Extraits

Il n’y a pas de gloire à piétiner un vaincu.

"[...] son style de conduite assez personnel avait une nette tendance à raccourcir les distances."

- Désolé, fit-il en braquant ses yeux d'un bleu glacier dans les siens. Je crois que j'ai surestimé ma force...

- Et ta modestie, tu la surestimes aussi ?

- Les fameuses... disparitions de ceux qui contrarient les de Chânais ?

- Tu es au courant ?

- disons qu'après un certain week-end, j'ai jugé prudent de me renseigner sur ta famille.

- Nous ne les tuons plus, tu sais.

—Il a descendu son pantalon au milieu du bar en disant que si ça nous chantait, on pouvait toujours lui donner un bocal pour qu’il pisse dedans et qu’on fasse ensuite faire une analyse avec ce qu’on aurait recueilli…

—Oh non, non, pitié, dites-moi que je fais un cauchemar et que je vais me réveiller… Il n’a pas fait ça ?

—Ben… si.

—Même qu’il avait une de ces triques… intervint une voix goguenarde et indéniablement féminine depuis le bar.

—En fait, ajouta une autre voix, tout aussi féminine et franchement hilare. C’est par jalousie qu’ils l’ont tasé.

—Oui, ils ont eu du mal à supporter la concurrence, renchérit la troisième serveuse. Mais en ce qui nous concerne, il recommence quand il veut !

—Ben oui, soupira Yvon en écartant les mains d’un geste impuissant. Elles étaient là, elles ont tout vu, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles ont apprécié le spectacle…

—Oh, Yvon, ne fais pas ton ronchon… C’est pas tous les jours qu’on a droit à un strip-tease avec un aussi beau modèle en lice…

—Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça… gémit comiquement l’interpellé. Non seulement je suis à la tête du seul bar de France qui se fait régulièrement dévaster par le même fou furieux bagarreur et exhibitionniste à ses heures perdues, mais en plus, j’ai hérité des trois serveuses les plus délurées de la planète…

—Oh, Yvon chéri, minauda l’une d’elles en battant exagérément des cils et en lui envoyant un baiser du bout des doigts. Nous sommes aussi les meilleures…

—Les plus drôles… ajouta sa voisine.

—Les plus intelligentes… conclut la dernière du trio.

« Encore une qui te regarde comme ça et je ne réponds plus de rien, siffla Yseult entre ses dents tandis qu’une énième employée se mettait à son avantage sur leur passage.

-Je ne les regarde même pas.

-Tu as intérêt, sinon, je t’arrache les yeux, et elles, je les réduis en bouillie.

-J’aime ton côté sauvage, ma princesse… »

Yseult allait répliquer, mais Aymeric la fit taire d’un baiser qui suscita bien des jalousies.

-Tu vas me le dire, à la fin, ce que vous mijotez ? se fâcha Yseult.

-Non. Tu verras, tu me remercieras après, parce que tu vas vraiment, vraiment bien t’amuser.

-Et toi tu vas vraiment, vraiment dormir par terre !

-Ce ne sera pas la première fois que mon loup dormira par terre.

-Pour les six mois à venir. Au moins.

-Tu me ferais ça ? A moi qui t’aime et te vénère par-dessus tout, à moi qui donnerait ma vie sans hésiter pour seulement un sourire, un regard de toi ? »

Tout en parlant, Aymeric avait pris la jeune femme dans ses bras et lui embrassait le cou et le visage. Elle essayait en vain de se dégager, mais il était bien plus fort qu’elle, et rien n’aurait pu lui faire desserrer l’étau de son étreinte, et pour ne pas arranger les choses, elle riait à perdre haleine.

« Alors ? Je suis pardonné ? murmura-t-il après un dernier baiser.

-Pour cette fois. Et si tu fais la vaisselle après le café.

-Oh, toi, tu fréquentes trop Blod…

-Je n’ai pas encore parlé de tablier à fleurs, que je sache. »

Prudemment, Aymeric préféra battre en retraite et commença à entasser la vaisselle sale dans l’évier tandis qu’Yseult s’asseyait avec son café, imitée plus lentement par Adam, absolument ahuri de voir l’impressionnant loup-garou obéir à sa nièce si frêle et se charger de la vaisselle.

Aymeric se leva et se dirigea vers le lavabo présent dans la cellule pour se laver. Il en profita pour enlever le sang séché autour de ses poignets et de ses chevilles, tandis qu’Yseult admirait sans vergogne la vue qu’il lui offrait.

« Tu fais quoi, dans mon dos ? lança le loup-garou, soupçonneux.

-Je me rince l’œil.

-Dévergondée…

-Quoi ? J’ai des yeux, c’est fait pour voir.

-Au secours, j’ai l’impression d’entendre Blod quand elle rentre ʺpar erreurʺ dans nos vestiaires au gymnase du château ! »

Il ne fallut que peu de temps au jeune homme pour atteindre la ville voisine. Non pas qu’elle fût particulièrement proche, mais son style de conduite assez personnel avait une nette tendance à raccourcir les distances. Il arrêta sa machine devant un bar situé dans le quartier chaud de la ville, examina d’un air résigné la baie vitrée brisée, repéra la voiture garée le long du trottoir –et dont le capot était incrusté dans le moteur –puis poussa un soupir de martyr avant de franchir ce qui restait de la porte d’entrée.

Il ramena en retour le chant d’un loup solitaire, rejoint peu à peu par d’autres hurlements. Puis de furtives silhouettes se rejoignirent au centre d’une clairière afin de lancer vers la lune un concert qui, de tout temps, avait fait frémir le cœur des hommes.