La Dynastie des Connelly, Tome 1 : L'Héritier des Connelly

** Extrait offert par Leanne Banks **

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Elle était en retard, songea anxieusement Erin Lawrence, et faire attendre un roi constituait une faute impardonnable, même si c’était en l’occurrence pour une raison indépendante de sa volonté : une escale plus longue que prévu à l’aéroport de New York.

La jeune femme n’en était pas moins impatiente de rencontrer son élève… Non, de commencer son travail, rectifia-t-elle intérieurement. Sa Majesté n’aimerait sans doute pas être considérée comme un élève !

Après avoir montré ses papiers et exposé le motif de sa présence au vigile posté dans le hall de l’immeuble, elle monta dans l’ascenseur et appuya sur le bouton du dernier étage.

Un petit frisson d’excitation la parcourut alors malgré la fatigue du voyage et le décalage horaire : elle était dans l’une des plus belles villes des Etats-Unis ! Bien qu’elle soit arrivée de nuit, la différence entre les gratte-ciel de Chicago et les constructions de type méditerranéen de son pays natal ne lui avait évidemment pas échappé, et cela lui donnait l’impression d’avoir atterri sur une autre planète.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, et Erin longea un couloir recouvert d’une épaisse moquette bleue. Son cœur battait maintenant à grands coups dans sa poitrine. Dans un instant, elle allait faire la connaissance du nouveau souverain d’Altaria !

Elle s’arrêta devant l’appartement de Daniel Connelly, prit une profonde inspiration et pressa la sonnette.

Un chien se mit à aboyer. La jeune femme attendit une minute… Deux minutes… Rien ne se passa. Elle compta jusqu’à vingt, puis sonna de nouveau.

La porte s’ouvrit enfin, et un homme élancé, aux yeux verts et aux cheveux noirs un peu ébouriffés, apparut dans l’embrasure. Il était pieds nus et portait pour tous vêtements un pantalon de pyjama dont le haut couvrait à peine la partie supérieure de ses hanches minces.

— Vous désirez ? demanda-t-il.

— Euh… excusez-moi…, bredouilla Erin. J’ai dû me tromper de…

Les mots moururent sur ses lèvres. Comme hypnotisée, elle oublia toutes les règles du savoir-vivre et s’absorba dans la contemplation du spectacle qui s’offrait à sa vue : de larges épaules, une poitrine musclée, un ventre plat au milieu duquel un mince filet de duvet noir prenait naissance, pour disparaître ensuite sous la ceinture du pantalon…

Son interlocuteur ne semblait nullement gêné par l’inspection dont il était l’objet. Il s’appuya nonchalamment contre le chambranle et attendit qu’Erin termine sa phrase, comme s’il trouvait tout naturel de rester à demi nu devant une parfaite étrangère.

Pire encore, la façon dont il la fixait donnait à la jeune femme l’impression que ses vêtements à elle ne lui offraient aucune protection, qu’il la déshabillait du regard et avait assez d’expérience pour se faire une idée très précise de son anatomie.

C’était manifestement le genre d’homme dont les mères disaient à leurs filles de se méfier. Le genre d’homme dont le pouvoir de séduction amenait les plus audacieuses à sortir la nuit par la fenêtre de leur chambre.

Au prix d’un violent effort de volonté, Erin finit par se ressaisir, et elle vérifia le numéro inscrit sur la porte. C’était le bon et, partagée entre la surprise et l’appréhension, elle murmura :

— Votre Majesté ?

Daniel Connelly fronça les sourcils, puis une lueur de compréhension s’alluma dans ses yeux verts.

— Vous devez être Erin Lawrence, déclara-t-il, la personne que le palais m’envoie pour me familiariser avec le cérémonial de cour.

— Elle-même, monsieur, pour vous servir.

Ces mots furent accompagnés d’une légère inclination du buste qui parut amuser Daniel, et la jeune femme en fut à la fois irritée et alarmée : comment parviendrait-elle à remplir sa mission s’il refusait de la prendre au sérieux ?

— Vous n’étiez pas censée arriver dans l’après-midi ? observa-t-il.

— Si, et je vous présente mes excuses, monsieur. Le mauvais temps a retardé tous les vols au départ de New York.

— Ce n’est pas votre faute, et vous n’avez donc pas à vous excuser… Entrez ! Désolé de vous recevoir dans cette tenue, mais les neuf réunions que j’ai eues aujourd’hui m’ont épuisé, et j’avais décidé de me coucher tôt. Et ne vous inquiétez pas pour Jordan : je l’ai enfermé dans ma chambre.

— Pardonnez-moi, monsieur, mais qui est Jordan ?

