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Maman fait volte-face et me dévisage.
— Ils ont dit quoi ? Mais pourquoi leur as-tu parlé ?
— Ils ont un chien. Je voulais caresser leur chien. Est-ce que je pourrais avoir un chien, maintenant qu’on habite ici ?
— Tu ne devrais pas parler à des gens comme eux.
— Mais je voulais seulement caresser leur chien.
— Ce sont des Juifs, Hetty.
Le mot me déclenche un frisson dans le dos. Comment aurais-je pu le savoir ? Karl fronce le nez et déclare :
— Tous des sales porcs, les Juifs.
Afficher en entierHerr Goldschmidt tire sa femme par le bras, mais elle ne bouge pas d’un millimètre et ses yeux noirs ne sont plus que deux fentes. On dirait des yeux de serpent.
— Ton père, lâche-t-elle d’un ton mauvais. Il les a mis dehors. Avec des charges fabriquées de toutes pièces. Et cette campagne mensongère dans son journal. C’était criminel… Rien que des mensonges et des calomnies…
Afficher en entierJe me retourne. La réponse est venue d’une fille aux cheveux noirs et crépus, un peu comme les miens.
— Votre nom, s’il vous plaît ? demande le professeur Kreitz, en levant brusquement la tête de son livre.
Ses yeux globuleux me font penser à ceux d’une grenouille.
— Freda Federmann, répond la fille d’une voix assurée.
— C’est très bien, Freda, s’enthousiasme le professeur. Transformation. Renaissance. Conversion. Du grec metamórphōsis qui signifie « transformation ».
Il se met à faire les cent pas.
— L’étude des cultures grecque et romaine vous apprendra l’essentiel de ce que nous avons à savoir sur la condition humaine, poursuit-il.
— Freda Federmann, c’est une sale Juive.
Quelqu’un du rang derrière moi vient de murmurer ça à son voisin et je suis sûre que le professeur a entendu, mais il choisit de ne pas relever et continue à déambuler dans la classe, en attrapant un livre au passage.
Afficher en entier« Walter, murmuré-je. J'ignore ce que tu penses vraiment de moi... Je sais que c'est fou et dangereux, qu'il ne faut pas, mais... Ne pourrait-on pas se rencontrer ici de temps en temps ? On ne fait rien de mal, n'est-ce pas ? »
Afficher en entierJe contemple le visage de Walter. Les larmes me montent aux yeux. Comment peut-il être juif ? Pourquoi ne m'en suis-je pas doutée ?
- Retourne au collège, Hetty, me dit-il d'une voix morne. Tu ne devrais pas être ici.
- Je m'en fiche, réponds-je. Et je me fiche aussi que tu sois juif. Tu es quand même mon ami. Pour toujours.
Et, sans lui laisser le temps de répondre, je fais volte-face et repars vers l'école.
Afficher en entier- N'oubliez jamais les grandes vertus de la BDM: pureté, propreté, chasteté, obéissance et respect, conclut-elle. Et maintenant, allez piquer une tête dans la cascade, vous l'avez bien mérité.
Les grandes vertus, elle ne cesse de nous en parler. Une bonne Allemande doit être solide, robuste, soucieuse de son hygiène, modeste et réservée, s'effacer devant les hommes et les soutenir. Elle ne pose pas de questions, ne se plaint jamais et agit d'abord dans l'intérêt de la communauté. Ses désirs et ses besoins passent en dernier.
Son devoir est de servir le Führer, l'Allemagne et son mari - dans cet ordre. Les garçons apprennent à gouverner et à être des meneurs, les femmes apprennent à obéir. En tant que femme, on attend beaucoup de moi et je n'ai pas droit à la parole.
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