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— Tu penses être amoureuse de moi, murmura-t-il.

Il se détestait de ne pouvoir lui dire la même chose, car il savait que ça ferait du mal à sa compagne. Il lui caressa de nouveau les cheveux.

— Je ne connais pas ce sentiment, ma belle, avoua-t-il.

Le cœur de Taryn se brisa. Le pauvre, il disait la vérité : il ignorait ce qu’était l’amour. Il n’en avait jamais eu d’exemple, au cours de sa vie et, à cause des choses qu’il avait pu faire, il se croyait incapable de ressentir une telle chose. Il n’avait été qu’un gamin lorsqu’il s’était hermétiquement fermé au monde, un gosse qui refusait de laisser les paroles et les coups de son père continuer à le blesser. Mais se verrouiller de la sorte si jeune avait ralenti son développement émotionnel, et, à cet égard, il était pour ainsi dire immature. Et c’était ce qui le privait des outils qui lui auraient permis de défaire le nœud qui le faisait souffrir.

Il était comme un enfant face à une équation mathématique complexe : il y avait trop de facteurs, de variables et de notions qui lui étaient inconnus pour qu’il comprenne.

— L’amour, c’est donner à quelqu’un le pouvoir de te détruire totalement, en espérant qu’il ne le fera pas.

Trey prit le visage de Taryn dans ses mains et lui caressa la lèvre inférieure du pouce.

— Je ne te ferais jamais de mal à dessein. Jamais. Je suis un homme, ça veut donc dire que je vais merder régulièrement. Je ne suis pas doué avec les mots, quand je suis en colère je gueule et je dis n’importe quoi, et j’ai à peu près autant de fibre romantique qu’un caillou. Mais… tu vois, quand je te dis que je ne suis pas doué avec les mots ? Je veux simplement te dire que tu comptes pour moi d’une manière que je n’arrive pas à comprendre ou à expliquer. Tu comptes plus que n’importe quoi d’autre au monde.

Elle se dit qu’elle pouvait se contenter de ça, parce qu’elle n’avait même pas osé espérer qu’il ait des sentiments pour elle.

— Idem, dit-elle. 

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— Tu sais, Brodie, tu es comme une MST : personne ne veut de toi, tout le monde te déteste, et tu nous rappelles à tous les conséquences désastreuses que peut avoir un rapport non protégé.

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"Elle ne pouvait occulter le fait qu'elle souffrait du syndrome de la MTP - mémoire toute pourrie - mais là c'était différent".

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Oh, non. Tu m’as laissé franchir toutes les barrières, tu t’es complètement offerte à moi, et je refuse de te lâcher maintenant. Tu m’appartiens, entièrement.

— Ça marche dans les deux sens, Pierrafeu, rétorqua-t-elle sèchement. Toi aussi, tu m’appartiens.

Il arbora un sourire en coin, ravi de son ton possessif.

— Et rien qu’à toi, pour toujours, ma belle.

— Parfait. Alors prouve-le : baise-moi encore.

Incroyable.

— Pour la dixième fois : il faut que tu dormes.

— Il paraît que je dois écouter ce que me dit mon corps de femme enceinte. Et mon corps me dit qu’il a envie de jouer à cache-cache avec Pedro.

Trey poussa un long soupir affligé.

— Tu vois ? Tu es une vraie nympho.

— Il faudrait savoir, Trey ? Tu veux combler ton âme sœur, oui ou non ?

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"Tu es comme une MST : personne ne veut de toi, tout le monde te déteste, et tu nous rappelles à tous les conséquences désastreuses que peut avoir un rapport non protégé."

Taryn Warner

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— Taryn…

Elle brandit la main, le faisant taire.

— Écoute, ton manque absolu d’enthousiasme prouve bien qu’il faut que tu te lâches un peu. Tu aurais appris à le faire quand tu étais jeune si tu n’avais pas passé presque toute ton adolescence à la tête d’une meute. L’heure est venue de rattraper le temps perdu. Tu ne te rends pas compte que tu es passé à côté d’une étape cruciale dans ton développement personnel ?

Il fronça les sourcils.

— Ça va, je n’ai pas trop mal tourné.

— Quand je parle de développement personnel, Trey, je parle de ton caractère. Pas de tes

érections.

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-Tu veux savoir ce que je crois mémé?

Alors écoute bien. Je crois que tu te comportes en reine de saba parce que tu es la grand mère de Trey. Et pour toi, je suis une menace, je remets ta petite vie en question, et tu n'aimes pas ça. Et bien tu sais quoi, Greta? Si tu penses que je vais trembler devant une petite vieille ratatinée qui date tellement que même ses rêves doivent être en noir et blanc, tu vas être méchamment déçue.

J'ai conclu un accord avec Trey et je resterai ici le temps d'honorer ma part du contrat.

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Trey venait de raccrocher lorsqu'il entendit un fracas terrible. Surpris, il lâcha un juron avant de se précipiter dans la cuisine. Il y fit irruption et ne put que contempler la scène devant lui, hébété. Selma était étendue par terre, dans une position des plus disgracieuses. A en croire la traînée de sang qui était clairement visible, sa tête avait heurté le mur. Tous les loups attablés s'étaient levés et contemplaient Selma, les yeux ronds. Quant à Taryn ... eh bien, elle était tranquillement appuyée au plan de travail et mangeait un morceau de bacon. A la voir, on n'aurait jamais deviné qu'une autre femme se vidait de son sang sur le carrelage en geignant faiblement.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, bordel ? s'exclama Trey.

Taryn le regarda l'air parfaitement sereine.

- Elle est tombée.

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Cette conne était si peu naturelle qu'elle devait sûrement avoir le cul estampillé « Made in China ».

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Merde, mais qu’est-ce que c’est que cette odeur ?

Ce n’était pas une odeur désagréable, songea Taryn en s’éveillant doucement, les paupières trop lourdes pour qu’elle ouvre les yeux. Mais elle n’aurait pas dû la sentir dans son lit, c’était certain. Son cerveau ensommeillé parvint à lui souffler trois informations. Premièrement, il s’agissait du parfum d’une personne et il était tout à fait délicieux : fraîcheur du pin, pluie de printemps et bois de cèdre.

Ensuite, ce bouquet tout à fait séduisant provenait d’un homme. Enfin, cet homme était un métamorphe, un loup. Comme elle. Or Taryn Warner n’était pas femme à faire entrer des mâles en douce dans la tanière de sa meute, même s’ils sentaient divinement bon.

Réussissant à soulever une paupière pesante, elle observa discrètement le lit dans lequel elle était

étendue. Ses soupçons furent aussitôt confirmés : le mystérieux inconnu était parti depuis longtemps.

Elle tourna la tête, surprise de la trouver aussi lourde, et consulta son radio-réveil. Du moins, elle l’aurait consulté s’il n’avait pas disparu. Tout comme sa table de chevet. Elle se rendit subitement compte qu’elle reposait sur des draps de soie qui n’étaient pas du tout les siens.

Elle s’assit brusquement sur le lit et lâcha un juron. Eh non, Taryn n’était pas dans sa chambre.

D’ailleurs, elle n’était même pas chez elle. Examinant son environnement avec méfiance, elle

écarquilla les yeux, saisie par le luxe qui l’entourait mais aussi par le fait qu’elle semblait se trouver dans une grotte. Une grotte ?