— Mon chien. Je l’ai appelé ainsi en l’honneur de Michael Jordan, le plus grand basketteur que les Chicago Bulls ont jamais eu et auront jamais dans leur équipe.

Il allait lui falloir étudier sérieusement le championnat de basket-ball américain, pensa Erin qui n’y connaissait rien en la matière. Elle esquissa un pas, puis s’arrêta net, et Daniel, qui s’était écarté pour la laisser passer, lui lança un regard interrogateur.

— Le protocole interdit à quiconque de tourner le dos au roi, monsieur, expliqua-t-elle.

— Ah bon ? C’est dommage…, susurra-t-il. Il y a des gens qui valent la peine d’être vus de face et de dos, et vous en faites partie.

Se sentant rougir, Erin pria pour qu’il ne le remarque pas, et dit aussi posément que le lui permit son trouble :

— Après vous, monsieur…

Daniel eut un moment d’hésitation, puis il acquiesça de la tête, et la jeune femme pénétra derrière lui dans un vaste séjour meublé de sièges en cuir fauve et de tables basses en chêne massif, puis dans une cuisine propre et bien équipée. Il ouvrit le réfrigérateur, en sortit une bouteille de lait et déclara :

— Vous voulez boire quelque chose ? Et vous avez peut-être faim… Je n’ai rien d’un cordon-bleu, mais je peux vous faire un sandwich…

Pour se proposer ainsi de la servir, il ignorait tout des prérogatives de son rang et de l’autorité qu’elles lui conféraient, songea Erin. Changerait-il une fois monté sur le trône — s’il y montait ? Daniel Connelly lui apparaissait cependant comme un homme qui n’avait besoin d’aucun titre ni d’aucune couronne pour exercer un puissant ascendant sur son entourage… et sur les femmes en particulier. Avec ses yeux vert émeraude, son corps d’athlète et le magnétisme qui se dégageait de toute sa personne…

Effrayée par le tour que prenaient ses réflexions, Erin se força à les occulter. Elle devait absolument s’empêcher de voir en Daniel autre chose que le nouveau souverain d’Altaria.

Et il était impensable qu’un roi serve à boire ou à manger à l’un de ses sujets.

— Merci, monsieur, mais je n’ai ni faim ni soif, répondit-elle.

— Je peux vous demander votre âge ? questionna-t-il avec une pointe d’agacement dans la voix.

— J’ai vingt-deux ans, monsieur.

— Vous êtes donc beaucoup plus jeune que moi, mais nous n’en sommes pas moins tous les deux adultes, alors vous êtes vraiment obligée de m’appeler « monsieur » ?

— Oui, monsieur. C’est l’usage.

— Bon…, soupira Daniel.

Puis il déboucha la bouteille, et Erin le vit, horrifiée, la porter à ses lèvres et boire directement au goulot. Il dut surprendre son expression, et s’en amuser, car après deux gorgées il lança la bouteille dans la poubelle et indiqua d’un ton railleur :

— Elle était presque vide, et je n’en ai pas d’autre… Votre supplice n’aura donc pas duré longtemps.

L’éducation que la jeune femme avait reçue dans l’un des meilleurs pensionnats suisses lui avait appris à reconnaître les moments où il fallait se taire, et celui-ci en était un. Elle avait devant elle l’héritier de la couronne d’Altaria, et la plus grande déférence était de mise avec lui. Ses manières simples et familières n’étaient pas sans attrait, mais elles ne convenaient pas à un monarque, et s’il ne s’en était pas défait avant son accession au pouvoir, ses ancêtres altariens se retourneraient dans leur tombe !

— En quoi va consister exactement votre travail ? reprit-il.

— J’ai pour double mission de vous enseigner l’étiquette royale et d’en apprendre le plus possible sur vos goûts, afin que vous trouviez en arrivant au palais les conditions matérielles qui vous conviendront le mieux, monsieur.

— Qu’entendez-vous par « étiquette royale » ? demanda Daniel en se passant une main lasse dans les cheveux.

— Les règles protocolaires traditionnelles, monsieur, à commencer par la façon dont le peuple d’Altaria vous accueillera et dont il vous faudra le saluer.

— Et ces règles sont aussi compliquées que nombreuses, j’imagine ?

— En effet, monsieur.

— Plusieurs dossiers, dont le projet d’agrandissement de l’aéroport et l’examen du budget, m’occupent déjà beaucoup en ce moment, alors voilà ce que je vous propose : vous allez prendre le temps de vous remettre du décalage horaire, et nous commencerons les cours d’étiquette après… Qu’en dites-vous ?