Extraits

Que de jours il avait épié la jolie veuve ! Comme elle avait été intriguée, obsédée, sous le charme de ce regard clair, noyé dans un indéfinissable abîme, et qui semblait l'appeler au secours !....Un charme prenant, en dépit de l'empâtement et de l'irrégularité des traits.

En ce moment précis, comme il aimait ses yeux, son visage rond et enfantin, sa chevelure blonde, son maintien de reine, et le délicat parfum de rose qui venait d'envahir la pièce !

Ce trouble, insoutenable, ne les quitterait plus désormais. Il eût aimé se jeter à ses pieds, les lui baiser.

Pourtant, son esprit récusait et contrôlait le désir qui s'emparait de son corps. Les battements de son cœur lui paraissaient impudiques. Il refusait l'emprise du Diable. Mais le Diable n'était décidément pas là où il croyait le trouver. Il logeait en son âme.

Veuve depuis six ans, elle avait créé son atelier de dentellerie. Il ne s'était pas organisé sans peine. La volonté d'y parvenir lui avait donné le courage de poursuivre, pas à pas, son entreprise. Aujourd'hui, elle existait.

Elle en était fière.

Elle engageait plus d'apprenties que nécessaire, afin de ne pas les user sur des ouvrages à achever avec diligence. La clientèle exigeait la promptitude.

Renelde avait essentiellement à cœur de témoigner de l'affection à des orphelines, et de leur apprendre un métier. Elle leur offrait un foyer, un nid douillet où il faisait bon vivre. Sa chambre de dentelle était familiale.

C'était le jour du sang. Une puanteur envahissait ce quartier de Lille où les bouchers tuaient en plein air, devant un attroupement d'enfants curieux et désœuvrés.

Imperturbable, le Lion des Flandres dominait les pignons des nouvelles boucheries de la Grande-Place.

Autrefois, elle se mettait à courir, un mouchoir aux lèvres, pour réprimer la nausée. Aujourd'hui, envoûtée par une statuette au visage grimaçant, elle en oubliait les odeurs incommodantes. Les yeux de pierre la fixaient - sûrement. Le regard troublant de la statue lui souhaitait la bienvenue.

En ce milieu du 17ème siècle, l'ensemble des dix-sept provinces composant les Pays-Bas s'est fissuré. Au Nord, sept sont acquises au protestantisme. Elles se sont révoltées contre l'Espagne, et ont créé la république des Provinces-Unies. Celles du Sud (future Belgique et Flandre Française) sont demeurées fidèles au roi catholique d'Espagne. Ce sont les Pays-Bas espagnols.