Mais pas une caverne de l’Âge de pierre, attention. Loin de là, même. Les parois étaient claires, d’un grès couleur crème, et parfaitement lisses à l’exception de quelques niches aménagées ici et là

pour servir d’étagères. Le sol était recouvert d’un tapis écru qui avait l’air particulièrement doux. Une armoire à trois portes au style plutôt masculin et de larges commodes à tiroirs en chêne sombre étaient visibles, assorties à la tête de lit ; un lit plateforme de taille impressionnante, qui était installé sous une arche sculptée dans la roche. Le tout avait une allure d’alcôve très cosy, mais pas assez pour que

Taryn se réjouisse de cette situation inquiétante.

Même si la louve en elle était aux aguets, elle n’était ni nerveuse ni angoissée. Taryn ricana. Cette crétine de louve n’avait même pas le bon sens de s’inquiéter en se réveillant dans un endroit inconnu, qui en plus était une foutue grotte, sans le moindre souvenir de comment elle était arrivée là. Parfois,

Taryn se disait que ce n’était pas plus mal qu’elle soit latente.

Alors… Est-ce qu’elle était sortie avec Shaya et avait fini la soirée dans les bras d’un type qui l’aurait ramenée chez lui ? Ça ne lui semblait pas très plausible. Elle ne se rappelait pas avoir prévu de soirée, et encore moins s’être aventurée en ville. De plus, en tant que guérisseuse de sa meute, elle devait rester joignable en permanence ; donc, se soûler au point d’en perdre la mémoire était hors de question pour elle. Accessoirement, Taryn était habillée de la tête aux pieds. Une tenue ordinaire, pas du tout ce qu’elle aurait choisi de porter pour une virée en boîte. Et elle ne sentait l’odeur du sexe nulle part ni sur son corps ni dans le lit.

Quelle était la dernière chose dont elle se souvenait ? Malgré le brouillard qui régnait dans sa tête, elle se rappelait être allée au cybercafé, aux alentours de midi. Mais elle ne se souvenait pas du tout y

être arrivée. Bien sûr, elle ne pouvait occulter le fait qu’elle souffrait du syndrome de la MTP –

mémoire toute pourrie –, mais là c’était différent. C’était comme s’il y avait vraiment un trou noir à la place de ses souvenirs.

Taryn inhala profondément pour faire le tri dans les différentes odeurs flottant dans l’air. Elle ne détecta que deux personnes, en dehors d’elle-même et du loup qui sentait si bon. Un autre homme et une femme. Des métamorphes, eux aussi, des loups que Taryn ne connaissait pas. Cela lui confirmait au moins qu’elle n’était pas tombée dans les sales pattes de Roscoe, ce sale con d’Alpha qui se foutait pas mal que Taryn soit farouchement opposée à ce qu’il la revendique. En l’occurrence, le père de la jeune femme semblait s’en balancer au moins autant ; il était sûrement trop occupé à essayer de bâtir une alliance avec la meute de Roscoe. Et si, pour ça, il fallait marchander sa propre fille, il le ferait avec joie.

Taryn aurait aimé pouvoir dire que c’était uniquement parce que l’alliance était indispensable.

Mais non. Son père avait déjà quantité de meutes alliées. S’il cherchait à se débarrasser de son enfant unique, c’était parce qu’elle était latente. Il prenait cet état de fait comme une atteinte à sa fierté, une aberration inadmissible dans sa lignée. Puisqu’il était responsable de sa conception, Taryn était pour lui une faiblesse. Son existence remettait en question la grandeur de son père, devant sa meute. En tout cas, c’était ainsi qu’il voyait les choses. Si elle ne devait jamais quitter cette espèce de grotte étrange, elle savait qu’il ne prendrait pas la peine de déclencher une alerte enlèvement pour ses beaux yeux.

Taryn repéra des rideaux beiges et rejeta les couvertures pour se lever du lit. L’espace d’un instant, elle fut prise d’un vertige et tangua sur ses jambes. Merde, mais qu’est-ce qui lui arrivait ?

Chancelante, elle progressa jusqu’aux rideaux et les ouvrit péniblement. Elle découvrit une grande baie vitrée, qui était malheureusement verrouillée. Elle vit aussi que ce n’était pas du tout le matin, mais plutôt la fin de l’après-midi. Est-ce que ça signifiait qu’elle n’avait pas passé la nuit dans cet endroit, qu’elle ne s’y trouvait que depuis quelques heures ? Ou au contraire, qu’elle avait dormi comme une masse ?

Elle fut si ébahie par la vue qui s’offrait à elle qu’elle en tomba presque à la renverse. La plupart des meutes avaient des tanières bâties selon le même modèle : un luxueux chalet au centre du complexe, entouré par un nombre d’autres habitations plus ou moins importantes. Certains installaient même leurs pavillons en haut de falaises. Mais là, Taryn comprit qu’elle n’était pas au bord d’un précipice mais dans la falaise même. Elle vit des balcons abrités sous de grandes voûtes et des marches taillées dans la roche lisse menant à différents niveaux. Le tout était éclairé et lui évoqua un mélange entre un complexe troglodyte ancien et Caillouville, l’antre des Pierrafeu.

Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

En contrebas, elle vit de l’herbe. Et ensuite, encore plus d’herbe. Puis une forêt immense. Donc, d’après ce qu’elle avait découvert jusque-là, Taryn se trouvait dans un réseau de cavernes colossal, au milieu de nulle part. Elle avait déjà entendu parler de grottes aménagées en logements ou même en hôtels, mais elle n’aurait jamais imaginé une ambiance aussi chaleureuse et contemporaine. Quelque chose lui disait qu’elle était toujours en Californie, mais aussi que le taxi pour rentrer allait lui coûter les yeux de la tête. Ce qui tombait d’autant plus mal que son sac semblait avoir disparu. Cela dit, son ravisseur avait l’air plein aux as. Si tout ça était une blague, elle ne la comprenait vraiment pas.

Elle tenta de dompter un tant soit peu le fléau de son existence, ce fardeau capillaire qui refusait de choisir une teinte de blond et de s’y tenir, et se dirigea vers la porte d’un pas encore mal assuré.

Elle aurait pu se montrer prudente si elle n’avait pas été aussi désorientée, agacée et groggy. De toute manière, elle se dit que, si ces loups avaient eu dans l’idée de lui faire du mal, ils l’auraient déjà fait au lieu de la laisser dormir sur un lit moelleux, dans une chambre aussi somptueuse.

Elle voulut actionner la poignée, mais découvrit avec horreur et frustration que la porte était fermée à clé. À clé ?

— Hé ! cria-t-elle en cognant bruyamment sur le panneau de bois. (Aucune réponse.) Il y a quelqu’un ? hurla-t-elle ensuite.

Toujours rien.

En résumé, elle était dans un endroit inconnu, un brin louche, entourée de loups qu’elle ne connaissait pas, et elle était enfermée ? Là, voilà : sa louve était furieuse. Se trouver confiné dans un espace clos suffisait à énerver n’importe quel métamorphe.

— Hé ho ? C’est votre prisonnière qui vous parle ! Ouvrez cette putain de porte !

Taryn entendit un petit rire, puis une clé tournant dans la serrure. La porte s’ouvrit lentement. Elle se retrouva nez à nez… enfin, nez à torse avec ce qu’elle n’aurait pu décrire que comme une montagne ambulante. Un loup, lui aussi. En voyant le petit sourire en coin malicieux qu’il arborait, elle haussa un sourcil. Que pouvait-il donc trouver de si amusant ?

— Tu es réveillée. Bien.

— Dis-moi, quel est ton nom, gentil nain ?

Non, ce n’était pas du tout le moment de faire des blagues. Mais Taryn était une connasse, une accro du sarcasme, et quand elle avait les nerfs, elle ne pouvait plus contenir ses pulsions ironiques.

