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Ma vie commence avec la mort.
Martha me tient par les épaules et me pousse vers un immense lit. Je me débats. Il me semble qu’on veut me jeter dans un gouffre. Je réussis à m’échapper. Je cours à l’autre extrémité de la pièce, vers ces fenêtres ouvertes sur la mer.
Le soleil fait miroiter les vagues, les coupoles des églises et les toits des maisons de l’île qui ferme la lagune.
Je veux m’enfuir, sauter.
On m’agrippe.
— Dina, Dina, murmure Martha à mon oreille. Votre maman va partir, vous ne la verrez plus. Allons, allons, venez l’embrasser.
Martha me prend par la main. Je n’ai plus de force. Martha me traîne vers le lit. C’est une tache blanche. Au centre, il y a une forme noire, un visage rond et enturbanné.
Tout à coup, je me souviens de ma « vraie » mère : elle avait de grands cheveux noirs qui tombaient sur ses épaules, couvraient même sa poitrine. Je sens encore sur mes joues leur caresse.
Qui est cette femme sans cheveux qui me tend ses bras, dont Martha me dit qu’elle est ma maman ? Martha me chuchote :
— Embrassez votre maman, Dina, embrassez-la.
Afficher en entierOn ne vient jamais en Australie par hasard. Ici, nous avons reçu des forçats, des évadés, des prostituées. Nous sommes si loin du Nord, si loin de l’Europe, qu’on peut croire se faire oublier chez nous.
Afficher en entierPeut-être vont-ils venir m’agresser, me violer.
Ma peur, quand ce mot m’envahit, m’affole. Je ferme le store. Je suis nue. J’ai si chaud. Les miroirs m’attirent. Je me regarde comme si je pouvais voir les marques des violences qu’ils vont me faire subir. Ou pour découvrir sur ma peau les traces des caresses de Margaret. Car depuis que mon père est absent, Margaret est de plus en plus audacieuse. Elle a voulu voir ma chambre. J’ai baissé la tête et je l’ai guidée jusqu’ici.
Je ne savais pas qu’un lit pouvait être un océan en furie.
Quand je me souviens des heures que nous avons passées, l’une contre l’autre, l’une dans l’autre, silencieuses et moites, ma peur disparaît.
Je suis debout devant la grande glace de l’armoire. J’effleure ma peau brune, mon sexe. Je n’ignore plus rien du mot désir.Je décline le mot plaisir. Je suis devenue autre.
Afficher en entierJe rêve depuis longtemps d’une exposition de photos qui reprendraient les thèmes des grands peintres, les nus féminins… Ma vierge nue, ce sera toi. Et puis je t’apprendrai le métier. Tu as déjà le regard. Et l’intuition, j’en suis sûr. Pour le reste, il ne s’agit que de quelques petites astuces techniques. Je peux faire de toi la grande photographe des prochaines années. Et qui refusera de poser pour toi ? La plupart des photographes sont si laides…
Afficher en entierQuand mon père est absent, Margaret m’entraîne hors de la maison. Elle me conduit dans sa voiture découverte, haute sur ses énormes roues, jusqu’au sommet des collines, au-dessus des barres rocheuses qui dominent l’océan. Nous nous asseyons à l’abri. Elle continue ses leçons, en utilisant alternativement les langues qu’elle doit m’enseigner ; elle ne me parle plus des maîtres de la littérature des différents pays mais de l’amour, du corps et du désir.
Parfois elle a des gestes inattendus. Elle me prend par la taille, elle glisse sa main entre mes cuisses, elle me serre contre elle, ses lèvres tout près des miennes. Elle halète. Je sens sa poitrine qui palpite.
Afficher en entierLaurent aime que je sois passive, que je subisse en silence. J’obéis à ses moindres désirs. Mon corps éprouve du plaisir. Je le laisse aller, je suis emportée par mes instincts. Mes hanches ondulent comme si la houle m’entraînait. Mon sexe s’ouvre. J’écoute ce cri étouffé qui s’échappe de ma bouche.
Afficher en entierLes gens accepteront pour pouvoir te regarder bouger devant eux. Tu va être le serpent qui les hypnotise. Ils voudront recommencer le reportage. Ils t’obéiront. Sois exigeante. Tape-leur dessus, comme un dresseur. Ils monteront sur les escabeaux, ils sauteront dans des cerceaux enflammés, tu verras, les stars, les princes, les auteurs à succès, les présidents, tu les auras tous à ta botte.
Afficher en entier...Je suis cette jeune femme élancée, belle, sur qui on se retourne, que tous les amis de Delmas ont essayé de séduire, d’arracher à ce salaud qui va de jolie femme en jolie femme – les photographes ont vraiment toutes les chances. Et je suis là, j’enlève mon soutien-gorge. Je souris. Je m’approche de lui. Je l’enlace. Je l’interroge. Puis-je utiliser sa salle de bains, tout de suite, s’il n’est pas pressé ? Il hésite. Il tente de m’écarter. Mais je suis suspendue à son cou et ses mains emprisonnent tout à coup mon dos. C’est moi qui le repousse, qui lui explique que j’ai deux rendez-vous, avec le rédacteur en chef d’un hebdomadaire féminin et avec le directeur de l’agence de presse Regards.
Afficher en entierMon père, lui, est toujours puissant. On l’appelle le comte Giulio Gasparini. Il donne des ordres. On s’incline devant lui. Les gondoliers, après avoir placé le cercueil de ma mère sur un catafalque, devant la chapelle qui jouxte le caveau en marbre de la famille Gasparini, ont salué mon père d’un grand geste, levant leurs chapeaux de paille entourés d’un ruban noir. Puis ils ont tendu la main et mon père, sans les regarder, a donné à chacun d’eux des billets.
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