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Les indigènes, c'était eux l'Afrique en chair et en os. Le Longonot, le haut volcan éteint qui, seul et raide, domine la vallée du Rift, les mimosas le long du fleuve, les éléphants et les girafes ne représentaient pas mieux l'Afrique que les Indigènes, frêles silhouettes dans un paysage gigantesque.
Afficher en entierDenys possédait cette qualité inestimable à mes yeux : il savait écouter une histoire. L'art d'écouter une histoire s'est perdu en Europe. Les indigènes d'Afrique, qui ne savent pas lire, l'ont conservé. Les blancs eux ne savent pas écouter une histoire, même s'ils sentent qu'ils le devraient. S'ils ne s'agitent pas, ou s'ils ne peuvent pas s'empêcher de penser à une chose qu'ils doivent faire toutes affaires cessantes, ils s'endorment. Ces mêmes personnes peuvent fort bien demander quelque chose à lire, un livre ou un journal, et sont tout à fait capables de passer la soirée plongées dans quelque chose d'imprimé, et même de lire un conte. Ils se sont habitués à recevoir toutes leurs impressions par le truchement des yeux.
Denys, qui de manière générale avait l'ouïe très fine et avait développé ce sens durant ses safaris, préférait entendre une histoire plutôt que de la lire. Quand il arrivait à la ferme, il me demandait si j'avais de nouvelles histoires à raconter. En son absence, j'inventais des contes et des histoires. Le soir, il s'installait confortablement devant la cheminée, avec tous les coussins de la maison autour de lui, je m'asseyais en tailleur à côté de lui, telle Schéhérazade, et il m'écoutait raconter une longue histoire, du début à la fin. Il la suivait même mieux que moi, car lorsque, au moment décisif, un des personnages faisait son apparition, il m'interrompait pour me dire : "Cet homme est mort au début de l'histoire. Mais cela ne fait rien, continuez".
Afficher en entierCe fut ensuite le tour de mes verres, mais la nuit suivante je me repentis de les avoir laissé partir, et le matin venu je me rendis à Nairobi supplier la dame qui les avait achetés de me les rendre. Je n’avais évidemment aucun lieu où les conserver, mais ces verres que les lèvres et les mains de mes amis avaient touchés retenaient encore en leur cristal l’écho de nos conversations. Il était impossible que je m’en sépare ; mieux valait encore les briser !
Afficher en entierAu commencement de la saison des pluies, la dernière semaine de mars ou la première d’avril, j’ai entendu le rossignol dans la forêt africaine.
Il ne donnait pas tout son chant, quelques notes seulement, les premières mesures du concert, une répétition générale interrompue puis reprise, comme si un artiste réfugié dans le bois ruisselant accordait son violoncelle.
Afficher en entierNous, gens civilisés, ne savons plus être silencieux ; il nous faut prendre des leçons auprès des animaux sauvages si nous voulons qu’ils nous acceptent.
Afficher en entierQuand j’entendais cet air par la suite, il me rappelait toujours notre peine et notre désespoir d’alors, il avait pour moi un arrière-goût de larmes. Cependant, aussi surprenant que cela paraisse, j’aimais cet air, je lui trouvais un grand charme fait de douceur et de force. Est-il donc possible que de si durs moments aient contenu tant de douceur ?
Afficher en entierA l'époque, Lullu n'était pas plus grande qu'un chat, avec de grands yeux calmes et violets. Elle avait des pattes si fines que l'on pouvait craindre qu'elles ne supportent pas de se plier et de se déplier quand elle se couchait et se relevait. Ses oreilles étaient lisses comme de la soie et infiniment expressives. Son museau frais était noir comme une truffe. Elle avait des sabots si minuscules que son pas ressemblait à celui d'une Chinoise noble des temps anciens aux pieds bandés. C'était une expérience étrange de tenir dans ses bras une créature aussi achevée que Lullu.
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