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Le labo a cette particularité d'abolir le temps linéaire, c'est ce que Pingouin m'a un jour expliqué quand j'ai commencé à tirer et oublié parfois de sortir à l'heure du repas. Le temps n'est plus que celui du cliché : il se dilue dans les bacs, dans les produits chimiques, se distend dans l'obscurité qui coupe totalement du monde extérieur ; il n'y a plus de notion de jour ou de nuit mais il existe seulement le noir dans lequel on se meut dans l'oubli de soi, dans la préoccupation de ce qui se joue entre nos mains. Les images sont apparitions et inscrivent un monde revenu d'un passé plus ou moins lointain, selon qu'on tire rapidement ou pas les photos.
Afficher en entierJ'ai tout de suite aimé photographier les corps en mouvement, les émotions du quotidien sur les visages. Ce n'est pas le sensationnel qui m'intéresse, non, je suis sensible aux poussières de la vie, à ces presque invisibles instants qui apparaissent dans les faisceaux de lumière, si toutefois on y prend garde.
Afficher en entierJe rêve du moment ou nous pourrons nous coucher. J'aimerais dormir, sans penser à cette vie nouvelle qui ne me donne aucune envie. Les deux jeunes fermiers sont aussi charmants que les portes d'un hospice et je désespère du moment ou cette visite va se terminer. Mais je me suis promis d'être reconnaissante à ces gens, quoi qu'il en soit de leur façon d'être. Je dois tenir le coup jusqu'à cette fin de visite et puis nous irons nous coucher. Demain, à 5 heures, nous devrons nous lever pour ne pas être en retard à l'école communale. Quel retour en arrière, une fois de plus...
Le tour du propriétaire terminé, la famille au complet, ans un bruit proche du grognement, nous marmonne enfin un bonsoir. Dans la chambre, la prote refermée sur notre intimité, Alice se déshabille et se glisse sous les draps après m'avoir embrassée. Avant de s'endormir elle me confie:
-Je crois que j'aime bien ici. Et puis je suis contente d'être avec toi. Je suis plus toute seule maintenant. Tu crois qu'on pourra écrire une lettre à mon frère demain ?
Moi, je n'aime vraiment pas ici, mais as petite voix apaisée me fais sourire. Je me suis promis de veiller sur cette petite avant même de savoir que nous étions compagnes d'exil et coreligionnaires. Si Alice est bien dans cette ferme, c'est ce qui peux nous arriver de mieux. Dans mon journal de bord, avant de m'endormir, j'écris quelques mots : "Etienne, dis-moi que tu m'attendras, promets-le moi. Tu sais, j'ai apprivoisé un petit oiseau fragile et j'en suis responsable. Je dois lui apprendre à voler. M'y aideras-tu ?"
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