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Dans une guerre, un jour on est Wimpy, le lendemain on est Beuzaboc. On tue, on est tué. Voilà tout.
Afficher en entierJe suis ressorti dans la chaleur de juin. J'ai fermé les yeux et respiré en grand. Tout à l'heure, je vivais de pluie et de froid sur un vélo de guerre. Ça y était. J'avais la première phrase de la biographie. "Novembre. C'était novembre et il pleuvait sur nous." Non. Trop solennel. Il fallait dépouiller chaque mot. "C'était novembre, et il pleuvait." Les élaguer encore. "Il pleuvait. C'était novembre." Les tailler davantage. "Novembre, et il pleuvait." Voilà. C'était ça.
Afficher en entier"A mon frère, il a parlé du convoi du 27 avril 1944. Des six chiffres tatoués sur son avant-bras gauche. Il a raconté son retour, seul. Les drapeaux fanés qui l'avaient accueilli. Son réseau sans honneurs, sans hommages, sans rien.
La guerre redevenue la paix, les prisonniers errants, les soldats jetés aux civils par milliers. Les douleurs qui glacent, les bravoures qui ennuient, les désarrois qui agacent aussi. Son retour de camp, c'était cela. Des résistants en trop,des déportés en plus, une humanité barbelée dont on n'a su que faire".
Afficher en entier"- Vous allez vous perdre dans les détails, a murmuré le vieil homme.
J'ai relevé la tête en souriant. Je ne me servirais pas de tous ces éléments. J'ai expliqué que pour raconter une histoire, je devais connaître le motif d'une toile cirée sur une table de cuisine. Je devais entendre les gestes et regarder les mots. Et plus j'aurais de couleurs, et plus j'aurais de musique, et plus le livre serait vivant.
- Même une crevaison à vélo ?"
Afficher en entier"Mon père était comme mort avant d'entrer en terre. Ma mère allait mourir de l'y avoir conduit. De lui et d'elle resteraient un enfant sans lumière, un autre sans empreinte".
Afficher en entier"La sueur perlée agaçait mon dos en araignée lente".
Afficher en entier"Ils avaient combattu ensemble. Ils avaient été arrêtés ensemble, déportés ensemble. Et ils étaient revenus de camp avec du coeur en moins. Mon père, c'était "Brumaire", et lui c'était "Tristan". Je n'ai jamais su son véritable nom. "Tristan", c'est tout. Et c'était pour toujours. La guerre l'avait baptisé, et la paix n'a jamais osé la contredire".
Afficher en entier"Je voyais ces hommes assembler leurs pauvres mots. Je relisais leurs phrases sans plainte, sans douleur, sans le moindre remords offert à leurs bourreaux. Je me demandais comment ces mots avaient pu survivre à ces hommes, continuer leur chemin de mots, revenir plus tard sous nos plumes, dans nos lettres, sur nos lèvres en paix. Je me demandais comment nous avions pu après eux encore écrire "adieux", "amitié" ou "chagrin". Je me demandais ce que seraient devenus nos mots sans les leurs".
Afficher en entier"Il se relisait, feuilles levées à hauteur de lunettes et l’eau de pluie faisait larmes d’encre"
Afficher en entier"Ce soir là, juste après la baiser de sa mère, Lupuline a vu son père entrer. Ce n''était pas son habitude. Tescelin Beuzaboc avait peu de gestes. Il embrassait du bout des doigts, il aimait d'un simple regard".
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