La malédiction de la sorcière

C’était son premier baiser.

Elle baissa son regard sur sa paume et put à peine en croire ses yeux : il lui avait donné une guinée d’or.

Hermia avait l’habitude de sillonner seule la campagne ; tout le monde, au village, la connaissait.

Il ne lui était jamais venu à

l’esprit qu’un étranger pût trouver la chose singulière ou la prendre pour une bergère, à cause de ses vêtements, sans doute.

Sa pauvre robe de coton usée avait

été lavée bien des fois, sa capeline était passée car elle la portait depuis qu’elle était enfant.

Mais même ainsi, elle ne ressemblait pas à Molly qui aidait son père, fermier, à traire les vaches.

Et pas davantage aux femmes qui travaillaient à Honeysuckle Farm, certaines d’entre elles depuis vingt ans.

— Une fille de ferme !

murmura-t-elle à part soi.

Elle pensa à la colère de son père quand il apprendrait ce qui s’était passé.

C’était sa faute, aussi !

Elle s’était approchée pour aider l’étranger, sans lui dire qui elle était.

S’il eût pu certes deviner, aux quelques paroles qu’elle lui avait adressées, qu’il avait affaire à une jeune fille instruite, on ne pouvait pourtant le blâmer de l’avoir crue issue d’un milieu tout différent du sien.

Mais fût-on une fille de ferme, c’était un affront que d’être embrassée par un inconnu en guise de remerciement.

Hermia était fâchée, pis, humiliée, et son instinct lui commandait de se débarrasser de la guinée que l’homme lui avait donnée, en espérant que nul n’aurait jamais vent de l’affaire.