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Dimanche, 20 heures : il existe un président de la République française et il est unique. Ainsi soit.. il! C'est comme «Dieu», non pas le dieu local et temporaire qui vient de nous quitter, mais l'original, l'éternel et l'universel. Que disent de lui les Saintes Écritures ? 1° Dieu est. 2° Dieu est Un.

Existence et unicité. Une belle paire d'axiomes qui fonde le monothéisme. À opposer à cet autre axiome: « Dieux sont plusieurs», qui est cause du surpeuplement des panthéons polythéistes.

En mathématiques, les théorèmes «d'existence et d'unicité sont parmi les plus recherchés. Ils nous assurent qu'un certain objet est, et est unique à être ainsi. Il est un et un seul ! Et sans le connaître plus, sans avoir à l'exhiber, sans jamais l'avoir rencontré, nous pourrons le nommer en disant «c'est celui qui... ». Et nous aurons le droit (mathématique) de le faire.

Dans les langues naturelles, l'existence et l'unicité s'expriment par l'article défini t-s ou LA.

Quand il y en a plusieurs, on ne peut dire que «un« ou «une.

Et quand il n'y en a pas, on peut toujours dire «le» ou «la»; cela, ne se rapportant à rien, ne confirmera ni n'infirmera ce qui est. Ce qui n'existe pas peut-il contredire ce qui est ?

Si existence et unicité impliquent définir, définir n'implique pas exister, encore moins être unique. On cite souvent cette histoire (véridique?) d'un chercheur ayant bâti la théorie d'un type d'objet mathématique par lui défini et qui avait omis d'établir à son sujet un théorème d'existence. Malheureusement, quelque temps plus tard, on prouva que l'objet en question n'existait pas ! La belle théorie... s'envola en fumée.

Nommer, définir; activité langagière et conceptuelle qui nous prend la tête et la langue, mais qui ne suffit pas à faire exister pour de vrai la chose définie. Il y a de très belles définitions du Diable, et aussi de Dieu. Mais aucune ne suffit à prouver que l'un ou l'autre existe. «Dieu existe, je l'ai défini.»

Rejeté ! Mais, «Dieu existe, je l'ai rencontré», c'est une autre affaire, faut voir...

Les discours politiques sont peuplés d'objets qui en général ne sont pas définis. Et dont on n'a encore moins démontré l'existence. C'est pourquoi bon nombre de ces discours, en fait, ne parlent de rien. Qui est ? où est ? quoi est, par exemple, «la racaille» dont se gargarise le Front national ? Le Robert définit racaille par : «partie la plus vile de la population». Vile : qui inspire le mépris. Mais qui inspire le mépris ? Le Front national ? Quand le FN parle de racaille, parle-t-il de lui ?

Les choses ont besoin des mots pour se faire «entendre»; les mots, qui se prétendent les mots des choses, ont besoin des choses pour être les mots de ces choses. Sans cela, ils ne «recouvrent» rien. Que du vide. Du vide qui souvent pèse lourd son poids homicide.

Les mathématiciens disposent de trois façons de prouver l'existence. 1° Exhiber l'objet, pratique résumée dans la très british formule : The proof of the pudding, is in the eating,

2° Proposer un plan «convaincant» de sa construction, 3° Démontrer qu'il ne peut pas ne pas exister: une sorte d'«existence en creux». La preuve de l'existence établie par l'impossibilité de la non-existence.

Dans les mathématiques d'aujourd'hui, une des façons de prouver qu'un certain objet existe consiste à démontrer que, s'il n'existait pas, il y aurait une contradiction dans la théorie, qui la ferait s'effondrer logiquement. Un seul objet manque et tout s'est écroulé I L'existence d'un seul objet comme condition d'existence de la structure entière.

Les mathématiques en tant que système logique sont ainsi faites: on peut faire la preuve d'une existence en établissant l'impossibilité de la non-existence. Mais tous les mathématiciens n'acieptent pas ce point de vue. Pour ces derniers, l'existence d'un objet n'est établie que lorsque l'on propose un procédé de construction effective. On les appelle les constuctivistes.

Chaque fois que l'on dit «le» ou «la» (et aussi «l» apostrophe), il y a, tapi dans les coulisses, un théorème d'existence et l'unicité qui nous y a autorisé. Je lui ai dit : « Tu es l'amour de ma vie ! - Certes, me répondit-elle, voilà cependant qui a besoin de se démontrer ! Premier acte : Prouve-moi d'abord que tu m'aimes. Ensuite, que tu n'aimes que moi' » Ce ne fut pas facile.

Comment savoir qu'il y a un seul objet dans un ensemble ? En les comptant. Et si on ne sait pas compter? Alors, il faut trouver une démonstration. Pour qu'il y en ait un et un seul, il faut d'abord qu'il y en ait. Existence. Et qu'il n'y en ait qu'un.

Unicité. Comment démontrer qu'il «y en a qu'un» ? Simple. Puisqu'on vient de démontrer qu'il y en a, on a le droit d'en exhiber certains. Exhibons-les. Puis démontrons qu'ils sont tous LE même : quels que soient x et y exhibés donc x = y. Donc il (n') y en a qu'un.

Ce qui, rapporté à la première phrase de la chronique, donne : quels que soient les présidents de la République française, ils sont le même. Me serais-je trompé quelque part?

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N.B. Suivant la règle logique qui édicte que si A entraîne B, alors le contraire de B entraîne le contraire de A, je déduisais, en faisant la queue, que puisque « tout ce qui a un prix ne vaut rien », alors « tout ce qui ne vaut pas rien, c'est-à-dire tout ce qui vaut, n'a pas de prix ». Acculé, je ne pus que conclure : la marchandise n'a rien à voir avec la valeur !

