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Mengele est le prince des ténèbres européennes. Le médecin orgueilleux a disséqué, torturé, brûlé des enfants. Le fils de bonne famille a envoyé quatre cent milles hommes à la chambre à gaz en sifflotant. Longtemps, il a cru s'en sortir aisément, lui, "l'avorton de boue et de feu" qui s'était pris pour un demi-dieu, lui qui avait foulé les lois et les commandements et infligé sans affect tant de souffrances et de tristesse aux hommes, ses frères.
L’Europe vallée de larmes.
L’Europe nécropole d’une civilisation anéantie par Mengele et les sbires de l’ordre noir à tête de mort, pointe empoisonnée d’une flèche lancée en 1914.
Mengele, l’employé modèle des usines de la mort, l’assassin d’Athènes, Rome et Jérusalem, pensait échapper au châtiment.
Mais le voilà livré à lui-même, asservi à son existence, aux abois, moderne Caïn errant au Brésil.
Maintenant commence la descente aux enfers de Mengele. Il va ronger son cœur et s'égarer dans la nuit.
Afficher en entierL’humanité est une morphologie qui n’a pas plus de but et de plan que l’orchidée ou le papillon. Il y a une croissance et une vieillesse des peuples et des langues, comme il y a des chênes, des pins et des fleurs, jeunes et vieux. Toutes les cultures connaissent des possibilités d’expressions nouvelles qui germent, mûrissent, se fanent et disparaissent sans retour, dit le père, qui s’est préparé à l’inquisition du fils.
Afficher en entierEichmann, le bouc émissaire et le paria, griffonne Mengele. Les Allemands l’ont trahi et abandonné à la fureur vengeresse des juifs ; ils regretteront un jour d’avoir sacrifié des hommes d’honneur qui se sont battus jusqu’à leur dernière cartouche pour la patrie et le Führer.
Afficher en entierLes sculptures-machines se mettent en branle sous un soleil noir. Roues, poulies, chaînes, écrous grincent, crissent, dans une gare de triage désaccordée. Les mâchoires d’acier s’ouvrent, béantes, des crânes d’hommes et d’animaux défilent et chutent sur une rampe à courroies mécaniques, tandis que sur les murs tournoient leurs ombres, comme des seringues immenses, des haches de bourreaux, des scies, des marteaux, des faux, des potences.
Afficher en entierÀ la fin des années 1940, Buenos Aires est devenue la capitale des rebuts de l’ordre noir déchu. S’y croisent des nazis, des oustachis croates, des ultranationalistes serbes, des fascistes italiens, des Croix fléchées hongrois, des légionnaires roumains de la garde de fer, des vichystes français, des rexistes belges, des phalangistes espagnols, des catholiques intégristes ; des assassins, des tortionnaires et des aventuriers : un Quatrième Reich fantôme.
Afficher en entierEldorado ! Dernière station de l'eugéniste de bonne famille, sur l'île chaotique et métissée, les entrailles du Brésil s'apprêtent à le dévorer.
Afficher en entierLes sculptures-machines se mettent en branle sous un soleil noir. Roues, poulies, chaînes, écrous grincent, crissent, dans une gare de triage désaccordée. Les mâchoires d'acier s'ouvrent, béantes, des crânes d'hommes et d'animaux défilent et chutent sur une rampe à courroies mécaniques tandis que sur les murs tournoient leurs ombres, comme des seringues immenses, des haches de bourreaux, des scies, des marteaux, des faux des potences. Une valse stridente alors que dans le reste du musée palpitent le jazz et les reflets verts, bleus, clairs du Rhin à travers les baies vitrées.
Afficher en entierPeron pense le monde. L'homme est un centaure mû par des désirs antinomiques et hostiles qui galope dans un nuage de poussière à la recherche du paradis. L'Histoire est le récit des contradictions humaines ; capitalisme et communisme font de l'individu un insecte, le premierl'exploite, le second l'asservit. Seul le péronisme surpassera l'individualisme et le collectivisme. C'est un catéchisme simple et populaire qui offre un compromis inédit entre le corps et l'âme, le monastère et le supermarché. A son peuple, Peron promet la position verticale du pendule : la sortie de l'âge du centaure pour l'Argentine, nation chrétienne, nationale et socialiste.
Afficher en entierMengele sombre encore dans la paranoïa, son front saillant l’obsède, l’espace entre ses incisives le mine, à chaque fois qu’il s’aventure tête basse jusqu'à l’épicerie, le bâtard Cigano sur ses talons, il tremble d’être démasqué, apostrophé, capturé, battu, les journaux qu'il achète tous les jours continuent à parler de lui, on ne le lâche pas et il est abasourdi, il n’en revient pas, des fables qui le décrivent omnipotent dans la jungle paraguayenne à Pedro Juan Caballero ou richissime au Pérou, de ce maudit Wiesenthal qui prétend l’avoir raté d’un cheveu en Espagne, des dizaines de milliers de dollars offerts pour sa capture, sans parler de ce film hollywoodien en tournage, Marathon Man, où Lawrence Olivier interprète l’Ange blanc, un dentiste nazi « librement inspiré de l’effroyable docteur Mengele, l’ange de la mort d’Auschwitz toujours en cavale », lit-il, lui qui n'est plus qu'une épave, incapable de se remémorer les traits des femmes qui l’ont aimé, réduit à se morfondre chez lui et à sursauter au miaulement d'un chat, lui qui agonise discrètement et voudrait hurler à la face du monde qu'il est malade et seul comme un chien, seul à crever, dans les décombres de la favela.
Afficher en entierC'est Mengele qui parle : « Comment oses-tu, Eberhard, petit Argentin de merde ? Tu as passé quinze jours en Allemagne et tu me fais la leçon du haut de tes vingt-huit ans ? Et oui, les « horreurs » comme tu dis, les horreurs ont existé, l’Allemagne assiégée devait se défendre, écraser les forces de la destruction par tous les moyens. La guerre n’est pas un jeu d’enfant et le nazisme, sombre crétin, ne se borne pas aux chorégraphies grandioses des Jeunesses hitlériennes. »
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