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Extrait ajouté par Underworld 2020-02-12T23:10:56+01:00

** Extrait offert par Bronwyn Scott **

1

30 décembre 1829

Un vent glacé s’engouffrait par les interstices de la chaise de poste et ses occupants se sentaient gelés, malgré leur cape de fourrure et les briques chaudes dont ils s’étaient munis au relais. C’était tout ce qu’ils avaient pu faire en la circonstance : l’ouest du pays n’était pas connu pour son luxe. Mais le vicomte de St Just, nouvellement rentré au pays, s’en souciait peu. Il s’était retrouvé dans des situations bien moins confortables pendant les neuf années écoulées et il était tout simplement heureux de rentrer à la maison.

— Hmm…, grommela à son côté Beldon Stratten, nouveau baron de Pendennys.

Il tapa du pied, dans un vain effort pour rétablir quelque chaleur dans son corps.

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Extrait ajouté par Underworld 2020-02-12T23:10:37+01:00

** Extrait offert par Bronwyn Scott **

Prologue

Londres, juin 1820

Valerian Inglemoore, vicomte de St Just, avait un secret. Un terrible secret qui éveillait en lui toutes les affres de la culpabilité tandis que, seul sous la véranda de lady Rutherford, il fixait sans la voir la lanterne vénitienne qui oscillait à l’autre bout de la balustrade ; un secret trop torturant pour qu’il accorde la moindre attention à l’élégant jardin citadin, à ses fontaines et à ses sentiers bien entretenus serpentant entre les plates-bandes et les haies de troènes.

Dans des circonstances normales, il aurait trouvé le lieu enchanteur. Mais ce soir, le fameux secret était trop lourd à porter. Il avait vingt et un ans et il était épris de Philippa Stratten, la fille du baron Pendennys, qui l’aimait en retour. Et ils avaient rendez-vous ce soir, ici même.

Or leur histoire était sans issue.

C’était cela, son secret.

Ce soir, il allait rompre avec elle, à la demande expresse du père de la jeune fille. Il allait devoir la convaincre qu’après deux mois de baisers volés et de rencontres clandestines, ses assiduités n’avaient rien été de plus qu’une fugitive fantaisie de jeune homme.

Comment y parviendrait-il ? Il n’en avait pas la moindre idée.

Il aimait tant Philippa…

Après ce soir, il ne pourrait plus jamais la prendre dans ses bras, ni sentir ses doigts lui caresser les cheveux avec une infinie douceur, comme s’ils avaient été tissés dans la soie la plus précieuse.

Ces deux derniers mois avaient été un avant-goût du paradis.

Il avait dansé avec elle lorsqu’elle avait fait ses débuts dans le monde, en avril, et chaque soir depuis lors. Les baisers brûlants échangés derrière les rideaux des alcôves, les longues promenades à deux dans les jardins après les repas étaient devenus une délicieuse habitude. Il lui avait été facile d’inventer des prétextes pour se retrouver seul avec elle. Il était aussi féru d’équitation que de botanique et ils n’avaient eu qu’à prétendre aller examiner une variété de fleur ou un nouveau poulain à l’écurie.

Oh, oui, ils étaient tombés follement amoureux l’un de l’autre ! On aurait pu parler de coup de foudre s’il n’avait connu Philippa depuis si longtemps. Elle était la sœur de Beldon, son meilleur ami. Pendant des années, tous trois avaient passé les vacances d’été à explorer la côte cornique. Depuis le premier jour où il avait rendu visite aux Pendennys, il avait su que son cœur ne pourrait jamais appartenir qu’à elle.

Derrière lui, dans la salle de bal des Rutherford, les plus élégants danseurs de Londres tournoyaient dans leurs atours de soie et de satin, enivrés par le champagne qu’un valet de pied promenait sur un plateau. Mais il s’en moquait bien, lui dont le cœur se brisait…

— Valerian ?

Une douce voix familière avait prononcé son nom, derrière lui, dans la pénombre. Valerian prit une profonde inspiration et pria pour avoir la force d’aller jusqu’au bout.

Il le fallait… C’était pour son bien à elle, même si elle ne voudrait sûrement pas le croire.

