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"J'avais une vie résolument vide, qui m'offrait chaque matin au réveil l'impression que tout pouvait m'arriver, puisque je n'étais retenu par rien. Comme il ne m'arrivait pas grand chose, je conservais l'espoir et je tuais le temps: les journées ne passaient pas plus vite mais elle laissaient moins de traces."
Afficher en entier- Tu sais depuis combien de temps je suis amoureuse ? demande-t-elle en me rendant les avirons.
J’évite de risquer une réponse qui pourrait me faire passer pour inattentif ou prétentieux.
- Cinq minutes. Quand, après m’avoir embarquée, tu as loué un troisième ciré abriter mon fauteuil.
Afficher en entier"Pour la première fois on me demandait quelque chose. On avait besoin de moi. Au lieu de me considérer comme un raseur jetable, un éventuel dérivatif ou le coup tiré la veille au soir, la femme de mes pensées me laissait croire que j'étais pour elle un espoir. Un ultime recours, une dernière chance."
Afficher en entierJ’aurais pu l’emmener au Jardin d’Acclimatation. Percuter avec elle les enfants de Noël dans une autotamponneuse, glisser à ses côtés au fil du courant de la Rivière enchantée, hurler de concert dans le grand-huit… Enchaîner les attractions assises au milieu d’une foule normale où elle serait passée inaperçue. J’ai préféré l’intimité du lac désert sous la bruine. J’ai allongé ses jambes de part et d’autre des gilets de sauvetage et nous ramons à tour de rôle, à armes égales. Non pour lui donner l’illusion qu’on est un couple ordinaire, deux tourtereaux valides dans une situation de carte postale, mais pour qu’on soit enfin sur le même plan. Pour me sentir un peu moins inférieur, dans des conditions qui ne l’obligent pas à dominer son handicap. Elle a compris mon intention, je crois. Nous sentir aussi déraisonnables et incongrus l’un que l’autre dans ce paysage romantique haché par la pluie n’est peut-être pas le plus des cadeaux que je pouvais nous offrir, mais elle paraît l’apprécier à sa juste valeur.
Afficher en entier– Ah bon ? Vous venez sérieusement inscrire au répertoire de la Sacem une œuvre sans partition ni texte intitulée « La minute de silence » ?
– Oui. Avez-vous songé au nombre de fois où quelqu’un annonce devant un public : « Maintenant, nous allons observer une minute de silence » ? Et qui touche, dessus ? Personne. L’auteur est lésé.
…
– Ne vous méprenez pas, jeune homme ! Ce n’est pas une démarche égoïste que j’ai entreprise, ni une déclaration à but lucratif. C’est un combat symbolique, c’est tout. Au nom du droit d’auteur, cette belle notion inventée par notre Beaumarchais, et que le monde entier nous envie tout en essayant de la contourner.
Afficher en entierCette fille me donne des ailes. Il aura fallu une fée dans un fauteuil roulant pour que je retrouve le bonheur d'être jeune, libre et valide.
Afficher en entierJ'adore qu'elle essaie les fauteuils roulants comme on essaierait des chaussures. J'adore qu'elle m'explique la liberté chez Proust en refixant ses jarretelles. J'adore qu'elle cherche le désir dans mes yeux comme une institutrice vérifie qu'un élève difficile suit son cours.
Afficher en entierA la manière dont sa mère me regarde, je comprends qu’elle n’a rien perdu de mes réactions. Ignorant aussi bien la conduite qu’elle attend de moi que le sentiment que j’éprouve –stupeur, indignation, frustration ou pitié – je m’efforce de sourire avec naturel. De la même manière que, dans le métro, je regarde les nains, les obèses et les enfants trisomiques : à la fois pour leur suggérer un instant qu’ils sont comme les autres, et pour tenter de leur exprimer combien je me sens moi aussi différent des gens qui pensent être normaux.
Afficher en entierLe vrai drame, la vraie injustice, c'est de survivre tout seul quand on se sent inutile. Ou de mourir pour rien en croyant qu'on va sauver quelqu'un.
Afficher en entierC'est ça, pour moi, l'instinct de liberté. S'affranchir de ce qu'on a gagné et de ce qu'on a perdu pour l'offrir aux autres.
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