Le sourire du loup s’élargit.

— Mon Alpha veut te parler.

— Et qui est ton Alpha ?

Il lui adressa un clin d’œil.

— Suis-moi.

Encore un qui aimait rouler des mécaniques. Taryn leva les yeux au ciel et le suivit. Ils empruntèrent un tunnel qui s’enfonçait plus profondément dans la falaise. Elle aperçut plusieurs autres corridors, partant de celui qu’ils arpentaient, et comprit qu’il s’agissait en réalité d’un réseau de boyaux. Le tout lui faisait penser à une fourmilière géante. Comme celles de la chambre, les parois claires étaient si lisses qu’elles avaient l’air soyeuses. La louve de Taryn devenait complètement folle ; l’environnement étranger et les odeurs inconnues lui donnaient envie d’explorer les lieux, et elle le faisait savoir à Taryn.

— Ça t’embêterait de me dire où je suis ? lança-t-elle.

— Tu le sauras bientôt, répliqua-t-il d’un ton traînant.

— OK, alors un petit indice sur comment je suis arrivée ici ? rétorqua-t-elle sèchement.

— L’Alpha va tout t’expliquer.

Elle ne put retenir un grognement qui sembla amuser l’inconnu.

Ils arrivèrent bientôt à une grande porte noire. La Montagne sur Pattes l’ouvrit pour permettre à

Taryn d’entrer dans une grande cuisine ouverte. Étonnamment moderne, au style soigné, elle mariait placards en chêne, plan de travail en marbre noir et électroménager chromé. Au centre de ce grand volume trônait une longue table de chêne, autour de laquelle une poignée de métamorphes étaient vaguement regroupés. Toutes les têtes se tournèrent vers Taryn, et l’attroupement se dispersa, révélant l’homme assis en bout de table. La jeune femme en resta bouche bée.

Nom de Dieu. Trey Coleman.

Elle sut alors qu’elle n’était pas venue dans cet endroit de son plein gré. Même si elle sortait s’amuser et finissait complètement soûle, il n’existait pas assez d’alcool en ce bas monde pour lui faire oublier que ce type était un grand malade. Il était comme un serpent, un mamba noir : agressivité

surdéveloppée, mauvaise réputation, il était respecté, admiré et redouté à la fois. En grande partie à

cause de la rumeur qui disait que, à peine âgé de quatorze ans, il avait défié et presque tué un mâle alpha en pleine maturité. Un Alpha qui se trouvait être son père.

Si ce que Taryn avait entendu dire était exact, Trey avait été banni au lieu d’être élevé à la place du mâle vaincu. Cela avait provoqué la scission de sa meute : tous ceux qui l’avaient estimé spolié

étaient partis avec lui. Ensemble, ils avaient fondé leur propre meute, dont Trey était l’Alpha.

Quelques combats avec d’autres meutes leur avaient permis de conquérir un territoire. Et, à ce jour,

Trey demeurait invaincu… certainement parce que son loup avait tendance à entrer en frénésie lors des duels. Et voilà avec qui Taryn se retrouvait. Elle eut la très nette impression que le cosmos gloussait discrètement derrière son dos, content de sa petite blague.

Étant donné qu’elle était en compagnie… ou plutôt en détention chez un homme qui n’était pas réputé pour sa stabilité mentale, Taryn commença à ressentir une certaine inquiétude, en plus de la colère. Et on aurait pu imaginer que sa louve serait dans le même état d’esprit… mais non ! Celle-ci n’avait qu’une envie : aller se frotter langoureusement contre ce mâle, dont elle avait senti l’odeur si alléchante dans la chambre. Quelle traînée !

D’accord, Taryn admettait que le psychopathe sanguinaire en question était super sexy. Son expression renfrognée et son regard perçant d’un bleu arctique ne faisaient que renforcer son sexappeal. Son tee-shirt moulant soulignait avantageusement ses épaules larges, ses pectoraux imposants et ses abdos taillés dans le roc. En un mot, il était ultra bien foutu. D’habitude, Taryn ne goûtait pas particulièrement le style highlander, colosse sauvage à peine descendu de sa colline, mais elle ne put s’empêcher d’admirer ce physique. Pour couronner le tout, son corps et sa louve réagissaient très favorablement à la puissance qui émanait de Coleman, formant presque une aura électrique autour de lui. Il dégageait une autorité naturelle, qui lui était comme une seconde peau. Son regard dur, glacial et pénétrant aurait dû contrarier Taryn, mais au lieu de ça il lui donnait plutôt des palpitations. Et ce regard était soudain affamé, luisant d’un appétit qui surprit la jeune femme autant qu’il la ravit. Sa louve poussa un grognement excité, et le désir primaire qui l’étreignit alors fut si intense qu’il en fut presque douloureux.

Merveilleux. Peut-être qu’elle était en train de développer un petit syndrome de Stockholm ?

En tout cas, cette attirance insensée ne pousserait pas Taryn à réagir comme sa louve et ses hormones lui hurlaient de le faire. Et comme bon nombre d’autres femelles le faisaient souvent, à en croire la réputation de tombeur de Coleman. Le père de Taryn aussi était du type rude, brun ténébreux et dangereux, et il était le pire casse-couilles qu’elle ait connu. Sans rien laisser paraître de son admiration pour ce beau spécimen de mâle dominant, elle répondit à son regard d’Alpha avec le sien.

Elle était peut-être latente, mais c’était tout de même une femelle alpha.

Trey observait avec curiosité la jeune femme qui se tenait devant lui. On lui avait dit qu’elle était latente ; si on ajoutait à ça son tout petit gabarit, le fait qu’elle était loin de sa meute et qu’elle se retrouvait face à lui, eh bien au final elle aurait en toute logique dû avoir l’air d’une biche apeurée.

Mais il ne détecta aucune trace de peur dans son expression, alors qu’il s’était attendu à ce qu’elle exsude la crainte. Au lieu de ça, elle était dans une rage noire. Il avait dû s’habituer à l’odeur de la peur, car ce changement le déstabilisa légèrement.

Il constata aussi qu’une érection particulièrement carabinée commençait à le faire souffrir.

L’envie et le désir pulsaient dans ses veines, bataillant contre son self-control. Cette femme n’était pas d’une beauté ostentatoire, comme l’étaient certaines « jolies filles » , mais plus naturelle. Elle

était mince, mais pouvait se vanter de courbes qui mettaient l’eau à la bouche de Trey et faisaient naître tout un tas de fantasmes variés dans sa tête. Ce fut sa bouche qui retint le plus son attention. Ses lèvres étaient pulpeuses, charnues, et ne pouvaient que provoquer des pensées impures. Mais ces lèvres formaient une ligne sévère, qui exprimait bien l’indignation. Cependant, l’air n’empestait toujours pas la crainte. Peut-être ne l’avait-elle tout simplement pas reconnu.

— Est-ce que tu sais qui je suis ?

Taryn roula des yeux furibonds.

— Si on laissait tomber le petit laïus pour en venir directement au fait : comment je me suis retrouvée ici ? Et surtout : qu’est-ce que je fous là, Coleman ?

Tous les loups présents se raidirent, et un silence gêné tomba sur la cuisine. À l’évidence, ils s’attendaient tous à ce que leur Alpha explose. Ah oui ? Eh bien, Taryn en avait ras le bol des mâles dominants qui cherchaient à l’intimider. Ras-le-bol de tous ces petits amis convaincus que, puisqu’elle était latente, Taryn devait être soumise et effacée. Ras-le-bol de son père, qui essayait de lui imposer une union avec un Alpha minable qui était si déterminé à la prendre pour compagne qu’il l’avait coincée et mordue sans sa permission. Depuis, il était persuadé de l’avoir marquée et qu’elle lui appartenait. Et voilà que le psychopathe de service l’avait, manifestement, kidnappée. Alors, oui, la ligne blanche était franchie.