Il se tourna vers elle. Et comme toujours, la divine apparition le fascina. Ce soir, la beauté de Philippa était à son zénith. Le satin bleu pâle de sa robe scintillait dans le clair de lune à chacun de ses gestes ; une douce brise d’été plaquait l’étoffe fine contre son corps, dévoilant la merveilleuse silhouette dissimulée sous les couches vaporeuses de tissu.

— Val !

Elle s’avança, les mains tendues vers lui.

— J’étais si impatiente…

Un tendre sourire jouait sur ses lèvres. Au fond de son regard bleu, il lut cette douceur qu’elle n’avait que pour lui. Pour lui seul… Pensée enivrante s’il en fut jamais !

Il la savoura tout son soûl, sachant qu’après ce soir, il ne connaîtrait plus jamais cette joie.

Elle glissa ses mains gantées dans les siennes. D’évidence, elle s’attendait à ce qu’il la prenne dans ses bras, comme les autres fois. Il déglutit, luttant contre la tentation. Il était venu là pour accomplir son devoir envers la famille de Philippa, une famille qui l’avait aimé et protégé depuis son adolescence.

Ils lui demandaient de renoncer à elle pour les sauver de la pauvreté qui les menaçait et préserver l’avenir de la jeune fille. C’était une tâche difficile, pour ne pas dire plus ; la moindre caresse de Philippa, sa plus petite marque d’affection ne faisaient que la rendre encore plus ardue.

L’étreinte ne vint pas. Aussi fort qu’il le désirât, il lui était impossible de l’enlacer et de la sentir de nouveau contre lui. Agir ainsi, c’eût été refuser au baron Pendennys la seule chose qu’il lui ait jamais demandée en échange de tous ses bienfaits. En homme d’honneur qu’il était, il devait bien cela au baron.

Elle leva les yeux vers lui, chercha à déchiffrer l’expression de son visage. Allons, il devait apprendre à se composer une attitude s’il voulait être crédible…

— Val, qu’est-ce qui se passe ? Vous n’êtes pas heureux de me voir ?

— Pas heureux ? Bien sûr que si ! Je suis toujours heureux de voir une amie très chère.

Il souffrait de dire cela. Une amie, vraiment ! Pour lui, elle avait toujours été beaucoup plus qu’une amie.

— Alors embrassez-moi ! J’ai attendu cet instant toute la journée. Pas vous ?

Elle flirtait, se pressait contre lui pour l’inciter à l’enlacer. Mais il était trop avisé pour céder à ces manœuvres malhabiles.

— Arrêtez, Philippa. Il faut que nous parlions.

— Ici ?

Elle semblait désappointée. A quoi s’attendait-elle, pour que l’endroit lui parût si peu propice à un entretien ? Misère, elle n’avait pas le plus petit soupçon de ce qu’il s’apprêtait à lui dire ! Le baron Pendennys ne lui avait pas menti : Philippa et Beldon ignoraient tout de la situation familiale.

Val promena un regard autour de lui. La terrasse était presque vide ; quelques couples déambulaient aux alentours. L’endroit n’était pas aussi tranquille qu’il l’avait espéré et il secoua la tête.

— Pas ici. Allons plutôt dans le jardin.

Ils découvrirent un banc au milieu des rhododendrons en fleur et s’y assirent. Valerian prit la main de la jeune fille et désigna l’arceau de roses au-dessus de l’allée.

— Elles sont magnifiques, vous ne trouvez pas ? Il paraît que Lady Rutherford a fait venir de Turquie une variété de roses jaunes.

Il essayait de gagner du temps et il en avait conscience. Ainsi il graverait à jamais les images de l’instant présent dans sa mémoire — sa belle, son innocente Philippa encore persuadée de la pureté de son amour pour elle. Dans un moment, cette vision ne serait plus qu’un souvenir. Il était venu lui prouver qu’elle avait eu tort de croire en lui et qu’il avait joué avec son cœur.

Oh, Seigneur ! Combien d’années faudrait-il à Philippa pour comprendre que cette scène n’était qu’une mascarade qu’il avait accepté de jouer pour les protéger, elle et sa famille ?

— Qu’y a-t-il, Val ? Vous ne m’avez pas entraînée ici pour me montrer des roses, n’est-ce pas ?

Il s’éclaircit la voix.

