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Des gouttes de pluie perlaient derrière le hublot pendant que l’avion d’Air France roulait sur la piste pour gagner le terminal. Le rideau de pluie était si dense que les terminaux et les avions stationnés disparaissaient derrière. Les doigts de Marion Sanders se serrèrent sur son sac posé sur ses genoux. Le vol depuis Hambourg n’avait duré qu’une heure et quinze minutes et elle avait l’impression qu’elle venait de dire au revoir à Paul. Elle sentait encore la pression de ses doigts sur son bras, son dernier contact à travers l’étoffe de son manteau.
Paul avait insisté pour la conduire à l’aéroport mais ils n’avaient pas échangé un mot pendant le trajet. Ils avaient désappris à par ler des choses ordinaires, désappris à respecter ces nuances souvent trop fugitives pour être exprimées et qui sont pourtant l’essence d’une relation entre deux personnes. Les non-dits s’élevaient entre eux comme un mur et les séparaient l’un de l’autre.
Une trace d’insécurité était restée – il fallait s’y attendre après tant d’années –, et jusqu’à présent Marion s’était demandé si elle avait pris la bonne décision, si elle était effectivement prête à en subir les conséquences.
Quand en passant le contrôle de sécurité elle avait tiré sa carte d’embarquement de son sac, elle s’était retournée pour chercher le regard de Paul. Il était toujours là où ils s’étaient dit au revoir et il répondit à son petit signe en inclinant légèrement la tête. Puis un groupe de jeunes voyageurs l’avait caché à sa vue. Quelques secondes plus tard, la place où avait été Paul était vide.
source : Actes Sud
Afficher en entier« Et tandis que son regard allait d’une photographie à l’autre, soudain une image émergea de tous ces visages et de tous ces gens. Toute la lumière de la salle parut se focaliser dessus. Marion en eut le souffle coupé. Incrédule, elle fixait le portrait d’une femme à la chevelure brune et elle eut l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Les genoux flageolants elle s’approcha de la photographie et caressa du doigt le verre froid. La femme ne se détacha pas sous ce contact. Les yeux de Marion allaient sans arrêt des contours de ce visage à l’épaisseur de la chevelure. Et il semblait à Marion qu’elle se regardait dans un miroir. »
source : édition Jacqueline Chambon
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