Trey sourit intérieurement face à ce tempérament. On lui avait dit et redit qu’il était très intimidant. Toute sa vie, même avant qu’il ne se forge une réputation, les gens s’étaient méfiés de lui, ce qui l’avait toujours un peu agacé. Sa grand-mère jugeait que c’était à cause de la mine sévère qu’il arborait sans arrêt et de sa puissante aura d’Alpha.

Mais cette fille-là ne se faisait pas toute petite devant lui, ne baissait pas les yeux face à son regard intense. Parce qu’il le savait, son regard devait être difficile à soutenir : Trey était tellement concentré

sur la moindre courbe de ce joli petit corps que ça aurait dû suffire pour que Taryn détourne les yeux, affiche des signes de malaise ou lui adresse une moue réprobatrice. Mais elle ne cillait même pas. Au lieu de ça, elle lui rendait son regard perçant avec défiance, et il se dit que, peut-être, il venait de rencontrer quelqu’un pouvant le battre à ce petit jeu. À l’évidence, elle avait l’habitude d’être provoquée, sans doute parce qu’elle était latente. Sa nature rebelle plaisait au loup de Trey, qui n’avait aucun respect pour les vierges effarouchées. Il était prêt à parier qu’elle avait un sacré caractère.

Par instinct, il inspira profondément pour explorer l’odeur de cette jeune femme, comme il le faisait chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un pour la première fois. Putain. Un bouquet exotique mêlant noix de coco, citron vert et ananas le heurta de plein fouet et se répercuta aussitôt jusque dans sa queue raidie, qui eut un soubresaut. Son loup grogna pour signifier son excitation et réclama d’en savoir plus sur cette femelle à l’odeur si alléchante.

— Et si tu t’asseyais ? proposa Trey en désignant la chaise en face de lui.

Cette attirance très forte serait un atout si Taryn acceptait son offre.

Taryn aurait aimé décliner cette invitation, mais ça aurait donné l’impression qu’elle était intimidée. Elle ne pouvait pas se permettre le moindre signe de faiblesse. Une fois assise, elle répondit.

— Tu étais sur le point de m’expliquer ce qui se passe.

Si elle n’avait pas été tellement désireuse d’avoir des réponses, elle aurait certainement évité

d’adresser la parole à Coleman. Sa voix rugueuse, éraillée, caressait ses sens et avait presque réussi à

la faire frémir.

— Mon Beta et mon Premier lieutenant t’ont amenée ici, il y a quelques heures.

— Quoi ? Pourquoi ? Et comment ont-ils pu me convaincre de les suivre ?

— Ils t’ont droguée.

Taryn en resta bouche bée. Ce mec ne montrait pas une once de remords et expliquait tout ça avec beaucoup trop de légèreté à son goût.

— Tu veux bien répéter ça ?

— Au café. Ensuite tu es partie, et pendant que tu rentrais chez toi, la drogue a commencé à faire effet. Dante et Tao t’ont embarquée et amenée ici.

— Si ça peut te consoler, intervint la Montagne sur Pattes, tu nous as quand même combattus comme une panthère, Tao et moi, avant de partir faire un somme au pays des fées.

Il souleva son tee-shirt pour révéler les traces de griffures qui lui barraient le torse. Mes griffures, comprit Taryn. Même si elle était latente, la jeune femme pouvait se transformer partiellement. Elle constata que le Beta avait l’air plus amusé que courroucé.

— « Panthère » , c’est un euphémisme. Personne n’arrive jamais à laisser sa marque sur notre

Beta, intervint un grand loup au teint mat.

Taryn déduisit qu’il s’agissait de Tao, son second ravisseur. Il avait une carrure athlétique et des cheveux couleur chocolat, et était déjà plus son genre. Malheureusement, sa louve n’était pas du tout d’accord, et avait plutôt un faible pour le Psychopathe.

— OK, et le but de l’opération « Louve droguée à domicile » c’était quoi exactement ? demanda-telle d’un ton qui indiquait clairement qu’aucune réponse ne lui ferait plaisir.

Le sourire intérieur de Trey finit par affleurer. Cette fille serait parfaite pour ce qu’il avait en tête.

Mais pour en être absolument sûr, il allait devoir commencer par lui raconter de jolis mensonges : il le fallait, s’il voulait vérifier son intuition.

— Roscoe Weston, dit-il.

La louve de Taryn grogna aussitôt.

— Quoi, Roscoe ? répondit-elle.

— Il a quelque chose que je veux. Une chose qu’il me doit.

— Ah. Et maintenant, tu penses détenir toi aussi quelque chose qu’il désire, et pouvoir bricoler une espèce d’échange, comprit-elle.

Décidément, elle avait la poisse. Voilà qu’elle se retrouvait prise au beau milieu d’une guéguerre entre Alphas.

— Ce n’est pas tout à fait ça, rectifia Trey. Tu vas plutôt me servir à lui rappeler qu’il a une dette envers moi. Et que je ne suis pas patient.

Taryn ne l’était pas davantage. Et elle digérait assez mal d’avoir été droguée et enlevée. Mais estce que ça intéressait qui que ce soit ? Non. Les gens avaient pour habitude de l’imaginer délicate, peureuse, docile. Peut-être était-ce parce qu’elle était latente ou bien à cause de sa petite stature ?

— Écoute mon pote, chez toi c’est peut-être tout à fait acceptable de shooter une fille pour la ramener à la maison, mais je te garantis que chez moi ça ne se fait pas.

— Dès que Roscoe arrivera, tu pourras partir.

Cette réponse ne la fit pas sauter de joie, au contraire. Une partie de Taryn voulait pester, vociférer. Mais à quoi bon ? Ils la renverraient croupir dans la chambre, et ça la rendrait dingue, tout autant que sa louve. De plus, elle était convaincue qu’il valait toujours mieux avoir ses ennemis à

l’œil, littéralement.

— Est-ce que tu l’as déjà appelé ? vérifia-t-elle.

— Il ne va pas tarder, mentit Trey, qui n’avait pas contacté Roscoe et n’avait aucune intention de le faire.

— Bon, alors est-ce que la prisonnière peut avoir un café, en attendant ? demanda Taryn, à la cantonade.

Outre le Psychopathe, Dante et Tao, quatre autres loups se trouvaient dans la cuisine. Un baraqué

aux sourcils froncés, avec une coupe à ras, style militaire ; un blond sublime au teint caramel ; un grand brun aux boucles noires en désordre et au sourire de clown, et enfin un type bourru, un malabar

à l’air rude arborant des cicatrices en forme de griffures sur la joue. Taryn se dit qu’elle allait logiquement les baptiser Grincheux, Blondinet, Rictus et Malabar.

Exception faite de Dante, qui semblait étrangement fasciné par ce petit bout de femme qui avait réussi à le griffer, personne ne semblait se réjouir de la présence de Taryn. Elle présuma que c’était parce qu’ils n’appréciaient pas beaucoup son père. Ce qui était plutôt normal. Même le loup au large sourire avait l’air intrigué, plutôt qu’amical : elle sentait qu’il affichait ce sourire en permanence. À

moins qu’il ne fût en train d’imaginer ce que ça ferait d’égorger Taryn et d’offrir sa tête à son connard de père, avec un joli ruban dessus ? Son père. Son arrogance, son machiavélisme et sa manie de se comporter comme si le monde lui appartenait et comme s’il pouvait faire tout ce qui lui chantait lui valaient de se faire des ennemis aussi aisément qu’il nouait des alliances. D’ailleurs, même ceux qui se liaient à lui ne le faisaient que pour profiter de son influence, ce n’était que pure politique.

