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** Extrait offert par Linda Warren **

Chapitre 1

La minute de vérité approchait pour Caitlyn Belle.

Comment aurait-elle pu l’oublier ? Son cœur battant à se rompre le lui rappelait à chaque instant.

A l’entrée du ranch Southern Cross, elle s’arrêta un instant pour tenter de rassembler ses esprits ; elle voulait quand même faire bonne figure et ne rien laisser paraître de son inquiétude. Quand elle redémarra, les vitesses de sa vieille camionnette Chevrolet laissèrent échapper un grincement sinistre qu’elle ignora. Ses neurones n’avaient qu’une capacité de travail limitée, et pour le moment, elle ne pouvait penser qu’au propriétaire du ranch qu’elle s’apprêtait à rencontrer, et ne se souciait guère que la transmission soit défectueuse ou non.

Elle passa la barrière canadienne.

L’instant fatidique approchait.

Judd Calhoun, l’homme qu’elle avait quitté quatorze ans plus tôt, lui avait demandé une entrevue. Depuis qu’il l’avait appelée, elle ne cessait de s’interroger sur le motif de ce rendez-vous.

Elle allait enfin le découvrir. Et, connaissant Judd Calhoun, elle avait quelques raisons d’être nerveuse ; il ne l’avait certainement pas invitée à prendre le thé.

Elle s’engagea entre les deux énormes piliers de pierre de l’entrée, et remonta l’allée gravillonnée que longeait de chaque côté une clôture de bois peint en blanc et qui conduisait à une imposante demeure au toit de tuiles rouges. Devant, s’étendait une grande allée circulaire, ornée en son centre d’une splendide fontaine décorée d’une sculpture de cheval. La maison familiale des Calhoun semblait tout droit sortie des pages d’un magazine. Seuls les corrals et les granges, et le troupeau de vaches brahmanes blanches que l’on apercevait dans les prés alentour, indiquaient qu’il s’agissait d’un ranch en activité.

High Five avait été ainsi, autrefois, songea Caitlyn avec tristesse. Ce n’était plus le cas, hélas. Mais elle ne pouvait rien changer aux événements passés, et il ne servait à rien de se désoler sur ce qui n’était plus ; elle ne devait penser qu’à l’avenir.

Le ranch High Five, propriété des Belle, et le Southern Cross, qui appartenait aux Calhoun, étaient les deux plus gros ranches des environs de High Cotton, au Texas, un petit village qui comptait moins de cinq cents habitants. Les deux familles avaient un jour rêvé que les deux ranches ne fassent plus qu’un, grâce au mariage de Caitlyn, l’aînée des filles Belle, et de Judd, le seul héritier des Calhoun.

Mais Caitlyn n’avait pu se résoudre à cette union. Personne n’avait compris ses raisons, et surtout pas son père, Dane Belle, qui l’avait suppliée de bien réfléchir aux conséquences de son choix, puis menacée de lui couper les vivres. Mais elle n’était pas revenue sur sa décision. Tout le monde, à High Cotton, la disait gâtée et têtue. Certes il y avait une part de vérité dans cette rumeur, mais beaucoup d’autres paramètres étaient entrés en jeu dans son refus d’épouser Judd. Depuis, les deux familles étaient en conflit. Et cela durait depuis quatorze ans.

Pendant ces quatorze années, les Calhoun avaient fait prospérer leur ranch, tandis que les Belle accumulaient les pertes financières. Dane Belle était mort deux mois plus tôt, et High Five surnageait à grand-peine. Caitlyn était encore folle de rage en pensant à la dette énorme qu’avait contractée son père au poker. Sans l’argent que rapportaient les baux sur le pétrole et le gaz, le ranch aurait sombré depuis longtemps. Mais il lui fallait trouver d’autres sources de revenus pour que le ranch retrouve sa prospérité d’autrefois.

Pour l’instant cependant, elle avait un autre problème : que lui voulait donc Judd ?

Elle se gara devant la maison et attendit un instant avant de descendre, respirant profondément pour être parfaitement calme et maîtresse d’elle-même ; mais elle ne disposait sûrement pas du temps nécessaire pour y parvenir. Non loin d’elle, la fontaine émettait un petit gargouillis accueillant, et les souvenirs frappèrent à la porte qui la séparait du passé. Elle refusa de l’ouvrir.

Elle sortit de voiture et marcha d’un pas rapide vers la grande porte de châtaignier. Elle prit une profonde inspiration et saisit le heurtoir de cuivre, admirant le splendide panneau de vitrail qui ornait la porte. En y voyant son reflet déformé, elle se sentit perdre le peu qu’elle avait de sang-froid.

