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Sous le porche de cette Blanche, je me dis, tiens-toi bien, Minny. Ferme ta bouche à tout ce qui pourrait t'échapper, et le restant aussi. Tâche d'avoir l'air d'une bonne qui fait ce qu'on lui dit. En fait, je suis tellement inquiète en ce moment que je suis prête plus jamais répondre si c'est la condition pour garder ma place.
Afficher en entierRègle numéro deux : cette personne blanche doit jamais te trouver assise sur ses toilettes; ça m'est égal si t'as tellement envie que ça te sort par les tresses. Si elle en n'a pas pour les bonnes, tu trouves un moment où elle est pas là.
Afficher en entierDans la salle, l’air semble se figer. Les hommes qui sirotaient leur whisky s’arrêtent à mi-gorgée en voyant cette apparition toute rose à la porte. Il faut une seconde pour que l’image se précise. Ils regardent, mais ne voient pas, pas encore. Mais comme elle s’avère réelle – réelle la peau, réel le décolleté, un peu moins réelle peut-être la blondeur – leurs visages s’éclairent lentement. Tous semblent penser la même chose : enfin… Mais ils se rembrunissent en sentant les ongles de leurs épouses, qui regardent aussi, s’enfoncer dans leur bras. Une lueur de regret passe dans leur regard (elle ne me laisse jamais m’amuser), on se rappelle sa jeunesse (pourquoi ne suis-je pas allé en Californie cet été-là ?), on pense à ses premières amours (Roxanne…). Tout ceci ne dure que cinq secondes, puis c’est terminé et ils continuent à regarder.
Afficher en entierTenter de comprendre est vital pour l'humanité
Afficher en entierTous les départs sont nouveaux
Afficher en entierN'était-ce pas le sujet du livre ? Amener les femmes à comprendre. Nous sommes simplement deux personnes. Il n'y a pas tant de choses qui nous séparent. Pas autant que je l'aurais cru.
Afficher en entierÇa fait toujours peur quand quelqu'un qui crie tout le temps se met à parler doucement.
Afficher en entierIl s’est passé trois mois avant que je regarde par la fenêtre et que je voie que le monde était toujours là. J’en revenais pas de m’apercevoir qu’il s’était pas éteint, comme ça, parce que mon garçon était mort.
Afficher en entierLes gens pensent sûrement que ça m’est égal s’il le sait – ah, je me doute bien de ce qu’ils pensent, les gens ! Ils pensent que la terrible Minny, elle est assez forte pour se défendre toute seule. Mais ils savent pas comme je suis lamentable dès que Leroy commence à taper. J’ose pas rendre les coups. J’ai peur qu’il me laisse si je fais ça. Je sais que c’est idiot et je m’en veux tellement d’être si faible ! Comment je peux aimer un homme qui me bat comme plâtre ? Un abruti, un ivrogne ? Un jour, je lui ai demandé : « Pourquoi ? Pourquoi tu me frappes ? » Il s’est penché et il m’a regardée bien en face.
« Si je te frappais pas, Minny, qui sait ce que tu deviendrais. »
J’étais coincée comme un chien dans un coin de la chambre. Il me frappait avec sa ceinture. C’était la première fois que j’y avais vraiment réfléchi.
Qui sait ce que je deviendrais si Leroy arrêtait de me battre.
Afficher en entierLes femmes, c’est pas comme les hommes. Une femme vous battra pas à coups de bâton. Miss Hilly prendra jamais un pistolet pour me tirer dessus. Miss Leefolt viendra pas mettre le feu à ma maison.
Hilly prendra jamais un pistolet pour me tirer dessus. Miss Leefolt viendra pas mettre le feu à ma maison.
Non, elles veulent se garder les mains propres, les Blanches. Alors, elles ont une trousse de petits outils brillants et coupants comme des ongles de sorcières, bien propres et bien rangés comme sur la tablette du dentiste. Et quand elles s’en servent, elles prennent tout leur temps.
La patronne blanche commence par vous mettre à la porte. Vous êtes bien embêtée, mais vous vous dites que vous trouverez toujours une nouvelle place quand les choses se seront calmées, quand la dame finira par oublier. Vous avez un mois de loyer de côté. Les voisins vous apportent des gratins de courge.
Mais une semaine après le renvoi, vous trouvez une petite enveloppe jaune glissée sous la porte. Il y a un papier dedans qui dit AVIS D’EXPULSION. À Jackson, tous les propriétaires sont des Blancs et ils ont tous une femme blanche qui a des amies. Vous commencez à vous affoler. Les jours passent, et toujours pas de travail en vue. Partout où vous vous présentez, on vous claque la porte au nez. Et maintenant, vous avez plus d’endroit où habiter.
Après ça les choses s’accélèrent.
Si vous avez une facture qui traîne pour la voiture, on vous la saisit.
Si vous avez oublié de payer une contravention, vous allez en prison.
Si vous avez une fille, vous pourrez peut-être aller vivre chez elle. Elle est placée chez des Blancs. Mais au bout de quelques jours, elle rentre en disant : « Maman ? On vient de me renvoyer. » Elle a l’air choquée, elle a peur, elle comprend pas. Vous êtes bien obligée de lui dire que c’est à cause de vous.
Au moins, votre mari a encore du travail. Vous pouvez encore nourrir le bébé.
Puis on met votre mari à la porte. Un autre petit outil brillant et bien coupant.
Ils vous accusent tous les deux, ils pleurent, ils se demandent ce que vous avez fait. Vous vous rappelez même pas. Les semaines passent et rien, pas de travail, pas d’argent, pas de maison.
Un soir, tard, un coup à la porte. Ça sera pas une dame blanche. Elle fait pas elle-même ce genre de chose. Mais pendant le cauchemar, avec les torches, ou les couteaux, ou les coups de pied et les coups de poing, vous comprenez quelque chose que vous avez su toute votre vie : la Blanche oublie jamais.
Et elle continuera tant que vous serez pas morte.
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