En réponse à la demande de la jeune femme, Trey adressa un hochement de tête à un Marcus souriant. Celui-ci alluma la cafetière et sortit une tasse d’un placard. L’Alpha observa Taryn, la tête légèrement inclinée sur le côté.

— Tu n’es pas du tout comme je t’avais imaginée, tu sais, dit-il.

— Ah non ? répliqua-t-elle platement.

— En général, Roscoe préfère les idiotes soumises.

Taryn était blonde, mais n’avait rien d’une bimbo. Impossible de ne pas voir l’intelligence

évidente qui animait ses yeux d’un gris ardoise.

— C’est amusant comme notre âme sœur peut être à l’opposé du genre de femme qu’on apprécie, continua-t-il.

— Je ne suis pas son âme sœur, rétorqua-t-elle avec plus de mordant qu’elle n’aurait voulu.

— Si tu n’as pas encore trouvé ton âme sœur, pourquoi t’unir à un autre ? Ce n’est pas comme si tu n’avais plus le temps de chercher. Tu ne dois pas avoir plus de vingt-quatre, vingt-cinq ans, fit remarquer l’Alpha.

— Mon âme sœur est morte, quand on était petits.

— Alors ça nous fait déjà un point commun, répondit Trey. Moi aussi j’ai perdu mon âme sœur, il y a longtemps, sans que j’aie eu le temps de la revendiquer.

Taryn ressentit une pointe de compassion, face à son air grave. Seuls ceux qui avaient perdu leur

âme sœur pouvaient vraiment mesurer l’ampleur de la souffrance causée par ce drame.

— Je suis désolée, dit-elle.

Il se contenta d’esquisser un haussement d’épaules.

— Hmm, mais alors ton couple avec Roscoe est encore moins logique que je ne le pensais. Si tu n’es pas son âme sœur, ça veut dire qu’il a volontairement choisi une furie. Ça doit vraiment être l’amour fou.

Taryn poussa une sorte de grognement, parvenant à peine à contenir un ricanement. L’amour ?

C’est ça, ouais. Si Roscoe tenait tant à la sauter c’était uniquement parce qu’elle lui résistait.

Manifestement, son ego ne supportait pas cet affront. Quant à savoir pourquoi il voulait s’unir à elle…

Il devait vouloir s’allier à son père, Taryn ne voyait que ça.

— Quand votre cérémonie d’union est-elle prévue ? reprit Trey.

Oh, il n’y aurait pas de cérémonie, ni d’union. Roscoe voulait se débarrasser de cette formalité

parce que le père de Taryn avait insisté : il ne laisserait pas complètement partir sa fille sans que ce rite soit accompli. Pourquoi ? Pour avoir une excuse de réunir tous ses alliés et de se pavaner comme un caïd. Mais jamais Taryn ne s’unirait à un homme pour qui elle n’éprouvait rien du tout, même pas une vague sympathie. De plus, Roscoe était un maniaque, obsédé par l’idée du contrôle, ce qui était problématique. Elle l’avait compris en le voyant interagir avec ses lieutenants, qu’il intimidait systématiquement. Taryn ne pensait pas qu’ils le craignaient physiquement, mais c’était comme s’il exerçait une forme d’emprise sur eux, comme s’il tenait tous leurs secrets au creux de sa main.

Et si la rumeur disait vrai, Roscoe prenait son pied en faisant souffrir les femmes, au sens propre.

Vu qu’il avait marqué Taryn par la force au beau milieu d’une boîte de nuit, elle n’avait aucun mal à

le croire. Elle s’était attendue à ce qu’il la frappe, après qu’elle s’était vengée en lui serrant les couilles jusqu’à les broyer ou presque. Mais lorsqu’il avait fini par réussir à se remettre debout et qu’il avait repris son souffle, il s’était contenté de lui sourire. Un sourire glauque, qui promettait une vengeance, mais qui n’avait pas empêché la jeune louve de lui tourner le dos. Depuis, il attendait son heure.

Pour tenter de se soustraire à cette union, Taryn avait d’abord parlé à son père. Mais puisqu’il désirait cette alliance, il ne risquait pas de lui être d’un grand secours. L’étape suivante aurait dû, en toute logique, être un entretien avec l’Alpha de sa meute, mais, comme il se trouvait que l’Alpha c’était son père, Taryn était doublement dans l’impasse. Elle pourrait essayer de quitter sa meute, mais ça n’améliorerait pas vraiment sa situation. Vivant en louve solitaire, sans protection ni territoire, elle serait une proie facile et elle savait que Roscoe ne perdrait pas de temps avant de lui tomber dessus.

Elle n’avait qu’un seul autre recours : son oncle, le frère cadet de feu sa mère. Elle ne l’avait pas vu depuis qu’il s’était uni à une louve d’une autre meute, une dizaine d’années auparavant. S’il acceptait de suggérer à son Alpha de recueillir Taryn, ce serait peut-être la solution. Mais elle n’était guère optimiste. Elle était guérisseuse, certes, mais elle était aussi latente, et elle avait du mal à

imaginer un Alpha quel qu’il fût se montrer un tant soit peu intéressé par l’intégration d’un loup incapable de se manifester. La question était : en admettant que cet Alpha l’accueille dans sa meute, serait-il prêt à affronter Roscoe, furieux comme seul un manipulateur déjoué pouvait l’être, lorsqu’il viendrait la reprendre ?

Elle envisagea de dire à Trey qu’elle appréciait Roscoe encore moins que lui, mais parfois il fallait choisir entre la peste et le choléra. Et Taryn n’était pas du tout certaine d’avoir sous les yeux le moindre de ces deux maux. Aussi s’installa-t-elle confortablement, au lieu de répondre à la question, croisant les jambes en tailleur et sirotant le café que Rictus avait posé devant elle.

— Est-ce que ton silence signifie que vous n’avez pas encore fixé de date ? insista Trey.

— Oh, je ne t’ai pas répondu ? Sans doute parce que ça ne te regarde pas du tout.

L’Alpha sentit un sourire tenter de s’imposer sur ses lèvres.

— Tu dois être impatiente de devenir la femelle alpha de sa meute.

Quelque chose, dans son ton, fit grimacer Taryn.

— Tu ne connais que des filles arrivistes, accros au pouvoir ?

— Je pensais que c’était ce que voulaient toutes les louves, répondit-il en haussant les épaules.

Non ?

— Oh, si. D’ailleurs je suis toute tourneboulée rien qu’en pensant à mon futur statut, ironisa-t-elle.

Trey constata avec étonnement que ce petit ton sarcastique n’était pas pour lui déplaire.

— Je croyais que tu étais guérisseuse ?

— C’est le cas.

— En général, les guérisseurs ont des caractères plus doux.

— Personne n’est parfait.

— On dit que tu es très puissante.

Oui, elle l’était. Il existait trois sortes de guérisseurs. Certains intervenaient au niveau émotionnel, pour neutraliser ou guérir les blessures affectives. D’autres absorbaient douleurs et souffrances, agissant comme une sorte de sédatif, pour favoriser une convalescence plus confortable et rapide.

Enfin, comme Taryn, quelques-uns pouvaient faire disparaître les blessures elles-mêmes, en à peine quelques minutes, garantissant une guérison totale.

