La Croisade Macharienne, Tome 3 : La Chute de Macharius

L’énorme lune au visage squelettique jetait un regard mauvais à travers les nuages. Les râles d’agonie des mourants résonnaient à travers le no man’s land. Des brumes aux couleurs étranges s’insinuaient dans les tranchées. De minuscules lueurs, semblables à des lucioles égarées, dansaient au-dessus de nos têtes. Ce ballet avait quelque chose de sinistre, comme si ces volutes de gaz délétère étaient les tentacules d’un monstre en quête d’une proie.

Des ombres s’agitaient au niveau de l’entrée du bunker le plus proche. Des soldats étaient en train de réchauffer des cellules énergétiques de fusils laser dans un feu de camp, dans l’espoir de prolonger leur durée de vie avant le prochain assaut ennemi. Un lance-flammes partiellement démonté était posé juste devant l’entrée. Il avait l’air à l’abandon, ce qui ne me surprenait pas. Cela faisait plus de deux mois que nous étions en pénurie de prométhium, et sans ce combustible, l’arme était totalement inutile. Le bunker en lui-même était composé des restes de la carcasse d’un char d’assaut Leman Russ qu’un tir d’artillerie avait renversé sur le côté. Le véhicule était en partie enterré dans la boue. Les ingénieurs avaient prélevé toutes les pièces réutilisables et avaient laissé l’épave se décomposer. Des centaines de véhicules dans le même état parsemaient les tracés des tranchées. Cela me rendait nostalgique des premiers jours de cette guerre, cette époque grisante où nous croyions encore en la puissance du poing blindé de la Garde Impériale, avant que nous ne nous retrouvions embourbés dans la fange, la pluie et la gadoue de cette maudite planète.

Je vérifiai mes masques respirateurs de secours pour la centième fois. Je m’étais constitué une belle petite collection ; chaque soldat de la Garde sous les ordres de Macharius en avait reçu un deuxième quand nous étions arrivés sur Loki, et j’en avais ramassé quelques-uns sur des cadavres depuis. Je priai l’Empereur qu’ils me portent davantage chance qu’à leurs anciens propriétaires. Il y avait eu énormément de dysfonctionnement au niveau des filtres. Il y avait beaucoup de dysfonctionnements, à tous les niveaux.

Sur Loki, on n’avait jamais trop de masques de protection. On ne savait jamais quand ils pouvaient vous faire défaut, et si cela se produisait, c’était le décès assuré. Si les hallucinations horrifiques induites par les vapeurs empoisonnées ne provoquaient pas un arrêt cardiaque, les spores mortifères obstruaient vos bronches. Et si par miracle vous ne vous étouffiez pas dans vos propres sécrétions, les moisissures charriées par le vent tapissaient l’intérieur de vos poumons d’un duvet grisâtre. Il existait au moins une dizaine de façons de mourir sur Loki, toutes plus atroces les unes que les autres, sans parler des risques de se faire abattre par un hérétique, d’un tir de laser ou d’un coup de baïonnette. Et croyez-moi, les mécréants assoiffés de sang pullulaient dans les environs. La planète tout entière semblait avoir lié un pacte avec les puissances des ténèbres afin de massacrer les soldats de l’Empereur. J’ai déjà posé le pied sur pas mal de mondes similaires depuis que j’ai rejoint la Garde.