La Merveilleuse promesse

À cet instant, Pierre découvrit pourquoi les gens appelaient à l’aide en se sentant parfaitement impuissants à leurs fenêtres, au-dessous desquelles le niveau de l’eau était si élevé qu’ils auraient pu s’y tremper les mains. Deux enfants étaient tombés dans le béal en furie. Leur tête dépassait de l’eau quand elle n’était pas submergée pendant quelques instants. Ils semblaient s’être accrochés à un piquet métallique à cinquante centimètres des pales du moulin. Si leurs forces les abandonnaient, ils seraient happés par la roue géante et broyés dans le courant fou.

À trois mètres d’eux, dans l’eau jusqu’à la taille, une femme qui se tenait au volet d’une fenêtre tentait de les apaiser sans pouvoir les rejoindre en attendant un secours qui ne venait pas. Elle ne cessait de leur parler sans pouvoir les aider davantage, sans doute parce qu’elle ne savait pas nager ou que le courant était trop fort pour qu’elle puisse lui résister.

Tout en lui criant des directives que le vieil homme n’enten­dit ou ne comprit pas, Pierre jeta à Justin Ruet la chaîne de sa barque afin qu’il la retienne près de la sienne. Puis, d’un seul coup, il plongea dans l’eau froide en direction de la roue du moulin. Justin vit sa tête réapparaître à moins de deux mètres de celles des gamins.

Pierre se précipita vers eux. Il serra le premier dans ses bras. Le petit ne voulut pas lâcher le pieu métallique qui représentait sans doute pour lui sa seule chance de survie. Pierre lui parla avec douceur tout en lui écartant les doigts et en l’attirant à lui. En moins de deux secondes, il le hissa sur un muret qui se trouvait là comme si le destin avait souhaité apporter son aide. Le garçon était hébété. Ses yeux hagards semblaient ne rien fixer. Il les baissa juste pour voir son sauveteur empoigner son camarade, peut-être son frère – Justin Ruet avait cru reconnaître les deux fils du meunier Martial Lafay –, et le hisser au sec.