Peut-être aurait-elle dû mettre une robe et se maquiller au lieu de venir en jean et en bottes, sans maquillage. A cette pensée, elle faillit éclater de rire. Judd Calhoun n’allait pas prêter la moindre attention à son apparence. Lui en avait-il d’ailleurs prêté un jour ?

Ce fut Brenda Sue Beecham qui ouvrit la porte, l’empêchant ainsi de sombrer dans les souvenirs.

— Oh, Caitlyn ! lança cette dernière avec un grand sourire. Tu es juste à l’heure ! On m’a toujours dit que l’exactitude était la politesse des rois, mais je n’ai jamais très bien compris ce que cela voulait dire. Enfin, bref ! Tu es là.

Brenda Sue était une fausse blonde aux courbes voluptueuses, bien connue des habitants de High Cotton pour sa nature avenante et sa gentillesse un peu naïve. C’était aussi un vrai moulin à paroles.

Après un mariage raté, Brenda Sue était revenue chez ses parents avec ses deux enfants. Elle vivait désormais avec eux et travaillait comme secrétaire dans les bureaux de Southern Cross. Il y avait très peu d’emplois pour les femmes à High Cotton, et Caitlyn s’était longtemps demandé comment Brenda Sue avait obtenu celui-ci… Jusqu’au jour où elle avait chassé ses mauvaises pensées de son esprit. Le père de Brenda Sue, Harvey, avait travaillé au Southern Cross pendant des années avant de prendre sa retraite. Il avait sûrement demandé à Judd d’aider sa fille.

— Suis-moi, reprit Brenda Sue. Judd ne devrait pas tarder. Je crois qu’il est aux écuries. Tu sais combien il aime ses chevaux. Oh, mais qu’est-ce que je raconte ?

Brenda Sue émit un petit rire forcé.

— Tu sais tout sur Judd, poursuivit-elle. Il m’arrive de l’oublier, parce que tu es tellement terre-à-terre, tu comprends ? Mais ne le prends pas mal. Tu as toujours été assez… enfin, tu sais…

Non, Caitlyn ne savait pas, et surtout, elle ne voulait pas savoir. Elle aurait aimé arracher à Brenda Sue ses cheveux blonds, jusqu’à la dernière mèche, et s’en servir comme d’une serpillière. Mais elle se contenta de la suivre jusque dans le bureau de Judd. De toute façon, Brenda Sue, ses piques incessantes et ses « tu sais » innombrables étaient le cadet de ses soucis pour l’instant.

— Judd va arriver tout de suite, ajouta Brenda Sue. Je peux te laisser seule ? Il faut que je retourne travailler. J’aide un peu à la maison de temps en temps, tu comprends. Bon sang, c’est bon de te voir, Caitlyn !

Et sur ces mots, Brenda Sue quitta le bureau et referma la porte.

Caitlyn n’avait pas dit un seul mot. Elle n’en avait pas eu besoin : Brenda Sue pouvait mener une conversation à elle seule durant des heures ! Et peut-être même deux conversations de front. Comment Judd pouvait-il supporter un tel moulin à paroles ? Mais après tout, Judd était un homme : il prenait sûrement son mal en patience en regardant son décolleté. Et elle ne voulait surtout pas penser à ce qu’il pouvait se passer de plus entre eux.

Elle s’assit dans le fauteuil de cuir bordeaux qui faisait face à l’énorme bureau en acajou, et jeta un regard autour d’elle. Du bois impeccablement ciré l’entourait de toutes parts. C’était indubitablement une pièce masculine. Les seules décorations étaient des photos encadrées de taureaux primés, de race brahmane, et de pur-sang, ainsi que plusieurs sculptures de taureaux et de chevaux. Une version réduite de la sculpture qui ornait la fontaine, devant la maison, était posée sur le bureau : un étalon dressé sur ses pattes arrière, la crinière flottant au vent, les pattes avant battant l’air. Magnifique.

Si ses nerfs n’avaient pas été aussi tendus, elle l’aurait examinée de plus près. Mais pour le moment, il fallait qu’elle se concentre sur les quelques minutes à venir. Elle croisa les jambes et essaya de se détendre.

Ce n’était qu’une réunion.

Après quatorze ans…

Ses nerfs se tendirent de plus belle, et elle se redressa sur sa chaise.