— Non, en effet. J’ai parlé à votre père il y a quelques instants.

Le visage de Philippa s’illumina et elle laissa échapper un petit cri de joie avant de plaquer sa main gantée sur sa bouche. Valerian se rembrunit. Bon sang, il s’y était mal pris ! A n’en pas douter elle croyait qu’il était allé demander sa main à son père. Cela n’allait pas du tout. Il lui fallait se montrer plus circonspect, plus convaincant.

— Non, Philippa, ce n’est pas du tout ce que vous pensez. Votre père m’a informé de vos fiançailles avec le duc de Cambourne. Il lui a accordé votre main, cet après-midi même.

— Mais je ne…

La perplexité et l’incrédulité se succédèrent sur son doux minois. Cette fois, les mots avaient atteint leur but. Ils étaient si éloignés de ceux qu’elle attendait qu’elle n’était même pas en colère. Il lui fallait d’abord comprendre.

La pauvre enfant ne savait même pas que Cambourne était sur les rangs, bien que, depuis des semaines, tous les membres du White, le club très sélect de la capitale, guettaient le moment où l’aristocratique veuf se déciderait à franchir le pas, et faisaient des paris sur le jour et l’heure de sa déclaration à la plus exquise débutante de la saison. Valerian avait espéré l’emporter sur son rival et il y serait parvenu si le baron n’avait eu d’aussi pressants besoins d’argent.

— Le duc de Cambourne ? Vous devez faire erreur, Valerian.

Elle se leva et secoua sa jupe, convaincue dans sa naïve logique qu’il lui suffisait de retourner dans la salle de bal et d’expliquer la situation à son père.

— Papa vous aime beaucoup. Rien ne lui plairait davantage que de vous accueillir dans notre famille. Il ne peut que le vouloir. Pour moi, pour nous…

— Attendez, Philippa !

Soucieux de ne pas trahir l’émotion qui bouillonnait en lui, il s’efforçait de garder un ton calme et froid.

— Je vous ai amenée ici pour vous donner un conseil. En tant qu’ami, je ne peux que vous encourager à accepter l’offre du duc.

— Quoi, vous voulez que j’épouse Cambourne ? s’exclama-t-elle, horrifiée. Mais il est assez vieux pour être mon père ! Et je ne l’aime pas. En dehors des quelques danses que je lui ai accordées, je ne le connais pas du tout !

Son caractère impétueux reprenait le dessus, à présent qu’elle était remise du choc initial. Valerian n’avait pas la moindre envie d’être la cible de sa colère. Il ne connaissait que trop sa langue acérée.

— Vous aurez toute la vie pour apprendre à le connaître, Philippa.

— Mais je ne…

Il l’interrompit presque grossièrement :

— C’est un excellent parti pour vous, si vous y réfléchissez un peu.

Puis il énuméra les qualités de l’homme en comptant sur ses doigts gantés.

— D’abord, il est de la même région que nous. Vous n’aurez pas à vous éloigner de votre famille et de votre maison. Ensuite, il est riche. Et il adore les chevaux, comme vous. Enfin, ce n’est pas un mauvais homme et il est plutôt séduisant.

Il reprit sa respiration pour conclure :

— Vous trouverez le bonheur avec lui. Il vous apportera la stabilité et la sécurité.

— Mais pas l’amour ! rétorqua-t-elle avec feu. Vous voilà en train de vanter ses mérites comme un marchand de tapis ! Mais la seule chose qui m’importe, à moi, c’est l’amour ! Comment m’aimerait-il, quand il ne sait rien de moi ? Vous, Val, vous me connaissez. Si tous ces critères ont de l’importance pour mon père, alors vous pouvez aussi bien faire l’affaire. Vous vivez dans la même région que nous, vous aimez les chevaux, vous êtes aimable et séduisant, et vous avez de l’argent. Je ne vois donc pas pourquoi votre offre ne serait pas aussi recevable que celle de Cambourne. Qu’est-ce que mon père pourrait vous reprocher ?

Une note de supplication vibra dans sa voix.

— Laissez-moi lui parler, Val. Avant minuit, nous serons fiancés, vous et moi, vous verrez.

