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Au bahut, la plupart des élèves n’avaient de passion pour rien, ou bien s’ils avaient une admiration, ils la gardaient secrète pour qu’elle ne fût pas profanée par la collectivité. L’internat avait privé la plupart des élèves de tout enthousiasme. L’un ou l’autre s’intéressait bien au modélisme ou à la philatélie, mais les tocades de ce genre évoluaient en manies de vieux garçon auxquelles j’étais peu sensible et qui même me répugnaient, telles des variantes licites de l’onanisme. Comme tous les gamins de l’époque, j’y avais été poussé autour de dix ou douze ans, après le Meccano, mais je les avais vite délaissées. J ‘aurais eu honte de glisser des timbres sous du papier cellophane dans un album ou de décorer des maquettes d’avion avec des pinceaux minuscules. Or j’avais rencontré en Petitjean un rare ñass qui fût fanatique de quelque chose d’avouable, qui avait un amour chevillé au corps, et qui savait le communiquer, qui pouvait être intarissable à son sujet : Petitjean était fou de cinéma, tenait obsessionnellement la liste de tous les films qu’il avait vus, achetait des revues de cinéphilie, à la fois Les Cahiers du Cinéma et Positif, parce que sa générosité naturelle excluait qu’il prît parti et que, de toute façon, les nuances de l’opinion parisienne lui échappaient encore.
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