Elle arrangea sa tresse d’un geste nerveux. Après avoir peigné ses cheveux jusqu’à en avoir mal aux bras, elle s’était longtemps demandé si elle devait les laisser libres ou les attacher. Comme Judd l’avait aimée avec les cheveux libres, flottant au vent, elle les avait ramenés en tresse, comme elle le faisait d’habitude.

Elle croisa de nouveau les jambes et remarqua, horrifiée, que les semelles de ses bottes étaient couvertes de crottin de cheval. Bon sang ! Ce n’était pas vraiment le moment. Mais quand on dirigeait un ranch, il était difficile de ne pas marcher dedans de temps en temps.

Sur le bureau, il y avait des mouchoirs en papier dans un présentoir en cuivre. Juste ce qu’il lui fallait. Mais à l’instant où elle se levait pour en attraper un, la porte s’ouvrit et Judd entra. Il était accompagné de Frank Gaston, le notaire de la famille Belle. Caitlyn lui jeta un regard étonné. Que faisait le notaire ici ? La tension, qui ne l’avait pas vraiment quittée, la submergea de plus belle. Elle se rassit si brusquement que ses fesses claquèrent sur le cuir du siège, mais Judd ne sembla pas le remarquer. Il ne la regarda même pas. Quant au notaire, il se borna à lui adresser un petit signe de la tête des plus courtois.

Judd s’installa à son bureau, et posa un classeur devant lui.

Caitlyn, malgré ses efforts, ne put le quitter des yeux. Il n’avait pas vraiment changé ; peut-être était-il plus imposant aujourd’hui, toutefois. Ses cheveux étaient d’un brun très foncé, et ses yeux, plus sombres encore. Elle avait un jour appelé ces yeux « la magie de minuit ». Ils étaient d’une teinte qui rivalisait avec celle de la nuit la plus noire, et lorsque Judd la regardait, le monde réel disparaissait et faisait place à un monde où tout n’était que magie.

Mon Dieu ! Comme elle était naïve, à cette époque…

Elle changea de position, mal à l’aise, et le cuir de son siège crissa. C’était la première fois qu’elle revoyait Judd d’aussi près depuis quatorze ans, qu’elle respirait le même air que lui, qu’elle était dans la même pièce. Bien sûr, il était venu aux obsèques de son père, mais s’était bien gardé de s’approcher d’elle. Il lui arrivait aussi parfois de la croiser au bazar ou à la station-service de High Cotton, mais il l’ignorait toujours.

Tout comme il le faisait maintenant.

Il avait très peu changé au cours des années. Ses tempes commençaient à grisonner, mais cela ne faisait qu’ajouter à sa séduction. Sous sa chemise blanche, elle devinait ses muscles. Ses épaules avaient-elles toujours été aussi larges ? A l’époque, elle…

Elle se força à revenir à l’instant présent. Il fallait qu’elle garde les pieds sur terre. Quelque chose de grave était en train de se passer, elle le sentait, et il fallait qu’elle reste concentrée. Mais pourquoi diable Frank était-il ici ?

Judd ouvrit la chemise qu’il avait posée sur le bureau, et en sortit un document qu’il fit glisser vers elle.

— Deux mois avant son décès, ton père m’a cédé les baux sur le pétrole et le gaz de High Five, laissa-t-il tomber.

Caitlyn regarda le document sans le voir. La pièce se mit à tanguer autour d’elle, et elle crispa les doigts sur le cuir des accoudoirs. Elle en sentait la texture, la douceur, la fermeté, mais il n’en semblait pas moins irréel. L’expression qu’elle lisait sur le visage de Judd, en revanche, était on ne peut plus réelle.

La gorge nouée, elle parvint à grand-peine à dire :

— Pardon ?

— Est-ce que tu es dure d’oreille ?

Le regard de Judd était si noir, si froid, qu’elle eut l’impression d’être clouée à son fauteuil.

— Bien sûr que non, rétorqua-t-elle d’un ton sec.

Il était hors de question qu’elle se laisse atteindre par ses sarcasmes. Elle se leva d’un bond, malgré ses jambes tremblantes, et se dressa devant lui. Elle voulait une explication, et il allait la lui donner.

— Je n’y crois pas. Jamais papa ne nous aurait fait ça.

— C’est pourtant la vérité, Caitlyn, intervint Frank Gaston d’un voix grave. Je suis désolé.

Judd frappa le document d’un doigt.

— Lis ça, dit-il. Le 15, tu recevras ton dernier versement.

Elle se saisit du document et se rassit sans un mot. Tandis qu’elle lisait, le tremblement qui agitait ses genoux gagna son corps tout entier, et elle renonça bien vite à essayer de l’atténuer.

