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En ce qui me concerne, j’ai l’impression d’avoir perdu du temps, d’avoir été rayée de la carte… J’ai été allongée là, immobile, endormie, inactive, pendant que la Terre continuait de tourner. J’en suis très frustrée. Comme si j’avais raté un train, que j’étais restée seule sur le quai de la gare, et que jamais je ne pourrai le rattraper
Afficher en entierJ’ai passé une nuit épouvantable, allongée dans mon lit, les yeux braqués vers le plafond jusqu’à ce que mon réveil me sorte de cette torpeur. Impossible de me rendormir une fois revenue dans ma chambre. Je pestais. Je fulminais. Quelle bande d’imbéciles ! Faire croire à un incendie à 3 h du matin. Tout ça pour rigoler ! C’est inadmissible ! J’ai eu peur, j’ai paniqué, j’ai cru qu’une cigarette avait été oubliée dans le couloir, j’ai craint pour mes voisins, j’ai imaginé le pire, j’ai cherché à joindre Constance et Louis. Heureusement que je m’étais habillée sinon, j’entends d’ici les railleries que j’aurais pu recevoir. Quelle naïveté ! Comment ai-je pu croire… Mon avenir sur ce campus est définitivement tracé : je vais devenir la risée de tous.
Afficher en entierLa prochaine à s’élancer sur la piste improvisée est une fille. Mon estomac se noue quand je la reconnais. Petite, chétive, elle porte un débardeur noir et un pantalon large de la même couleur. Je suis à nouveau frappée par la singularité de son visage : un regard sombre, intense, accentué d’un maquillage prononcé, un piercing au milieu du menton, trois autres à l’oreille droite. Un teint pâle. Et des cheveux roses… C’est la fille que j’ai croisée hier au bizutage. Ses cheveux, coupés court derrière, laissent entrevoir, dans sa nuque, son tatouage en fleur de lotus.
Afficher en entierOù suis-je tombée ? Que se passe-t-il ? Pourquoi agissent-ils ainsi ? Et… Pourquoi ce prof ne les arrête-t-il pas ? Au lieu de cela, il prend ses affaires et quitte la salle, l’air amusé. Nous comprenons rapidement que c’est le début de notre bizutage et que les Carrés ont l’intention de nous malmener tout l’après-midi. Ils nous empêchent de sortir en bloquant toutes les issues et nous obligent à évacuer la salle en passant sous une haie d’honneur qu’ils ont formée. Dès que nous sommes à l’extérieur, une pluie de sauce ketchup et de mayonnaise mélangées à de la farine nous atteint en pleine face. Droite comme un piquet, stupéfaite par cette attaque dégoûtante, je suis incapable d’avancer. Je cligne des yeux bêtement, ne sachant quoi faire, totalement prise au dépourvue et à mille lieues d’imaginer ce genre d’attitude possible.
Afficher en entierJe jette un coup d’œil sur la banquette arrière. Les sacs et valises qui s’y entassent me rappellent la situation : j’ai vingt ans et je quitte le foyer familial. Pire ! Je quitte Paris, mon quartier, ma mère, mon chien. Quelle idée j’ai eue de choisir cet établissement ! Il y avait des écoles de marketing et communication partout en Île-de-France, accessibles par métro ou RER et très bien cotées, mais j’ai décidé d’en intégrer une située à quatre heures de la maison. Mon père n’est pas innocent dans cette histoire, il a fortement influencé ma décision. Il a fait ses études là-bas et en garde un excellent souvenir. Une école sérieuse, qui s’est fortement développée et dont la mention sur le CV attire les recruteurs. Une formation de trois ans condensée en deux années de travail acharné, unique en France et très convoitée. Un rythme atypique avec peu de vacances l’été, une rentrée en deuxième année au mois de juillet pour ne pas perdre de temps, de longues périodes de stage. Une chance incroyable pour ceux qui ont le privilège d’y accéder… Ces deux dernières années, passées en école préparatoire, je n’ai eu qu’un seul objectif : réussir le concours d’admission et être la fierté de mes parents. J’ai passé tout mon temps la tête dans les cours, récitant, révisant, gribouillant sur des centaines de fiches. Je ne m’accordais que deux heures de repos en dehors des repas : le samedi après-midi, à la bibliothèque. J’y travaille en tant que bénévole pour partager ma passion des livres avec les habitués. Un court moment où je peux relâcher la pression et m’évader dans d’autres mondes. Être admise dans l’ancienne école de mon père a concrétisé mon rêve. Je l’admire depuis toute petite, il est mon modèle : après de nombreuses opportunités professionnelles en tant que manageur, il est aujourd’hui directeur d’une PME. Il a gravi les échelons petit à petit, en partant de rien. J’aimerais beaucoup reprendre son entreprise et ainsi m’assurer un avenir confortable. C’est aussi son souhait. Nous en avons déjà parlé. Jusqu’à aujourd’hui, j’étais sûre de vouloir atteindre les sommets, comme lui. Je croyais que partir vivre sur le campus de cette école était une bonne initiative, que j’allais être indépendante, libre et maître de ma vie. J’étais même excitée par cette nouvelle aventure. Maintenant que le paysage défile sous mes yeux, que l’odeur de cuir de mes valises emplit l’habitacle et que les panneaux indiquent la direction du Grand Ouest… maintenant, je réalise. Je repense à ma chambre rose si douillette, aux bons petits plats mijotés de ma mère, à Lucky, mon chiwawa, à toutes ces choses et ces êtres qui vont me manquer. Je réalise que ma vie est en train de changer…
Afficher en entierChloé:
" J'entends du mouvement derrière moi, des bruits de pas. Je me retourne et secoue immédiatement la tête et l'index , ce qui stoppe Adèle dans son élan. Non, hors de question qu'elle me suive! Faut pas abuser! Elle m'a posé plus de questions en cinq minutes que tous mes potes réunis!
J'avais du prendre mes jambes à mon cou, ne pas répondre...
J'ai été trop loin...
Je ne suis pas ici pour me faire des amis."
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