— Est-ce que tu t’assois toujours dans des positions improbables ?

— Estime-toi heureux que je ne me sois pas assise sur ton plan de travail. En général, c’est ce que je fais dans ma cuisine.

Peut-être parce que ça lui rappelait toutes ces fois où sa mère l’avait posée là, tandis qu’elles préparaient des gâteaux, ensemble. Ou peut-être pas.

— Et dans ta chambre ? rebondit Trey avec un petit sourire salace. Là aussi, tu es partisane des positions incongrues ?

— Ça dépend, encore faut-il que mon mec arrive à m’attraper.

— Ah, bien sûr. Tu es une Alpha, après tout.

Et les Alphas, qu’elles soient à la tête d’une meute ou pas, ne s’abandonnaient pas aux hommes qui ne faisaient pas preuve de leur dominance. Rien qu’à l’idée de se battre pour avoir Taryn, Trey en avait mal aux couilles. Il savait qu’elle se défendrait comme une tigresse.

Trey aimait les femmes fortes, avec une personnalité de feu, mais elles étaient souvent trop intimidées pour oser lui tenir tête. Si ce n’était pas à cause de son air inaccessible, c’était à cause de l’aura d’Alpha surpuissante qui se dégageait de lui. Et si ce n’était pour aucune de ces raisons, c’était parce que Trey portait son loup à fleur de peau. Enfin, tout ça bien sûr, si elles n’avaient pas d’abord

été terrorisées par sa réputation. La seule femme qui l’avait jamais défié, et qui continuait de le faire régulièrement, c’était sa grand-mère.

— Vous auriez des cookies, ou quelque chose, pour aller avec le café ? réclama la jeune femme.

Marcus déposa un paquet de biscuits, ceux de la grand-mère de Trey, à côté de sa tasse, et Taryn se jeta immédiatement dessus. Le regard de l’Alpha se trouva irrémédiablement attiré par sa bouche si voluptueuse, tandis qu’elle mâchait. Des images de ces lèvres enserrant sa queue s’imposèrent comme des flashs dans sa tête, accompagnés des grognements sourds de son loup. Puis, ce fut le corps tout entier de Trey qui se tendit lorsque Taryn se suça le bout des doigts, où perlaient quelques gouttes de café. Putain de merde. Ce qui rendait la scène encore plus excitante, c’était que la jeune femme n’avait à l’évidence pas conscience d’être scrutée par tous les hommes qui l’entouraient. Sans rien faire pour, en toute innocence, elle dégageait une sensualité folle. Trey comprit pourquoi Roscoe la convoitait tant, mais ne parvenait toujours pas à s’expliquer tout à fait le choix d’une partenaire si indisciplinée. Il tenait trop à garder le contrôle pour s’unir à une femme à la personnalité aussi explosive.

Mais ce qu’il comprenait encore moins, c’était comment Taryn pouvait accepter de s’unir à ce type. Certes, il savait que les femmes succombaient souvent à Roscoe, qui jouait les charmeurs pour mieux masquer sa nature impitoyable. Mais Taryn avait l’air d’être du genre à rire au nez des beaux parleurs, et à refuser de se soumettre à quiconque. Ça ne tenait pas debout. Leur couple ne tenait pas debout. Trey se dit que ses soupçons sur leur union n’étaient vraiment pas délirants.

L’un de ses lieutenants, Dominic, était venu raconter à Trey qu’il avait vu Roscoe en pleine bagarre avec une fille. Dominic avait été sur le point d’intervenir, mais en apercevant la morsure, toute fraîche, sur la peau de la jeune femme, il s’était ravisé. Elle avait été marquée. Aussi s’était-il

éloigné : il aurait fallu être fou pour essayer de s’interposer dans une dispute entre deux partenaires.

Néanmoins, l’altercation n’avait cessé de tarauder le lieutenant : la fille n’avait pas eu l’air consentante. Depuis, Trey cherchait à comprendre comment Roscoe avait pu marquer Taryn de force en toute impunité. Elle était la fille d’un Alpha, bon sang. Son père ne pouvait certainement pas laisser faire une chose pareille.

Trey savait pertinemment de quoi Roscoe Weston était capable. Revendiquer une femelle non consentante serait une broutille, pour lui. Peut-être qu’avec une louve dominée, ce serait passé comme une lettre à la poste ; mais il ne connaissait Taryn Warner que depuis quelques minutes et il voyait bien qu’elle était tout sauf soumise ou docile. Vraiment, ça n’avait pas de sens. Et un autre indice

étayait la théorie de Trey selon laquelle quelque chose clochait grandement dans cette future union…

— Tu ne portes pas son odeur, dit-il.

Dieu merci. Taryn se retint à peine de le dire à voix haute. Roscoe avait réussi à la marquer, mais pas à s’imprégner d’elle. Deux loups qui n’étaient pas les deux moitiés d’un tout pouvaient tout de même s’unir et créer un lien très fort grâce au processus d’imprégnation, qui ne pouvait être déclenché

que lorsque des sentiments profonds étaient partagés par les deux compagnons. De plus, il nécessitait

énormément de contacts physiques. Quand deux loups s’imprégnaient, leurs odeurs se mêlaient l’une à

l’autre, et ils développaient une sorte de connexion surnaturelle. Même si Taryn finissait unie à

Roscoe, ils n’auraient pas ce genre de lien, puisque jamais le processus d’imprégnation ne se mettrait en marche. À moins, bien sûr, que la haine soit un des sentiments susceptibles de le provoquer ?

— Hmm, se contenta-t-elle donc de répondre.

Au même instant, elle laissa tomber un cookie dans sa tasse de café ; profitant de cette seconde de distraction, Trey tendit le bras et abaissa le tee-shirt de la jeune femme, pour dévoiler son épaule. Et ce qu’il y vit le fit grogner.

Taryn se dégagea brusquement, avec une exclamation outrée.

— Qu’est-ce que tu fous ? cracha-t-elle avec véhémence.

— Pourquoi tu l’as maquillée ?

— Quoi ?

— Ta marque. Une louve porte avec fierté la marque de son mâle. Toi, tu couvres celle qu’il t’a faite. Est-ce qu’il t’a mordue de force ?

Totalement désarçonnée par le revirement subit de la conversation, Taryn resta muette.

— Taryn, gronda l’Alpha d’une voix menaçante. Réponds à ma question.

Ce petit ton autoritaire poussa Taryn à se redresser sur son siège.

— Alors écoute, le Psychopathe, je ne sais pas ce que c’est ton problème. D’ailleurs, j’imagine que même ton psy a du mal à faire un diagnostic précis. Mais peu importe ce qui se passe entre Roscoe et toi, ça ne te donne pas le droit d’exiger des réponses sur ce qu’il y a entre lui et moi.

— Peut-être pas. Mais je veux quand même savoir, concéda-t-il plus doucement. Est-ce qu’il t’a marquée sans ton consentement ?

Il n’y avait pas vraiment de raison de le cacher. Pourtant, l’orgueil et la méfiance empêchaient

Taryn de l’admettre.

— J’ai l’air d’une fille qui permettrait ça ?

— Je suis certain que tu cherches une échappatoire pour ne pas avoir à t’unir à lui si ce n’est pas ce que tu souhaites. Mais je crois que tu n’en trouves pas. Dis-le-moi : est-ce qu’il t’a revendiquée contre ton gré ?

— Qu’est-ce que ça peut te faire ?

Trey prit cette réponse pour un « oui » .

— Ton père est-il au courant ?

Taryn répondit très vite, espérant qu’une fois sa curiosité satisfaite il lâcherait prise.