Judd avait dit vrai. En bas de la page, la signature de son père scellait son sort, celui de ses deux sœurs et celui de High Five.

Comment avait-il pu ?

Et comment Judd avait-il pu accepter ? Mais elle eut rapidement la réponse : il avait trouvé le moyen de se venger de l’humiliation qu’elle lui avait fait subir en refusant de l’épouser.

Le ranch était perdu. Elle était perdue. Elle avait tout à la fois l’impression d’avoir la tête dans les nuages, comme une fillette de neuf ans, et les pieds fermement ancrés sur terre, comme la femme de trente-trois qu’elle était. Mais le sol, sous ses pieds, était comme des sables mouvants. Qu’allait-il se passer maintenant ? Elle n’en avait pas la moindre idée.

Judd le savait certainement, lui.

— Dane s’inquiétait du bien-être de ses filles et de sa mère, reprit-il quand elle reposa le document sur son bureau.

— Pourtant, il a vendu tout ce qui nous rendait solvables ! lâcha-t-elle, avec toute la rage qu’elle ressentait. Pourquoi ?

— Dettes de jeu. Il ne voulait pas que l’on s’en prenne à toi ou à ta grand-mère.

— Et donc, il a résolu le problème en nous laissant sans rien.

— Il te reste le ranch.

Elle eut soudain envie de le gifler. Il connaissait sûrement tout aussi bien qu’elle les difficultés que traversait le High Five. Il lui restait le ranch, certes, mais qui lui coûtait plus d’argent qu’il ne lui en rapportait. Lorsqu’elle ne pourrait plus l’entretenir, il ne lui resterait qu’une solution : vendre. Et Judd s’empresserait de l’acheter, et réaliserait enfin son rêve : faire des deux ranches un seul et même ranch. Jusqu’à quel point n’était-il pas responsable de la décision de son père ? songea-t-elle soudain. Il lui avait forcé la main, d’une façon ou d’une autre. C’était la seule explication.

Elle se leva. Elle ne se sentait pas très solide sur ses jambes, mais il était hors de question qu’elle montre un seul signe de faiblesse devant cet homme.

Judd sortit un autre papier de la chemise et ajouta :

— Il ne pouvait rien faire d’autre que payer ses dettes de jeu. Mais il a pensé qu’il devait prendre des dispositions pour toi, tes sœurs et ta grand-mère. J’ai promis de les honorer de mon mieux.

Caitlyn retint une réflexion désobligeante. Bien sûr. L’homme protecteur. Le mâle dans toute sa splendeur. Son père était ainsi. Il appartenait à la vieille génération et pensait que les femmes étaient de faibles créatures et qu’il fallait veiller sur elles et les garder à leur place : à la maison, dans la cuisine et dans le lit. Les filles étaient bichonnées et gâtées, et faisaient ce qu’on leur disait de faire, comme par exemple épouser l’homme que leur père leur avait choisi pour mari.

Caitlyn avait grandi dans cette atmosphère-là, s’adaptant plus ou moins bien à ces coutumes qu’elle jugeait ridicules ; une femme devait avoir les mêmes droits que les hommes. Elle avait cependant refusé de s’y plier une fois. Et cela avait constitué un tournant dans sa vie, un tournant dont elle allait peut-être payer le prix aujourd’hui.

Mais elle repoussa vivement ces pensées et se concentra sur ce que Judd venait de dire. Qu’avait-il promis au juste ?

— De quoi parles-tu ? lui demanda-t-elle.

— Cette dette était tellement importante que Dane avait peu de solutions. C’est pour cela qu’il m’a demandé mon aide.

Judd s’interrompit et prit un stylo en or, qu’il commença à faire tourner entre ses doigts.

— Dane savait aussi très bien combien tu peux être têtue et indépendante, ajouta-t-il avec un petit sourire moqueur.

Elle se raidit. Elle allait le gifler, s’il continuait.

— Et alors ? lança-t-elle.

— Voilà le marché de Dane.

Il lui jeta un rapide regard et poursuivit :

— Si le ranch ne fait pas de bénéfices dans les six mois, tu me le vendras, au prix du marché.

— Quoi !

Ces paroles la frappèrent au creux de l’estomac avec autant de force qu’une gorgée du whisky du Tennessee que son père avait l’habitude de boire.

— Tu es toujours aussi dure d’oreille ?

Sans relever la remarque sarcastique, elle lança :

— Tu ne peux pas parler sérieusement !

— C’est la vérité, intervint le notaire.

— La ferme, Frank ! s’écria-t-elle, oubliant un instant ses bonnes manières.

