La Grande fauche

Quand il était arrivé sur la place, il avait laissé le soleil lui caresser les yeux. Il avait hésité, juste un instant, avant de traîner à nouveau ses pieds dans la poussière.

Les enfants l'avaient aperçu les premiers, il y avait là le fils de Loune, vous savez celui qui était tout sec et que sa mère appelait à longueur de journée. Avec lui, ou plutôt derrière lui, les deux fillettes de la Thérèse, qui se ressemblaient tant que parfois on les croyait jumelles.

L'homme, si l'on peut parler d'un homme en considérant une si triste figure aux yeux globuleux, se balançant sur un corps tout tordu comme celui de ces arbres malingres qui s'entêtent à vivre sur un sol rocailleux, l'homme, donc, les regarait s'approcher, avec sur le visage une grimace qui pouvait au pis-aller passer pour un sourire.

Il avait reculé devant les pierres qui, jaillies des mains des enfants, étaient venues parsemer d'ombres sa face. Un regard étonné au bord des cils, il s'était tenu un long moment immobile, laissant scintiller des perles rouges de sang sur son front inondé de lumière matinale.