— Mon père est un homme très orgueilleux dont la fille unique est latente. Pour lui, une alliance avec un loup aussi puissant que Roscoe sera sans doute la meilleure chose que ma venue au monde ait pu lui apporter.

— Et ta mère ?

— Morte, quand j’avais neuf ans.

— Tu n’as pas d’autres parents, qui pourraient t’aider ?

Elle était à deux doigts de pourrir ce mec. Non seulement il appuyait systématiquement là où ça faisait mal, mais en plus il faisait réagir son corps d’une manière très déconcertante. Elle avait des picotements au bout des doigts, tant elle avait envie de le toucher, de caresser ses cheveux noirs pour voir si ses mèches très courtes étaient aussi soyeuses qu’elles en avaient l’air. Le désir primitif qui l’envahissait faisait bouillir son sang, et elle ressentait des palpitations bien spécifiques à des endroits très intéressants. Elle devait avoir un sérieux problème, pour être aussi attirée par ce malade mental.

Mais, étonnamment, elle ne se sentait pas en danger face à lui. Syndrome de Stockholm confirmé.

— Ce n’est pas ton problème, et ça n’a aucun rapport avec ton conflit avec Roscoe, quel qu’il soit, répondit-elle.

Il esquissa une moue étrange, et pencha la tête.

— Et si je te disais que, moi, je peux t’aider ? lança-t-il.

Le cœur de la jeune femme faillit s’arrêter.

— Pourquoi ferais-tu ça ? Et comment, accessoirement ?

— Tu pourrais intégrer ma meute.

D’accord. Ça, c’était inattendu.

— Qu’est-ce que tu y gagnerais ? demanda-t-elle, immédiatement méfiante.

— Une guérisseuse.

Mais oui, c’est ça.

— Ce n’est pas tout, insista Taryn.

— Non, c’est vrai. J’ai un marché à te proposer. Je pense qu’on peut s’aider l’un l’autre.

Il fouilla dans la poche de son jean et en tira un petit sachet en plastique.

— Ce que j’ai là, c’est une pilule comme celle qui a servi à t’assommer tout à l’heure. Mais celleci est un peu plus forte. Si après notre conversation tu décides de décliner ma proposition, je te demanderai de la prendre. Et quand tu te réveilleras, tes souvenirs seront confus, et tu auras oublié les dix dernières heures.

— Tu veux me droguer à nouveau ? Comme si ce n’était pas assez grave que tu l’aies déjà fait une fois !

— J’ai une question : si un de mes lieutenants était venu te voir pour te proposer une rencontre avec moi, ici, dans la tanière de ma meute, est-ce que tu l’aurais suivi bien sagement ?

Bien sûr que non.

— Tu n’as pas tort, souffla-t-elle à contrecœur. Alors, c’est quoi, ta proposition ?

— Tu as certainement entendu en détail l’histoire selon laquelle j’aurais tabassé presque à mort mon propre père, quand j’avais quatorze ans ? Eh bien c’est la stricte vérité. Je l’ai massacré. Et j’avais d’excellentes raisons, qui n’ont rien à voir avec ce qui nous préoccupe aujourd’hui. J’ai gagné

la place d’Alpha, mais mon père, mon oncle et beaucoup d’autres mâles se sont ligués contre moi et m’ont banni. Je n’étais qu’un jeune, je ne pouvais pas tous les affronter. Alors je suis parti, avec quelques loups qui n’acceptaient pas la situation. On a formé notre propre meute, et on l’a baptisée la meute du Phénix.

— C’était mon idée, intervint Dante. Parce que c’était un peu comme une renaissance, tu vois ?

Trey se racla la gorge avant de reprendre.

— Bref, ensuite, on s’est constitué notre territoire. Et on se plaît bien, ici. Ça ne m’a jamais intéressé les alliances, la politique et toutes ces conneries ; alors on reste tranquillement dans notre coin. Malheureusement, aujourd’hui j’en paie le prix.

Il s’appuya au dossier de sa chaise et croisa les jambes, sous la table.

— Il y a quelques semaines, continua-t-il, mon père est décédé. Mon oncle était son Beta, et il a donc pris la suite en tant que dirigeant. Mais visiblement, ça ne lui suffit pas. Il a déposé une demande auprès du Conseil : il veut que sa meute et la mienne se réunissent, comme avant, pour qu’il soit notre

Alpha à tous. Moi, je pense qu’il vise surtout notre territoire, mais que s’il peut me faire chier en prime, ça lui fait plaisir. Le Conseil a arrangé une réunion entre nous, avec un médiateur, pour essayer de voir si tout ça peut se résoudre sans qu’on en vienne aux mains.

Ces conseils n’avaient été créés que dans le but de rassurer des humains inquiets, qui n’aimaient pas la manière violente dont les métamorphes réglaient leurs conflits. Taryn n’aimait pas vraiment ça non plus, mais ça avait toujours fait partie de leur culture. Un accord avait été conclu avec les humains : le Conseil insistait pour que les meutes le contactent en cas de discorde, avant toute provocation directe. Si la médiation échouait et que le problème subsistait, le protocole était très strict : pendant trois mois, aucune des parties impliquées ne pouvait passer à l’action. C’était leur façon de permettre aux esprits échauffés de se calmer, dans l’espoir qu’une solution à l’amiable soit trouvée pendant cette période d’attente.

À l’expression de Taryn, Trey vit que, même si elle l’écoutait avec attention, elle ne voyait pas du tout où il voulait en venir.

— Évidemment, poursuivit-il, je vais m’opposer à cette requête. Mon oncle aura donc deux options : abandonner ou me défier officiellement. Je le connais assez bien pour savoir qu’il n’abandonnera pas. On ne trouvera pas d’accord pendant le délai de trois mois imposé par le Conseil, pas sur une question pareille. Il y aura un affrontement entre nos meutes, et ça ne me pose aucun problème. Mais je sais que mon père avait beaucoup d’alliés, qui sont devenus ceux de mon oncle.

Bien sûr, il leur demandera de l’aide, et ils nous surpasseront en nombre.

La jeune femme haussa les épaules, manifestement démunie.

— Je suis navrée d’apprendre que tu es dans la merde, mais je ne vois vraiment pas ce que je peux faire pour toi, sauf si tu es en quête de commentaires sarcastiques sur tout ça. Et je ne comprends toujours pas le rapport avec Roscoe.

— Le rapport, c’est que j’ai besoin d’une compagne, et que tu as besoin d’échapper à Roscoe, de lui être inaccessible.

Taryn se raidit. Il ne pouvait pas suggérer ce qu’elle pensait avoir compris.

— J’ai besoin d’alliances, Taryn, reprit Trey. Ton père les collectionne comme on collectionne les timbres. Si je pouvais m’allier à lui, j’aurais accès à tous ses contacts et j’aurais un réservoir de loups bien plus grand dans lequel puiser pour affronter mon oncle. Peut-être que ça le fera hésiter, d’ailleurs. Ou pas. Dans tous les cas, on sera sur un pied d’égalité.

Alliances, alliances, alliances.

— Tu me demandes d’envoyer paître un type qui ne vise qu’une chose, une alliance avec mon père, au profit d’un autre mec qui a exactement le même but ? ricana-t-elle avec dérision. Tu pourrais sans doute décrocher une alliance sans moi ; pourquoi tu ne contactes pas mon père, tout simplement ?