Valerian plongea dans le regard d’azur qui implorait le sien. La situation devenait sacrément délicate. S’il réussissait, elle quitterait ce jardin persuadée qu’il était indifférent à tout ce qui s’était passé entre eux. Elle ne saurait jamais qu’il se promenait avec une bague dans sa poche depuis deux semaines, dans l’espoir insensé que la demande de Cambourne serait rejetée et qu’il pourrait se mettre sur les rangs.

La bague était encore là, dans son gilet de soirée. Et il était probable qu’elle y resterait, car il ne s’imaginait pas un seul instant l’offrir à une autre. C’était déjà une véritable torture que de devoir lui chanter les louanges de Cambourne en lui assurant que tout irait bien, quand il était convaincu que, pour sa part, il n’irait plus jamais bien de toute sa vie. Il en avait littéralement la nausée.

— Ce qu’on pourrait me reprocher ? répéta-t-il avec une feinte désinvolture. Pour commencer, je n’ai pas la moindre envie d’être fiancé d’ici minuit. Et je n’ai pas demandé votre main.

Un mensonge de plus… Bien sûr qu’il l’avait demandée, alors même qu’il connaissait la situation. Le père de Philippa avait été clair. Valerian n’était pas assez riche. Oh, il le serait quand il aurait atteint ses vingt-sept ans, âge où il devait entrer en possession de son héritage. Le problème, c’était que le baron Pendennys ne pouvait pas attendre jusque-là.

Cette réponse avait été un coup de poignard pour Val. On avait vendu ses rêves contre des pièces d’or ! Un jour, il serait lui-même un homme aisé, comme le duc aujourd’hui. Mais il serait privé de la seule chose que l’argent ne pouvait pas acheter.

— Comment cela ? Vous n’avez pas demandé ma main ? Mais, Val…

Elle avait les yeux pleins de larmes et sa voix exprimait la plus complète incrédulité.

— Je ne saisis pas…

Dieu, qu’elle était belle en cet instant ! Il dut résister à l’impulsion de l’attirer contre lui. Elle se tenait si près qu’il aurait suffi d’un tout petit geste pour cela. Un léger parfum de savon au citron et de shampoing à la lavande émanait d’elle.

Luttant pour comprendre, elle se laissa tomber sur le banc de pierre.

— Je croyais que vous m’aimiez… que vous vouliez m’épouser ?

Il faillit céder au désir fou de s’asseoir près d’elle et de s’emparer de ses mains pour la réconforter. Mais non ! S’il la touchait, elle saurait tout de suite que tout cela n’était qu’un mensonge.

— Parlez plus bas, gronda-t-il en jetant un regard à la dérobée autour de lui. Nous ne voulons pas attirer l’attention, n’est-ce pas ? Ce serait le comble, de vous compromettre, à présent que tout est terminé.

Il espérait que ces mots seraient une douche froide pour elle. Mais elle y vit au contraire une issue à tous leurs ennuis.

— Mais oui ! s’exclama-t-elle d’un ton farouche. C’est exactement ce qu’il faut faire. Si vous me compromettez, Père sera obligé de vous accorder ma main et Cambourne retirera sa demande. Tout le monde comprendra qu’il ne peut plus m’épouser après cela !

Valerian fut tenté de trouver l’idée excellente. Il aurait été facile de la compromettre, en effet. Mais il l’aimait trop pour ne pas l’avertir des conséquences — conséquences dont elle ne se doutait même pas, dans son innocence, mais dont il était plus conscient qu’elle, instruit par les trois ans de vie mondaine qu’il avait déjà derrière lui.

— Philippa, personne à Londres ne voudrait plus nous recevoir. Nous mènerions une vie de parias et je ne veux pas vous condamner à cela. Pas plus que je ne veux m’y condamner moi-même, ajouta-t-il égoïstement.

Mais Philippa ne se laissait pas aussi facilement duper. Elle leva la tête vers lui, perplexe.

— Est-ce que ces choses-là comptent pour vous ? Vous auriez toujours vos chevaux, vos jardins… et ma personne. Je croyais que c’était assez.

Elle se leva pour se jeter dans ses bras, et nicha sa tête contre son épaule.

Valerian la laissa faire mais se raidit, les bras inertes contre ses flancs. Il n’en pouvait plus de se battre ainsi sur tous les fronts. L’échéance était inévitable, alors pourquoi faire durer le supplice ?

