Extraits

La peur qui nous habite a un pouvoir terrible. Elle transforme et déforme tout, elle répand partout la folie. La peur est la matrice obscure où les monstres naissent et prospèrent.

Habituellement, aucun bateau n'était autorisé à pénétrer dans le port des submersibles, en dehors de quelques navires de douanes, canots pour scaphandrier et cargos. Toutefois, en ce jour exceptionnel, trois barges d'aspect spacieux étaient amarrées au quai, de façon à qu'une poignée de privilégiés puissent assister plus commodément au retour de l'Enfant des Profondeurs.

« C'est un prototype.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Hark

- Ça veut dire que chaque voyage est un test de sécurité, et que mourir à bord serait fascinant d'un point de vue scientifique, répondit Vyne d'un ton allègre. »

Toutes ces choses étaient admirables. Elles comblaient votre cœur, vous enivraient. Elles étaient douces comme du miel.

Cependant, il existait une autre sorte de beauté, et tout le monde dans les Myriades la connaissait. Une beauté perverse, qui vous soulevait le cœur en vous faisant tourner la tête. On la désignait par un vieux mot, qu'on prononçait avec une peur superstitieuse : « avenable ». C'était une laideur doublée d'une étrangeté qui ne pouvait qu'être sacrée, un dérèglement évoquant ceux qu'aucune règle n’asservissait.

« La porte est fermée avec une grosse barre, expliqua-t-elle. J'ai essayé de glisser des morceaux de bois dans la fente sur le côté pour la soulever, mais ils se sont cassés. J'ai aussi fait des trous dans le mur. Ils sont pratiques pour espionner, mais je n'ai pas réussi à desserrer les planches. Et quand ils m'apportent à manger, ils viennent à trois, maintenant, sous prétexte que j'ai mordu le nez à l'un d'eux. »

« Les gens qui nous entourent nous obligent tous à prendre une forme nouvelle. Cependant, avec un peu d'attention, nous avons toujours notre mot à dire dans le processus. »

Mais que faisaient-ils donc, pendant tous ces siècles, dans le froid sans lumière de l’Abysse ? À quoi passaient-ils leurs journées ? Remarquaient-ils seulement qu’il faisait jour, ou vivaient-ils dans une nuit éternelle ? 

Lire amollit le cerveau, aimait répéter Jelt. Soit on vit dans le monde, soit on vit dans un livre. Impossible de faire les deux à la fois. Et qu’est-ce qu’on trouve dans ces fameux livres, de toute façon ? Un tissu d’inepties écrites par de gros imbéciles qui n’ont jamais souffert pour apprendre. À quoi veux-tu qu’ils servent ? 

Si nous n’avançons pas, nous n’arriverons à rien, disait-il. Il faut prendre le monde à la gorge, c’est ça ou la mort. 

« 𝙾𝚗 𝚛𝚊𝚌𝚘𝚗𝚝𝚎 𝚚𝚞𝚎 𝚕𝚎𝚜 𝚎𝚊𝚞𝚡 𝚍𝚎 𝚕'𝚊𝚛𝚌𝚑𝚒𝚙𝚎𝚕 𝚍𝚎𝚜 𝙼𝚢𝚛𝚒𝚊𝚍𝚎𝚜 é𝚝𝚊𝚒𝚎𝚗𝚝 𝚓𝚊𝚍𝚒𝚜 𝚕𝚊 𝚍𝚎𝚖𝚎𝚞𝚛𝚎 𝚍𝚎𝚜 𝚍𝚒𝚎𝚞𝚡. 𝙲'𝚎𝚜𝚝 𝚕𝚊 𝚙𝚞𝚛𝚎 𝚟𝚎𝚛𝚒𝚝é. »