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Nous étions toutes des mères célibataires abandonnées par le même homme ou presque — comme l’une des femmes du groupe l’avait dit un jour en plaisantant. Nous restions soudées par solidarité envers notre statut. Je me dis à présent que ce n’était peut-être pas l’idéal pour Carmel, cette bande de femmes dont les regards — et les alliances — étaient empreints d’une telle amertume. Nous avions passé tant de soirées autour de la table de la cuisine à ressasser tout ce qu’il nous avait fait subir.
Nous avions toutes été blessées d’une manière ou d’une autre même si cela ne se voyait pas trop du dehors. À l’exception d’Alice dont les bleus n’étaient que trop réels. Après la disparition de Carmel — oh, quelques mois à peine —, Alice était passée à la maison.
« Il faut que je te parle, m’avait-elle dit. J’ai une bonne nouvelle.»
Je m’imaginais encore que le moindre indice pouvait m’aider
à résoudre cette énigme.
« Quoi ? Dis-moi vite», répondis-je en serrant désespérément le col de ma robe de chambre.
Mais je fus tellement déçue par ce qu’elle avait à me dire que je détournai les yeux et fixai sur l’égouttoir de la cuisine la coquille vide de l’œuf que j’avais mangé la veille. Lorsqu’elle me raconta que ma fille était en contact avec Dieu et qu’en cet instant précis elle se trouvait peut-être assise à Ses côtés, je ressentis pour elle une haine sans nom. Comme pour sa prétendue bonne nouvelle et sa découverte de Jésus et cette rangée de bracelets autour de ses poignets qu’elle agitait tout en parlant. Je fus incapable de me retenir plus longtemps.
« Arrête! m’écriai-je. Et fiche le camp. Je croyais que tu avais quelque chose de sérieux à me dire. Sors d’ici et fous-moi la paix, pauvre conne. Pauvre conne sans cervelle. Emporte ton
Bon Dieu où tu voudras et ne remets jamais les pieds ici.»
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