Un doigt pointé sur lui, elle ajouta :

— Que faites-vous ici, d’ailleurs ? Vous êtes le notaire des Belle. Vous ne devriez pas plutôt être de mon côté ?

— Caitlyn…

Sans prêter attention à cet éclat, Judd entreprit de lire à haute voix le papier posé devant lui :

— « Je donne le choix à Caitlyn entre exploiter High Five et le vendre. Cette décision n’appartient qu’à elle. Ni Madison ni Skylar ne peuvent la prendre. Mais je désire cependant que Caitlyn consulte ses sœurs. Pour mourir en paix avec ma conscience, je dois lui donner une chance. Mais si le ranch continue à décliner six mois après ma mort, High Five et tout ce qu’il contient sera vendu à Judd Calhoun. Dorothea Belle, ma mère, pourra continuer à vivre sur la propriété jusqu’à la fin de ses jours. »

Caitlyn ne trouva rien à dire. Elle devait avoir mal entendu. Ou bien elle était en plein cauchemar et attendait de se réveiller.

Son père avait donné à Judd une chance en or d’exercer sa vengeance. En était-il conscient ? Mais elle n’allait pas abandonner aussi facilement. Non, elle ne baisserait pas les bras ! Et elle allait réussir à donner un nouvel essor à High Five !

— Je… je pense que je vais partir et vous laisser régler tout ceci entre vous, intervint le notaire en leur jetant à tous les deux un rapide regard. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, Caitlyn, appelez-moi.

— J’y réfléchirai ! lança-t-elle avec un petit rire moqueur. N’y comptez pas trop quand même.

Frank Gaston haussa les épaules et quitta la pièce.

Caitlyn regarda Judd droit dans les yeux et demanda :

— Tu penses avoir gagné, pas vrai ?

Judd se laissa aller dans son fauteuil, et le coton de sa chemise se tendit sur son torse.

— Oui, j’ai gagné. Mais je te connais, et je suis sûr que tu vas te démener pendant ces six mois pour essayer de sauver le ranch. Tu ne réussiras pas, Caitlyn, et je te prendrai tout ce que tu aimes.

Les paroles de Judd lui furent comme une brûlure, et les mots qu’elle s’apprêtait à dire se perdirent dans les décombres de sa fierté qui venait de voler en éclats.

— Alors ? Tu ne trouves rien à dire ? railla-t-il.

— Je crois que tu as tout dit, Judd. Si tu t’attends à ce que je t’implore, laisse-moi te dire que tu peux attendre longtemps.

— M’implorer ? Pourquoi m’implorerais-tu ?

— Va au diable !

Il haussa les épaules et répondit :

— Grâce à toi, j’y suis déjà allé. Et je n’ai aucune envie d’y retourner.

— Qu’est-ce que tu veux de moi ?

— Mais rien. Rien du tout.

— Notre réunion est donc terminée.

— Non. Pas tout à fait. Si je comprends bien, tu as l’intention de continuer à exploiter High Five les six mois à venir.

— Tu comprends bien.

— Tes sœurs doivent être mises au courant de ces dispositions, tu n’oublieras pas. Est-ce que tu veux t’en charger, ou veux-tu que je le fasse ?

— Je parlerai moi-même à mes sœurs. Je n’ai pas besoin de ton aide.

— Bien. Très bien.

Il posa les coudes sur son bureau, sans cesser de la fixer.

— Laisse tomber maintenant, Caitlyn. C’est plus raisonnable. Tu ne peux pas gagner. Même Dane le savait. Vends tout de suite avant de te retrouver dans une situation encore plus inconfortable.

— Tu n’es pas Dieu, Judd. Tu ne peux pas contrôler la vie des autres.

— Contrôler ? répéta-t-il avec un petit rire. Je n’ai jamais parlé de « contrôle ». J’aide une amie, rien de plus. J’ai accepté cet arrangement par respect pour ton père, et je ne reviendrai pas sur ma parole.

Le sang de Caitlyn ne fit qu’un tour. Comment pouvait-il parler de respect ? Il ne connaissait même pas la signification de ce mot.

— Tu es une ordure, Judd, un sale manipulateur ! Je me demande vraiment comment tu as pu amener mon père à conclure cet arrangement avec toi.

— C’est lui qui est venu me chercher, pas l’inverse.

Il parlait d’une voix calme, mais Caitlyn voyait bien qu’il essayait de refréner sa colère. Tant mieux !

— Et, bien sûr, tu as bondi sur l’occasion de lui apporter ton aide, poursuivit-elle.

