La ménopause des fées, Tome 2 : Crimes et chatouillements

Merlin rota et demeura prostré, l’œil dans le vague et la lippe baveuse. Ah, il était bien loin le temps où un jovial « Enchanté ! » soulignait benoîtement ses rumeurs stomacales ! À présent, il ne desserrait plus les lèvres – sauf pour y introduire le goulot de l’infâme picrate qu’une âme charitable déposait chaque jour, à son intention, dans un coin de la station de métro Brocéliande. Car c’est là, souvenez-vous, que nous l’avons laissé, en compagnie d’une Linda Graal « en position intéressante ». Il exultait, alors, si je ne m’abuse. À genoux sur le quai, il rendait grâce au Ciel d’avoir, en dépit des obstacles et des vicissitudes, permis que s’accomplît cet Œuvre Magistral : la conception de l’Élu.

Le revoyez-vous, tombant en pâmoison devant le ventre fécondé de l’ex-coiffeuse, tandis qu’entrait en gare la rame de neuf heures vingt-trois ? Rame dans laquelle Linda – reconnaissante, certes, mais pas au point de se laisser tripoter le bide par un clochard en proie au delirium tremens – s’empressa d’embarquer, avec un bref : « Tchao, papy, j’me tire ! À la prochaine ! », empreint de soulagement.

Or, depuis ce départ fatal, l’Enchanteur déchu déprimait. Que dis-je ? se délitait. Perdait pied. Glissait inexorablement vers les Abysses. À dire vrai, seule l’attente de son jaja quotidien l’empêchait de sombrer dans le néant absolu.

Je vous entends d’ici : « Que fait donc la police ? ». Laisser s’instaurer une telle situation n’est, en effet, pas dans ses habitudes. Les détritus humains, d’ordinaire, n’encombrent guère longtemps le pavé. On les ramasse et on les stocke dans un établissement idoine, hors de portée des électeurs que ce spectacle pourrait traumatiser (et changer, qui sait ? en abstentionnistes). Mais n’oublions pas que Merlin, grâce au sacrifice ultime de ses fées – de Vivi et Morgane plus précisément, Clochette s’étant désolidarisée du groupe, avec les conséquences que l’on sait –, jouissait d’une paix relative, due à l’ensorcellement du brigadier Damned, responsable de l’ordre dans le secteur.

Dès lors, n’ayant plus aucune raison d’être, l’Enchan-teur cuvait du matin au soir.

L’histoire eût pu s’arrêter là, sur cette vision déliquescente, et le livre que voici fût resté lettre morte. Par bonheur – et volonté expresse de l’auteur, bien décidé à rempiler de gré ou de force – les Facéties Divines stoppèrent le naufrage avant sa phase finale, et ce en la personne, à nouveau, de Linda. Démontrant de la sorte, si cela s’avérait encore nécessaire, que la destinée de la jeune femme était et resterait, de toute éternité, liée à celle du « plus grand Nécromant de l’Univers »