La fiancée du barbare

1.

C’était une soirée comme tant d’autres : il y avait trop de monde, trop de bruit, trop de fumée. La jeune femme, debout devant l’immense baie vitrée, ressentait déjà les premiers symptômes d’une mauvaise migraine.

Elle était particulièrement mal à l’aise, et lorgnait avec envie en direction de la porte. Mais il lui fallait attendre Damien. Cela faisait déjà un quart d’heure que son fiancé était parti, lui assurant qu’il n’en avait que pour une minute. Où avait-il bien pu passer ? Dans ce laps de temps, elle avait eu à repousser les avances de deux hommes légèrement éméchés. Il semblait que les rousses aux yeux verts étaient particulièrement appréciées, ici...

Le champagne dans son verre était chaud, à présent. La tête lui tournait légèrement. Elle posa sa flûte derrière un pot de fleurs, espérant que personne ne la remarquerait.

Une voix grave dans son dos la fit sursauter.

— Mademoiselle Peters ? Janet Peters ?

Elle étouffa un soupir. C’était déjà le troisième importun qui l’abordait. Celui-ci s’était même débrouillé pour apprendre son nom !

Elle se retourna, et se figea en découvrant le nouveau venu. Sans raison particulière, elle sentit sa gorge s’assécher, tandis que son cœur se mettait à battre plus vite et qu’un frisson la parcourait.

— Oui, c’est moi, répondit-elle dans un souffle.

L’homme lui tendit la main, un sourire aux lèvres.

— Nous ne nous connaissons pas, mais vous n’avez rien à craindre. Je ne suis pas aussi infréquentable que j’en ai l’air. Permettez-moi de me présenter. Je suis Kassim Riffik.

Sa poigne était vigoureuse et, de nouveau, la jeune femme frissonna. Il n’avait pas l’air d’un homme spécialisé dans la séduction à la petite semaine, dans le flirt insipide si typique de ce genre de soirée.

Le nouveau venu lui parut particulièrement grand. Ses cheveux et sa peau étaient ceux d’un homme qui passe sa vie au grand air. Il évoquait les déserts sans fin, le ciel vide et impitoyable, le vent brûlant... Ses yeux, en revanche, étaient d’un bleu étonnant, profond mais comme délavé par le soleil. Il émanait de toute sa personne une aura de force et de sensualité brute.

— Désirez-vous que j’aille vous chercher à boire, mademoiselle Peters ? Quelque chose de plus agréable que le verre dont vous venez si habilement de disposer, bien sûr...

Sa voix était riche, bien timbrée, avec une touche d’accent français. Janet mit quelques secondes à se ressaisir.

— Oh, euh... non, merci. J’attends mon fiancé. Il devrait arriver d’une minute à l’autre.

Kassim Riffik l’étudia avec une insistance troublante, presque provocante. Son regard bleu s’attarda tout particulièrement sur le décolleté de Janet, qui dévoilait la naissance de ses seins généreux, d’une blancheur d’albâtre.

— Damien sera bientôt là, répondit-il enfin d’un air vaguement amusé. Je crois qu’il discute avec un de ses clients. De fait, c’est lui-même qui m’a envoyé vous tenir compagnie.

Janet hocha lentement la tête.

— Je vois, murmura-t-elle d’un ton embarrassé. Je... euh, est-ce qu’il vous a dit si ce serait long ?

— Pas plus que nécessaire. Je suis sûr que chaque moment qu’il passe loin de vous lui est pénible.

Puis il s’inclina légèrement en avant, une main sur le cœur, et ajouta d’un ton moqueur :

— Bien sûr, je ne souhaite pas m’imposer. Un mot de vous et je disparais.

Janet n’avait guère le choix. Elle ne pouvait refuser la compagnie de Kassim sans paraître, à tout le moins, discourtoise. Il lui fallait donc supporter sa présence, même s’il la rendait plus nerveuse de minute en minute. A dire vrai, elle l’imaginait plus torse nu, un sabre à la main, que dans ce lieu où tout n’était que feintes et dissimulation.

Elle tenta de chasser ces pensées absurdes. Où son imagination était-elle allée chercher tout cela ? Dans le nom exotique de son compagnon ?

— C’est très gentil à vous, répondit-elle avec son plus beau sourire.