charger d’elles trois – j’espère qu’elles se tiennent bien. Je sais que Vera serait heureuse de savoir qu’elles sont avec toi. Dieu ait son âme en sa sainte garde. Je n’arrive pas à croire que cela fera cinq ans mercredi qu’elle est morte. J’ai encore peine à m’habituer à son absence.

"Dans ma jeunesse, a commencé Prim, j'ai voyagé en Italie et c'est là que j'ai appris un autre type de chant. Un chant destiné à apporter la paix et l’acceptation du cycle naturel de la vie et de la mort. La psalmodie." Elle a tendu les mains de chaque côté. "Donnons-nous la main et formons un cercle complet."

J'ai compris alors ce que c'est qu'être adulte : apprendre à trancher face à une série de choix désastreux et s’accommoder au mieux de l'horrible compromis qui en découle. Apprendre à sourire, à se montrer sous son meilleur jour alors qu'autour de soi le monde s'écroule intégralement, devient un lieu de solitude, une photographie sépia des illusions d'antan.

C'est étrange, la façon dont un moment de chant nous lie. Chacune était là, perdue dans son monde, avec ses problèmes, et tout d'un coup, ceux-ci ont paru se dissoudre et nous avons pris conscience que nous étions ensemble, ici et maintenant, en train de traverser cette épreuve et de nous soutenir mutuellement. C'est tout ce qui compte.