Après ce soir, il ne reverrait plus Philippa. Il avait déjà pris sa décision : il ne retournerait pas dans sa maison de Cornouailles pour la voir devenir l’épouse d’un voisin. Cela le rendrait fou de savoir que son mari et elle vivaient à moins d’une journée de cheval de Roseland.

En la revoyant ce soir, il avait su tout de suite que Philippa tenterait de se rebeller contre le choix de son père. Et qu’il aurait à résister à ses supplications, quelle que soit leur forme.

Mais ce qu’il ne savait pas, c’était à quel point ce serait douloureux.

Dans son désespoir, Philippa luttait avec toutes les armes à sa disposition — y compris son corps. Au début de leur relation, il lui avait dévoilé tous les secrets du corps masculin. Il y avait quelque chose d’enivrant à enseigner l’art des sens à la femme aimée. Jamais il n’aurait imaginé que ce n’était pas à lui qu’incomberait la délicieuse tâche de lui donner sa plus belle, son ultime leçon d’amour.

Une nouvelle nausée le saisit à cette pensée.

Philippa releva la tête et une boucle se détacha de sa coiffure. Sans réfléchir, il écarta la longue mèche auburn de son visage. Combien de fois avait-il fait ce geste, ces derniers mois ?

— Oh, Val, si vous ne voulez pas m’épouser ni me compromettre, au moins donnez-moi une nuit de passion ! Laissez-moi être avec vous comme nous avions l’intention d’être ensemble. Nous en avons tant rêvé… Une seule fois, je vous en prie !

Ces mots n’étaient pas faits pour apaiser l’érection naissante de Val. Un gémissement de regret lui échappa tandis qu’il fermait les yeux, s’exhortant au courage. Elle avait reposé la tête sur son épaule et, Dieu merci, elle ne pouvait voir l’expression tourmentée de son visage. Mais comment l’empêcher de sentir la pression de son désir contre son ventre ? Dieu savait à quel point il la désirait. A quoi bon lui cacher son excitation ? Elle savait déjà à quel point leurs corps se répondaient.

Mais il était un homme d’honneur. Et il avait promis de renoncer à elle.

— Ce n’est pas une bonne idée, Philippa, s’entendit-il dire, comme si un autre que lui avait parlé.

Elle lui agrippa les mains.

— S’il vous plaît, Val… Je vous aime et vous m’aimez aussi, je le sais, je le sens…

Il devait mettre un terme à cette scène ! Elle était sur le point de s’effondrer et il sentait sa propre résolution faiblir. S’ils continuaient ainsi, la contrainte qu’il s’était imposée allait voler en éclats et ils passeraient le reste de leur vie à payer le prix de quelques minutes de folie. Il ne ferait pas cela à Philippa.

— Non, ne me suppliez surtout pas, lui dit-il à l’oreille. Je ne pourrais pas supporter de vous voir vous humilier ainsi.

Il la lâcha et recula, prêt à assener les mots les plus difficiles qu’il eût jamais prononcés de sa vie. Mais il fallait bien qu’elle le croie, à la fin !

— Je vous aime, c’est vrai, mais peut-être pas de la façon dont vous m’aimez. Je suis désolé si vous vous êtes méprise sur mes intentions lorsque nous avons commencé notre petit voyage au pays du Tendre. Vous et moi, c’est terminé. Quoi que nous ayons pu faire, cela appartient désormais au passé. Une fantaisie… C’est ainsi qu’un homme voit les choses.

Il sentit un muscle tressauter dans sa joue. Le silence s’abattit sur eux. Qu’allait-elle dire ? Son cœur et sa raison se livraient une guerre sans merci. Sa raison voulait que Philippa prenne son mensonge pour argent comptant ; mais son cœur aurait préféré qu’elle voie dans ses propos la mascarade qu’ils étaient vraiment.

Une expression glaciale se peignit sur le visage de Philippa. Visiblement, le désespoir refluait en elle, laissant de nouveau place à la colère. Quand elle parla enfin, sa voix vibrait d’indignation.

— Ce n’était qu’un jeu pour vous ? Une fantaisie ? Tout n’était donc qu’un mensonge ?