Il se leva brusquement et, d’instinct, elle fit un pas en arrière.

— High Five sera à moi, Caitlyn, dit-il d’une voix cinglante. Et j’aurai un plaisir immense à te le prendre.

— J’ai souvent pensé que tu n’avais pas de cœur, un peu comme l’Homme de Fer-Blanc, du Magicien d’Oz. Mais lui, il voulait avoir un cœur. Toi, Judd, tu n’en as que faire. Que Dieu ait pitié de ton âme calculatrice !

— J’avais un cœur, mais tu me l’as arraché, laissa-t-il tomber froidement. Mais c’est du passé tout ça. La minute de vérité est enfin arrivée. Je vais tout te prendre. Ce n’est qu’une question de temps. Et à mon avis, ce n’est que justice.

Caitlyn sentit une grosse boule lui serrer la gorge, et son cœur battre un peu plus fort. Il fallait qu’elle quitte cette pièce au plus vite, qu’elle n’ait plus Judd en face d’elle. Judd et ses yeux pleins de nuit, Judd et son désir de vengeance.

Elle sortit de la pièce, n’emportant que sa dignité qui était réduite à bien peu de choses. Stoïque, elle marcha jusqu’à la porte d’entrée. Une fois sur le tapis persan, elle s’arrêta et essuya le crottin qui maculait la semelle de ses bottes.

Voilà qui n’était que justice.

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** Extrait offert par Linda Warren **

It was reckoning day.

Caitlyn Belle knew that with every beat of her racing heart.

She stopped at the entrance to the Southern Cross ranch and shoved the stick shift of her old Chevy truck into first. The gears protested with a grinding noise, which she ignored. Her brain cells could process only so much, and right now her full attention was on the ranch's owner, not a faulty transmission.

Once she crossed the cattle guard, there was a whole lot of reckoning waiting for her. Judd Calhoun, the man she'd jilted fourteen years ago, had requested a meeting with her. The question why kept jangling in her head like loose change.

Time to find out.

Reckoning or not.

She drove between the huge stone pillars that supported the decorative, arched wrought-iron sign that bore the name Southern Cross. White board fences flanked both sides of the graveled road, curling toward a massive ranch-style house with a red tile roof.

A circular drive with a magnificent horse-sculpture fountain made of limestone graced the front of the house. The place looked like something out of a magazine. The only things that signaled this was a working ranch were the corrals and barns in the distance and the white Brahman cattle that dotted the horizon.

High Five had once been like this, but not anymore. Cait felt a moment of sadness. She couldn't change the past. The future was her main concern.

The High Five, owned by the Belles, and the Southern Cross, owned by the Calhouns, were the two biggest ranches near High Cotton, Texas, a stop in the road of less than five hundred people. It had been both families' dream that someday the ranches would be one, joined by the marriage of Caitlyn, the oldest Belle daughter, and Judd, the only male Calhoun offspring.

But Caitlyn couldn't go through with it. No one understood her reasons, least of all her father, Dane Belle. He'd begged her to think about what she was doing and to reconsider. She couldn't. The rumor mill in High Cotton said she was spoiled, stubborn, but there had been a whole lot more to her decision than that.

The two families had been at odds ever since. The Calhouns prospered, while the Belles suffered financial losses one after another. Her father had passed away two months ago and High Five was barely holding on. The enormous debt Dane had incurred still angered Caitlyn. Without the royalties from the oil and gas leases, the ranch would fold. She was going to make sure that never happened.

She parked on the circular drive and took a moment to gather her wits. But her wits were scattered hither and yon, and might take more time to collect than she had. The fountain bubbled invitingly and memories knocked on the door of yesterday. She refused to open it.

Getting out, she hurried toward the huge walnut front doors and tapped the brass knocker before she lost her nerve. She studied the beautiful stained glass and saw her distorted reflection.

Maybe she should have worn makeup and a dress instead of her bare face, jeans and boots. The thought almost caused her to laugh hysterically. Judd Calhoun was not going to notice how she looked. This was business. It certainly wasn't personal. Personal feelings had taken a hike when she'd said, "I can't marry you."

Brenda Sue Beecham swung open the door. "Oh, Caitlyn, you're right on time."

Brenda Sue, a bleached blonde, had more curves than Harper's Road and was known for her friendly disposition. In high school she'd been called B.S. for obvious reasons. No one could B.S. like Brenda Sue. Her mouth was going at all times.

