La Lumière de tes ombres

Si Margot s’inquiétait pour moi, je m’inquiétais autant pour elle. Depuis la rentrée, son humeur était des plus changeantes, elle devenait imprévisible et ne supportait plus mes plaisanteries limites. Nous l’avions tous remarqué, je n’osais même pas lui en demander la raison. C’est Justin qui eut le malheur de s’y risquer :

— Ça va Margot ?

— Ouais. Fous-moi la paix.

Il n’avait rien dit de désagréable, pourquoi était-elle si agressive ? Je sentais Alban très mal à l’aise lorsque nous nous querellions inutilement. Je fixai Justin dans les yeux en ignorant Margot et en tentant de faire de l’humour pour détendre l’atmosphère. Hélas, ce n’était pas le jour.

— Qu’est-ce qu’il dirait Confucius, dans un cas comme celui-là ?

La réponse fut cinglante :

— Ta gueule !

Et toc ! Prends ça dans ta tronche, Alan Berthier. Margot, c’est pire que la justice, elle a un sens aigu de l’équité. Pour une gentillesse, on a immédiatement droit à une vacherie. Sans cet équilibre, elle serait capable de faire n’importe quoi, comme bosser gratis pour n’importe quelle secte, genre les scientologues, les Illuminati ou le gouvernement ! Si, j’vous jure. :) Sans me vanter, heureusement que j’suis là pour la « reseter » de temps en temps, et lui remettre les compteurs à zéro. Au lieu de me taire, j’ai continué de l’ignorer et j’ai poursuivi ma conversation avec Justin, comme si nous étions seuls :

— Confucius aussi a le droit d’être en colère.

Margot claqua le livre qu’elle faisait semblant de lire :

— Vous me faites chier ! hurla-t-elle avant de se lever.

— Moi aussi je t’aime, Margot !

Trop tard, elle était déjà partie.

Ce n’était pas son habitude ni de s’énerver, ni d’employer ces mots là. Obliger Margot à nous faire un sourire quand elle n’en avait pas envie, c’était mission impossible. C’était comme forcer un catho à devenir honnête, ou à croire en Dieu.

— T’avais snifé quoi le jour où t’es tombé amoureux de Margot ? me demanda Justin, ironique.