Si seulement il ne la connaissait pas assez bien pour deviner ses pensées ! Mais il lisait à livre ouvert sur son visage blême. Le doute, la peine… la certitude que les regards de connivence, les baisers incendiaires et les caresses brûlantes n’avaient rien été d’autre qu’un leurre de la pire espèce. Il avait bien joué son rôle. A présent, elle était persuadée que tous ces gestes n’avaient pas eu la moindre importance pour lui, alors qu’ils avaient tant signifié pour elle.

— Je croyais que vous étiez un homme d’honneur, Valerian, fit-elle d’une voix tremblante.

Il se cramponna à sa résolution.

— Je suis un homme d’honneur. C’est bien pour cela que j’ai ressenti le besoin d’arrêter les frais avant que ce charmant interlude n’aille trop loin.

Elle ouvrit la bouche, éberluée.

— Interlude ? A vous entendre, on dirait que notre histoire n’a été rien de plus qu’un entracte au théâtre. Un passe-temps entre deux activités !

Il se redressa, prêt à lui assener le coup de grâce.

— Je pars demain rejoindre mon oncle sur le continent. Il est temps que je fasse mon grand tour, à présent que la paix est rétablie.

Elle le regarda avec effarement.

— Valerian, cela ne vous ressemble pas. Vous jouez un jeu cruel.

Il y avait du reproche dans sa voix, un reproche qui les visait tous deux — lui pour son attitude méprisable, elle pour l’imprudence dont elle avait fait preuve.

Elle se trompait, bien entendu. Mais il ne voyait aucun moyen de se sortir honorablement de cette situation. Peut-être valait-il mieux qu’elle croie le pire — que son amour n’avait été en effet qu’une imposture, un badinage un peu trop rondement mené.

En tout cas, il ne dit rien pour sa défense et s’inclina sèchement.

— Je vais vous laisser. Vous avez besoin d’être un peu seule pour reprendre vos esprits avant de retourner au bal, déclara-t-il avec une froide politesse.

Il tournait déjà les talons. Mais elle le rappela une dernière fois.

— Dites-moi que vous m’avez aimée, que tout cela n’était pas que tromperie, chuchota-t-elle d’une voix étranglée par les larmes.

Il s’arrêta, mais ne regarda pas en arrière. C’eût été défaire son propre ouvrage.

— Non, miss Stratten, je ne peux pas.

Après tout, c’était la vérité, songea-t-il pour se réconforter. Il était trop bouleversé pour lui dire ce qu’elle espérait entendre. Son silence allait être pris pour de la dureté de cœur, il le savait. Mais à quoi bon lui donner de faux espoirs ? Si elle sentait qu’il restait une seule chance, elle ne renoncerait pas. Philippa était tenace. Il espérait que cette ténacité l’aiderait à traverser cette crise et à se bâtir une nouvelle vie.

Il ferma les yeux, submergé par la douleur. Il valait mieux que les mots ne soient pas dits. Même si elle devait en tirer les conclusions les plus terribles.

Quand elle parla de nouveau, elle avait maîtrisé son émotion. Ses mots d’adieu, prononcés d’un ton calme, atteignirent Val en plein cœur, telle la pointe d’une flèche empoisonnée.

— Je n’oublierai jamais cela, Valerian. Aussi longtemps que je vivrai…

Plus malheureux qu’il ne l’avait jamais été, il carra les épaules et se mit à la recherche du père de Philippa, afin de lui dire que tout était consommé : il avait tenu sa promesse, il ne serait plus un obstacle à la sécurité financière de la famille.

Puis il demanderait à Beldon de ramener Philippa à la maison et il prendrait la route — le seul point sur lequel il n’avait pas menti.

Dans la poche de son gilet, il portait la missive de son oncle diplomate l’invitant à le rejoindre sur le continent. La lettre était arrivée la veille, en réponse à l’une des siennes. Valerian se sentait incapable de rester en Angleterre, à regarder Philippa vivre sa nouvelle existence.

Oui, mieux valait qu’il s’en aille. Au moins, en la protégeant des menaces qui pesaient sur elle, il servirait l’Angleterre.

Et il tâcherait d’extirper de sa mémoire le souvenir brûlant de Philippa Stratten.

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