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"Elle accepte sans ambiguïté de l'aider dans sa quête de ce qu'ils appellent tous les deux des "MSP", c'est à dire... des "membranes sur pattes"...
Afficher en entierJeudi 26 juin 2003. Dinant (Belgique). 16 h 27. 22 °C (température ressentie 20 °C). Ciel dégagé, légers passages nuageux, rafales de vent de 23 km/h.
Mona Desmet, quatorze ans, presque quinze, embrasse son petit ami. Les deux adolescents se séparent. La jeune fille suit le garçon des yeux pour le voir disparaître à l’angle de la rue. Elle a hâte de le retrouver demain.
Afficher en entierÇa n’avance pas. Déménager à Dinant avec Françoise m’éviterait toute cette route et ces embouteillages. Cela impliquerait de quitter la périphérie de Charleroi et la maison qu’on a achetée voilà vingt-six ans, et c’est pour moi inenvisageable. On s’est installés là après notre mariage. À l’origine, c’est l’emplacement et le terrain qui nous avaient plu. Pour le reste, c’était juste une maisonnette. On l’a transformée au fil des années et avec l’arrivée d’Arthur et de Valentine. On a agrandi la cuisine, doublé le salon avec une véranda, aménagé le grenier en salle de jeux/dortoir pour les enfants et leurs copains, planté des arbres, des haies, des fleurs. Elle est le témoin de notre histoire familiale. Elle a suivi chaque évolution de notre vie. Et puis, j’ai passé vingt-quatre ans à Charleroi, j’y ai mes anciens collègues, pour ceux qui sont encore vivants, mes margoulins, mes gargotes, mes rades. Françoise enseigne dans l’école à un quart d’heure de chez nous, où sont scolarisés nos petits-enfants. C’est notre base, le lieu où je me replie, loin du bordel et de la violence que je me coltine tous les jours.
Afficher en entierMe voilà parti pour de bon. Ça ne m’est pas arrivé depuis combien de temps, de rentrer si tôt chez moi ? Dix ans ? Quinze peut-être ? Je ne sais plus. Je n’ai pas la mémoire des événements désagréables, sauf dans le travail.
Afficher en entierCe qui me tétanise, ce ne sont pas mes tocs, mais mon âge et mon délabrement avancé. Mon taux de cholestérol aggrave mon hypertension, ma sciatique me cloue certains jours au sol, mes hernies poussent plus vite que des champignons après la pluie sur le bas de ma colonne vertébrale. Je suis dans un état déplorable, une planche moisie, et je n’ai même pas cinquante ans. Quarante-neuf dans un peu plus de quatre mois. Au moins, j’ai déjà passé la barre fatidique des quarante-deux, il me reste une petite marge avant celle des soixante-cinq, qui me fout une trouille bleue. Malgré tous les assauts que j’ai pu mener, toutes les fusillades que j’ai essuyées, malgré l’éclat de balle toujours niché dans mon mollet droit, je n’ai jamais eu aussi peur que le jour de mes quarante-deux ans. C’est à cause de Régis, mon ami et ancien coéquipier. Le jour de ses quarante-deux ans, on était en planque pour une histoire de crime crapuleux, et il est tombé raide devant moi. Crise cardiaque. Ça m’a pétrifié, moins que lui, certes. Ça m’a assis, disons. Mourir en service, d’une bastos ou d’un coup de lame, d’accord, mais comme ça, au milieu du gué, ça ne me semblait pas possible, même pour Régis qui brûlait la vie par les deux bouts et à mille à l’heure. Il sortait, picolait, bouffait comme quatre, enchaînait les filles de passage – pas de passe, sauf cas de force majeure, pour obtenir une info. Il avait une hygiène de vie désastreuse, ce qui ne l’empêchait pas d’être un bon flic, un vrai flic. Un peu comme Ben. C’est sans doute pour ça que je l’aime bien, parce qu’il me fait penser à Régis, en plus jeune. J’espère qu’il ne mourra pas à quarante-deux ans. Ni à soixante-cinq, d’ailleurs. C’est l’autre barre fatidique : l’âge auquel mes deux parents sont morts. Je sais que c’est idiot, pourtant je crois que la génétique me condamne à ne pas franchir cet horizon.
Afficher en entierJamais je n’aurais imaginé rassembler mes affaires pour quitter le commissariat à 18 heures à peine passées. Pourtant, tout est en ordre. Le dossier de l’infanticide est prêt, ma déposition pour l’audition de la semaine prochaine aussi, Ben et Chris rédigent les derniers PV. Je n’ai plus rien à faire. Je pourrais essayer d’avancer sur le braquage de la bijouterie, mais à part passer une énième fois en revue les éléments dont nous disposons, ça ne fera pas progresser l’enquête, il n’y a rien eu de nouveau ni de significatif depuis plusieurs jours. Je peux donc partir. Vraiment.
Afficher en entierÀ 16 h 20, au commissariat de Beauraing, les policiers enregistrent la plainte de Louise Lemaire et appellent ses parents. Grâce à la plaque minéralogique, un Citroën C25 est identifié.
Son propriétaire est domicilié en Belgique, à Sart-Custinne, 18, rue de Vencimont. Il s’appelle Michel Fourniret.
Afficher en entierSoudain, la fourgonnette ralentit, s’immobilise. C’est le moment. Il n’y en aura peut-être pas d’autre. Elle retient son souffle, appuie sur le bouton noir, entrouvre la portière arrière, se faufile à l’extérieur, quelques secondes avant que son ravisseur ne redémarre. Il tourne à droite, la laissant hors de son champ de vision.
Afficher en entierAvec ses dents, elle tire sur le nœud du lacet qui lui emprisonne les poignets. L’homme a agi dans la précipitation, il n’a pas assez serré, elle réussit à le délier. Sa mâchoire lui fait mal. Grâce à ses bras et ses mains libérés, elle vient à bout de la corde lui entravant les pieds. Malgré le ronronnement du moteur et la cloison qui la protège du conducteur, elle reste prostrée comme si elle était toujours ligotée. Sans faire de bruit, presque sans respirer, avec des mouvements très lents, elle défait la dernière corde accrochée à sa ceinture.
Afficher en entier26 juin 2003. Ciney (Belgique). 15 h 03. 24 °C (température ressentie 21 °C). Ciel dégagé, légers passages nuageux, rafales de vent de 25 km/h.
Louise Lemaire, treize ans, rentre à pied chez elle. Cartable sur le dos, débardeur rose clair, pantalon noir et baskets, elle s’engage dans une rue à quelques pâtés de maisons de la gare.
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