Extraits

- C'était le truc en trop, mais au fond j'aime pas la vie. Contrairement à vous, je crois qu'elle n'a aucun sens. On fait un petit tour de piste et puis on s'en va. Certains restent plus longtemps. Certains sont applaudis, d'autres hués. La plupart vivent dans l’indifférence générale. On travaille comme des malades pour gagner de l'argent, on fonde une famille, on achète une maison, comme si on était immortel ! Et au final on perd tout : travail, amis, famille, maison. Tout doit disparaître ! Alors à quoi bon faire tant d'efforts ? Tout ça n'a aucun sens. Autant en finir au plus vite et retourner au néant, d'où on a surgi par un malheureux hasard.

- Aimer, ce n'est pas accaparer l'autre, encore moins le rendre dépendant de soi. Au contraire, c'est vouloir son autonomie. La jalousie, la possessivité, la peur de perdre l'autre sont des passions qui parasitent, voir détruisent la relation de couple. L'amour véritable ne retient pas, il libère. Il n'étouffe pas l'autre, il lui apprend à mieux respirer.

- Si tu ne faisais pas l'expérience du malheur, tu n'aurais aucune conscience de ce qu'est le bonheur, et sans la nuit, tu ne saurais te réjouir de la naissance du jour. Sans l'expérience de la faim, tu ne saurais apprécier le plaisir de manger, et si tu n'avais jamais connu le trouble et la peur, tu ne saurais comprendre et apprécier la paix et la confiance.

Il se rappelle aussi que parfois, après une dispute, une déception amoureuse, ou lorsqu’il se sentait mal dans sa peau , il aimait chercher refuge auprès des arbres.

Il retrouvait souvent la paix de l’âme.

Après le décès de sa mère, il était allé crier sa colère et sa peine au milieu des bois.

Puis il avait longuement enlacé son chêne, pleuré toutes les larmes de son corps et s’était senti un peu consolé.

- Tu n'en as parlé à personne ?

- Jamais.

En prononçant ce mot, Hugo explose en larmes. Il retire sa main et se cache le visage. Il ne peut contenir ses pleurs, accompagnés de plaintes déchirantes. Blanche reste là, en face de lui, silencieuse. Elle sait qu'elle ne peut rien faire d'autre pour l'instant. Elle se remémore le moment où on lui avait appris le décès de son fils, Jean. Elle sait qu'Hugo doit pleurer jusqu'à la dernière goutte de la tristesse qu'il porte en lui. Il ne faut pas l'en empêcher en voulant le consoler trop vite. Elle ne sait que trop, face à la détresse la plus extrême, qu'on est toujours seul et que c'est seul qu'on doit la traverser.

Il se revoit caresser l’écorce si douce des bouleaux et contempler leur feuillage danser dans le vent.

Il se souvient de ce matin, dans une clairière, où il avait vu un rayon de soleil percer à travers les branches, et ce sentiment d’unité et d’amour qu’il avait éprouvé.

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme !

Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;

Vous me connaissez, vous ! - vous m’avez vu souvent ,

Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.

Vous le savez, la pierre où court un scarabée,

Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombé ,

Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.

La contemplation m’envahit le cœur d’amour.

Que la lumière revient !

Je vois à nouveau.

Tout est blanc.

Je distingue une forme.

On dirait un corps humain allongé sur un drap blanc.

Non , ce n’est pas un drap , c’est la neige.

Il y a un corps de femme étendu sur la neige, qui recouvre en partie.

Il y a du rouge à côté de son visage.

Un filet de sang s’écoule de sa tempe gauche.

Sa tête a heurté cette grosse pierre.

C’est de plus en plus net.

Si elle n’a pas succombé à sa chute, cette pauvre femme doit être morte gelée.

Je distingue maintenant son visage givré.

Mon Dieu ! ...c’est moi !

Or l'amour et la liberté sont les deux choses le plus importantes dans l'univers. Tout le sens de notre existence sur terre, c'est de parvenir à conquérir notre liberté et à accueillir l'amour, à le faire grandir. C'est parfois un long chemin, fait d'efforts, de douleurs, d'épreuves, d'échecs, d'humiliations, d'abandons, de chutes, mais aussi de progressions, de joies, de pardons, de conversions, de moments de grâce.