After a failed marriage, she was back home, living with her parents and working as a secretary in the Southern Cross office. There were very few jobs for women in High Cotton, and Cait could only imagine how Brenda Sue had gotten this one. But she shouldn't be catty. Brenda Sue's dad, Harvey, had worked on the Southern Cross for years before he retired because of a bad back. Cait felt sure he'd asked for Judd's help on her behalf.

"Come this way. Judd should be here any minute. You know how he loves his horses. Oh, what am I saying?" Brenda Sue gave a forced laugh. "You know everything about Judd. Sometimes I forget that, with you being such a stick-in-the-mud and all. Now, I don't mean that in an offensive way. You've just always been rather… you know…"

Caitlyn followed her into Judd's study, thinking that yellow hair would make a good dust mop. She pushed the thought aside. Brenda Sue and her endless digs and infinite "you know's" were the least of her worries.

"Judd will be right with you. I have to get back to the office. I help out in the house every now and then, you know. Gosh, it's good seeing you, Caitlyn." With that, Brenda Sue closed the door and disappeared.

Caitlyn hadn't said one word. She didn't need to. Brenda Sue was a one-woman show, no participation required. How did Judd put up with that airhead? But he was a man and probably enjoyed looking at her cleavage. Caitlyn didn't want to think about what else might be between them.

She took a seat in a burgundy leather wingback chair facing the enormous mahogany desk. Vibrant polished wood surrounded her. A man's room, she thought. There were no family photos, just framed pictures of prize Brahman bulls and thoroughbred horses, along with several bull and horse sculptures. A magnificent one sat on his desk, a smaller version of the one in the fountain. The stallion stood on his hind legs, his mane flowing in the wind as his front feet pawed the air.

If her nerves weren't hog-tied into knots, she'd take a closer look. Right now she had to focus on the next few minutes. She crossed her legs and tried to relax. It was only a meeting.

After fourteen years.

The knots grew tighter.

She touched her hair in a nervous gesture. After brushing it until her arms ached, she couldn't decide whether to wear it up or down. Judd had liked it loose and flowing, so she'd weaved it into a French braid, as usual. It hung down her back and conveniently kept her hair out of her face.

She recrossed her legs and stared in horror at the horse crap on her boots. Damn. Damn. Damn! But when you ran a working ranch it was hard not to step in it every now and then.

Tissues in a brass holder on the desk caught her attention. Just what she needed. As she started to rise, the door opened and Judd strolled in with Frank Gaston, her father's attorney. Her butt hit the leather with a swooshing sound, but Judd didn't seem to notice. He didn't even look at her, though the lawyer nodded in her direction.

Judd sank into his chair, placing a folder on the desk in front of him. He was a big man with an even bigger presence. His hair was dark brown, his eyes darker. She'd once called them "midnight magic." Their color rivaled the darkest night, and magic was what she'd felt when he'd looked at her.

Oh, God! She'd been so naive.

The leather protested as she shifted uncomfortably. Judd had changed very little over the years. He'd been at her father's funeral, but had never gotten within twenty feet of her. She'd seen him every now and then when she was at the general store or the gas station in High Cotton, but he'd always ignored her.

As he did now.

She'd never been this close before, though, breathing the same air, occupying the same space. There were gray strands at his temples, but they only added to his appeal. A white shirt stretched across his shoulders. Had they always been that wide?

Reality check. Something serious was going on and it required her undivided attention. What was Frank doing here?

As she watched, Judd opened the folder and laid a document on the desk in front of her.

"Two months before your father died, he sold me High Five's oil and gas royalties."

Everything in the room seemed to sway. Cait's fingers pressed into the leather and she felt its texture, its softness, its support, yet it felt unreal. The expression on Judd's face, though, was as real as it got.

Something was stuck in her throat. "Excuse me?" she managed to ask.

"Are you hard of hearing?" He looked at her then, his dark eyes nailing her like barbed wire to a post, hard, sure and without mercy.

"Of course not." She wouldn't let him get to her. She sprang to her feet, wanting answers. "I don't believe it. My father wouldn't do that to us."

"It's true, Caitlyn. I'm sorry," Frank said, a touch of sadness in his voice.

Judd poked the document with one finger. "Read it. The fifteenth will be your last check."

Grabbing the document, she sat down to see this debacle with her own eyes. She had to. Her knees were shaking. As she read, the shaking spread to her whole body. It was true. Her father's bold signature leaped out at her, sealing her fate and the fate of High Five.

How could he?

Judd Calhoun had found his revenge.

She was lost somewhere between feeling like a nineteen-year-old girl with her head in the clouds and a woman of thirty-three with her feet planted firmly on the ground. Shaky ground. What happened next? The adult Caitlyn should know, but she didn't.