Enrichi par les bonnes affaires que j'avais failli faire chez Leclerc, et rentrant dans mes pénates, mon cabas plein d'optimisme, j'empruntai le métro. Et voilà que, dans les couloirs déserts, s'affichant au milieu d'un panneau illuminé, une phrase kidnappa mon regard : TOUT CE QUI N'A PAS DE PRIX EST GRATUIT. Une publicité encore ; de quel magasin ? Ce n'était pas un magasin, c'était le musée du Louvre. Sous la phrase, en médaillon : Vénus et les Grâces. Détail de Botticelli. Marchandises terrestres, marchandises célestes !

Voilà la marchandise piégée par la finitude. Dans le monde qu'elle a contribué à clore et dont elle a rejeté l'infinitude, la publicité l'affirme, les choses ne valent plus rien. La gratuité ne peut être vendue !

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Mais où cela s'arrêtera-t-il ? Cela s'arrêtera-t-il seulement ?

« Moins cher » est une relation d'ordre strict défini dans l'ensemble des prix. Chaque prix, du seul fait qu'il s'affichait, en produisait un nouveau, strictement inférieur. J'avais la boulue !

Et tous ces x étaient positifs. Sur le papier des commissions, les prix successifs de M formaient une suite numérique positive strictement décroissante, nom attribué à ce type d'objet dans l'univers mathématique. De telles suites admettent toujours une limite, au sens où leurs termes se rapprochent d'aussi près que l'on veut d'un certain nombre, qui est cette limite même.

La suite des prix de ma marchandise M avait donc une limite ; les mathématiciens me l'assuraient. Quelle était-elle ? J'allais enfin savoir combien j'aurais à payer. Cela devenait de plus en plus urgent, je me rapprochais de la caisse, tripotant nerveusement mon porte-monnaie. Là, je dus faire un effort. La machine affichait les prix au centime près et ces prix devaient être inférieurs à x1 ; il n'y avait donc qu'un nombre fini de prix possibles (autant que de nombres décimaux avec deux décimales inférieurs à x1).

J'avais la solution ! Au milieu d'une émoustillante musique d'ambiance, je pouvais clamer mes certitudes : la suite des x tend vers 0. Et l'atteint !

Il existait donc un entier n tel que xn était égal à 0. Pourvu que j'atteigne cet entier avant l'heure de la fermeture ! La marchandise M qui s'étalait dans mon caddie valait 0 franc ! Ni plus, ni moins. Et ceci parce qu'il n'y avait pas une infinité de prix possibles.

Mais il n'y avait pas que M à être dans ce cas ; les mots de la pub résonnèrent dans mes oreilles : « TOUT ce qui a un prix... » Ainsi toutes les marchandises exposées ici ne valaient rien ! Sur les murs de nos cités, au nez et à la barbe de chacun de nous, un redoutable slogan anticapitaliste était affiché par les soins d'un grand de la distribution : TOUT CE QUI A UN PRIX NE VAUT RIEN.

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Je restai coi, cloué sur le trottoir, bousculé par des passants insensibles à mon émoi. Quel était le penseur qui avait inscrit ces mots sur les murs de notre cité ? La chaîne de magasins [...] ! Slogan ou théorème ? Je me précipite dans l'un des centres de ladite chaîne pour vivre en direct la publicité. Une expérience extrême.

Là-bas, sur un rayon, j'aperçois, comme offerte, une marchandise M. Elle a un prix « x1 » marqué dessus. Ouf ! Sur le papier de mes commissions, je note p(M) = x1. Je jette M dans un caddie et m'avance pour payer, quand sur moi fondent les mots du slogan. Ils me somment d'appliquer le principe affirmé dans la publicité. La marchandise M a un prix. Elle peut donc être vendue moins cher ! Disons, à un prix x2. Dans mon caddie, sous mes yeux, par la seule force des mots, mon M vient incontinent de baisser son prix : p(M) = x2 avec x2 < x1. Ebranlé tout de même, je fais un pas de plus vers la caisse ; mais les mots de l'affiche, sauvagement, reviennent à la charge. Ce nouveau prix de M, x2, est un prix ; un prix comme les autres. A ce titre, M peut être vendu moins cher que x2. Disons x3. Et rebelote. Chaque pas vers la caisse donnait naissance à un prix inférieur au précédent. Et la caisse était loin encore ; c'est que j'étais dans une très grande surface.

Sur le papier des commissions, les x se suivaient et ne se ressemblaient pas :

... < x5 < x4 < x3 < x2 < x1.

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4e de couverture:

Ironiques, mordantes, décapantes... politiques ! Les chroniques mathématiciennes ont fait le bonheur des lecteurs de Libération deux années durant. Rassemblées ici et accompagnées de quelques inédits, elles continuent de séduire par les connexions insoupçonnées qu'elles tissent entre mathématiques et actualité. Dans ces pages, il ne s'agit pas de mathématiques appliquées mais de mathématiques impliquées, humour et langage inventif font beau mariage avec la science et les mathématiques riment avec critique politique. D. G.

DENIS GUEDJ Mathématicien et professeur d'histoire et d'épistémologie des sciences à l'Université Paris-VIII, il est auteur de romans, La Méridienne (Robert Laffont, 1997), Le Théorème du perroquet (Seuil 1998), Génis ou le Bambou parapluie (Seuil, 1999) et d'essais, La Révolution des savants (Gallimard, 1988), L'Empire des nombres (Gallimard, 1996), et Le Mètre du monde (Seuil, 2000).

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