Judd did, and she was very aware of that as she heard his strong, confident voice. "Dane worried about the welfare of his daughters and his mother."

"So he sold everything that was keeping us solvent. Why?" She fired the question at him with all the anger she was feeling.

"Gambling debts. He didn't want those people coming after you or your grandmother."

"So he leaves us with nothing?"

"You have the ranch."

She stood on her less-than-stable legs, but she would not show one sign of weakness to this man. He had somehow finagled her father into doing this. That was the only explanation.

Judd pulled another paper from the folder. "There was nothing he could do about the gambling debts but pay them. He felt, though, that he should made arrangements for you, your sisters and your grandmother. I agreed to honor them as best as I could."

That was her father. He was of the older generation and believed a woman had to be taken care of. That her place was in the home, kitchen or bed. Daughters were pampered and spoiled and did what they were told, like marrying a man of their father's choosing.

Caitlyn had lived with that mindset all her life. She had defied it once, to her regret.

Pushing those thoughts away, she concentrated on what Judd had said. Agreed to what?

"What are you talking about?"

"With his enormous debt, Dane had very few options, and he asked for my help." The rancher paused and picked up a gold pen, twirling it between his fingers. "Dane was also very aware of your stubborn, independent streak."

She stiffened. "So?" As if she wasn't reminded of it every freakin' day of her life.

"Here's Dane's deal…." His dark eyes swept over her. "If the ranch is not making a profit within six months, you will sell High Five to me at a fair market price."

"What!" His words hit her in the chest like a shot of her dad's Tennessee whiskey.

"Still have that hearing problem?"

She ignored the sarcastic remark. "You can't be serious."

"It's true," the lawyer interjected.

"Shut up, Frank." She pointed a finger at him. "What are you doing here? You're the Belles' attorney. Shouldn't you be on my side?"

"Caitlyn…"

Ignoring her outburst, Judd read from the paper in front of him. "'I'm giving Caitlyn the option to operate High Five or sell. This decision is hers, not Madison's nor Skylar's. It is my wish, though, that she consult with her sisters. To die with a clear conscience, I have to give Caitlyn a chance. But if the ranch continues to decline six months after my death, then High Five ranch and all its entities will be sold to Judd Calhoun. Dorothea Belle will continue to live on the property as long as she lives.'"

Caitlyn was speechless, completely speechless. Her father, in his antiquated thinking, had given Judd a golden opportunity to exact his revenge. But she would not give in so easily. She would not fail.

"I… I think I'll go and let you two sort this out." The attorney glanced at her. "If you need anything, Caitlyn, just call."

"Yeah, right."

Frank shrugged and walked out.

She looked straight at Judd, her eyes unwavering. "You think you've won, don't you?"

He leaned back in his chair, the cotton fabric of his shirt stretching taut across his chest. "Yes, I've won. But knowing you, I'm sure you'll flounder along for six months. In the end I will take everything you love."

Her heart fell to her boots and her words tangled in the remnants of her shattered pride.

"Nothing to say?" he mocked.

"I think you've said it all, Judd. If you're waiting for me to beg, I'd advise you to take a breath, because it's going to be a long wait."

He lifted an eyebrow. "Beg, Caitlyn? For what?"

"Go to hell."

He shrugged. "Thanks to you, I've been there, and I'm not planning a return trip."

"What do you want from me?"

"Nothing. Absolutely nothing."

She swallowed. "Then this meeting is over."

"Not quite. I take it you are planning to operate High Five."

"You got it."

"Your sisters have to be informed of this development. Do you want to do the honors or should I?"

"I will speak to my sisters. We do not need your interference."

"Fine." He rested a forearm on the desk, his eyes holding hers. "Give it up, Caitlyn. You can't win this. Even Dane knew that. Sell now and save yourself the aggravation."

"You are not God, Judd, and you can't control people's lives."

"Control?" His laugh bruised her senses. "I never said anything about control. I'm helping a friend. Out of respect for your father, I've agreed to this arrangement and I will not go back on my word."

Respect? He didn't know the meaning of the word.

"You're a conniving bastard, Judd. I don't know how you got my father to agree to this."

"Dane came looking for me, not the other way around." He spoke calmly, but she couldn't help but note the curl in his lip.

"And you were there, eager to oblige."

He suddenly stood, and instinctively, she took a step backward. "I will own High Five and I will take great pleasure in taking it from you."

She held her head high. "I've often thought you were heartless, sort of like the Tin Man from The Wizard of Oz, except he wanted a heart. You, Judd, are lost forever. May God have mercy on your conniving soul."

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