Mais elle connaissait déjà la réponse. Lance Warner était aussi malin qu’impitoyable. Il avait le don de repérer la faille chez ses opposants, et de s’y engouffrer. Il verrait tout de suite à quel point

Trey avait besoin de lui et exploiterait cette faiblesse. Il réclamerait sans doute une partie de son territoire ou insisterait sur le fait que Coleman lui devrait « une faveur » . Avoir une dette envers un

Alpha tel que lui n’était pas une bonne chose. Les alliances formées à la faveur d’une union, cependant, étaient moins déséquilibrées.

— Il y a une grosse différence entre ce qu’impliquerait une union avec moi, et une avec Roscoe.

— Laquelle ? voulut savoir la jeune femme.

— Avec moi, ça n’a pas à être définitif.

Et contrairement à Roscoe, il ne lui ferait jamais de mal.

Taryn secoua la tête, perplexe.

— Les loups s’unissent pour la vie.

— Oui, mais je ne veux pas d’imprégnation, de grands sentiments à la con sur fond d’amour écrit dans les étoiles.

En l’occurrence, Trey était à peu près sûr d’être incapable de ressentir le genre d’émotions qui nourrissaient ce type d’union.

— Évidemment, il faudrait qu’on fasse croire à tout le monde que c’est du sérieux, qu’on s’unit pour la vie, continua-t-il. Mais en réalité, je te demanderais juste de rester avec moi jusqu’à ce que j’aie affronté mon oncle.

— Dans ce cas-là, tu n’as pas vraiment besoin que je m’unisse à toi. Il suffit que je fasse semblant.

Il secoua la tête.

— Ça ne fonctionnerait pas, parce que je devrais te marquer. Et à la seconde où je le ferai, tu seras de fait ma compagne. Ce sera une véritable union, mais avec une date d’expiration programmée.

Il y avait un souci de taille, cependant. Taryn était certaine que sa louve accepterait avec joie la marque de Trey, et ne comprendrait pas que ce n’était que du court terme. Le lien resterait facile à

rompre puisqu’ils ne s’imprégneraient pas l’un de l’autre. Mais ça resterait très désagréable pour sa louve. Et ce n’était pas le seul point gênant.

— Écoute, commença-t-elle. Même si j’avais envie d’accepter ton offre, je ne pourrais pas. Mon père et Roscoe ont signé des contrats, et mon paternel est enchanté de cette nouvelle alliance. Il ne reculera pas.

Trey était arrivé à la même conclusion.

— Sauf si tu arrives à lui faire croire que je suis ton âme sœur.

Elle répondit d’une voix blanche.

— Je te l’ai dit, mon âme sœur est morte. Toute ma meute sait que je l’ai perdue.

— Il arrive souvent qu’on prenne un ami d’enfance très proche pour son âme sœur. Tu n’auras qu’à faire croire à tout le monde que c’est ce qui t’est arrivé.

— Je ne peux pas faire ça à Joey, répliqua-t-elle avec un hochement de tête négatif. Je ne peux pas cracher sur sa mémoire comme ça. Je refuse.

Conscient qu’il marchait sur des œufs, Trey répondit d’une voix volontairement très douce.

— Tu crois qu’il préférerait te voir prisonnière d’une union avec un loup dont tu ne veux pas ?

Penses-tu sincèrement qu’il voudrait que tu vives ça ? Est-ce que tu aurais voulu de cette vie pour lui ?

— Quand bien même, je ne peux pas faire une chose pareille, bougonna-t-elle.

Sa loyauté impressionna Trey.

— Ce n’est pas comme si on pouvait faire semblant de s’être connus par hasard, avant de tomber follement amoureux et de décider de s’unir. On n’a pas le temps pour ça, et vu ma réputation, ce ne serait pas très crédible. Ça laisserait aussi la possibilité à ton père de contester ton choix de compagnon. Mais si tout le monde pense que je suis ton âme sœur, il ne pourra pas s’y opposer. Ce serait au-delà de son pouvoir.

— Et ta meute ? Ils vont forcément voir que c’est du vent, non ?

Ne souhaitant pas trop entrer dans les détails, l’Alpha resta vague.

— Ce n’est pas une histoire très glorieuse, alors je te la fais courte : je n’avais pas reconnu publiquement que j’avais trouvé mon âme sœur.

Ce qui avait rendu sa mort encore plus affreuse, et avait donné à Trey le sentiment qu’il n’avait pas le droit de parler d’elle. Rares étaient ceux qui connaissaient toute la vérité, et ça lui convenait parfaitement.

— Il y a quelques semaines, continua-t-il, j’ai appris à ma meute que je comptais prendre une compagne. Je leur ai aussi dit que mon âme sœur était morte il y a très longtemps, et ils n’ont pas besoin d’en savoir plus.

Et toi non plus, Taryn. Il ne le formula pas, mais c’était implicite. Elle aurait pu s’indigner, mais

ça aurait été pure hypocrisie. La perte de Joey était un sujet qu’elle n’abordait que si elle y était réellement contrainte.

— Ils joueront le jeu, feront comme si tu étais mon âme sœur, si ça peut nous aider à préserver notre territoire et à empêcher mon oncle d’absorber la meute, conclut Trey.

Malheureusement, tous n’étaient pas favorables à l’arrivée d’une Warner au sein de la meute, mais il estima plus sage de ne pas le lui dire.

Taryn se demanda pourquoi elle hésitait. Elle voulait échapper à Roscoe, après tout. Et enfin, on lui offrait sa chance. Mais ce n’était pas si simple, si ? Non, parce que cette chance revêtait la forme d’un grand loup alpha pas très gentil qui n’offrait pas son aide gratuitement. Bon Dieu, deux loups, et des Alphas qui plus est, voulaient subitement la prendre pour compagne, mais tous les deux se fichaient éperdument d’elle. Elle était un outil, pour atteindre un but. Pas vraiment flatteur, mais vraiment douloureux.

Elle fut même étonnée de découvrir à quel point elle était blessée. Après tout, elle n’avait jamais envisagé de s’unir à quiconque. Elle aurait trop l’impression de trahir Joey. Ce n’était peut-être pas très logique : il était mort alors qu’ils n’étaient encore que des enfants. Mais il avait été la seule personne au monde créée spécialement pour Taryn. Créée pour prendre soin d’elle, pour l’accepter, pour l’aimer.

Et c’était pour ça que, comme Trey venait de le dire, Joey n’aurait pas voulu que Taryn se trouve captive d’une union dont elle ne voulait pas. Il aurait voulu… Non, aurait attendu d’elle qu’elle remue ciel et terre pour échapper à ce destin. Mais l’issue qui s’offrait maintenant à elle était un peu trop compliquée.

— Admettons que j’accepte, dit-elle. Comment veux-tu qu’on simule une union ? C’est quelque chose de très intime, les compagnons se touchent tout le temps, ne se quittent jamais d’une semelle.

Ils portent chacun l’odeur de l’autre, et sa marque. Sans parler de l’espèce de connexion qui leur permet de ressentir l’humeur de l’autre. Alors franchement, comment penses-tu qu’on pourra imiter un lien surnaturel comme celui-là ?

— On ne devra le faire que quand on sera avec des personnes extérieures à ma meute. Autant dire pas très souvent. Et quelque chose me dit que comme ta liberté dépend de la crédibilité de notre couple, tu vas te découvrir des talents d’actrice insoupçonnés.

Mais c’est qu’il a réponse à tout, maugréa intérieurement Taryn. Pouvait-elle vraiment faire ça ?

En serait-elle capable ? Elle n’était pas de nature à craindre les défis, qu’importaient le danger ou les risques qu’ils pouvaient comporter. Elle avait toujours ressenti l’envie et le besoin de prouver sa valeur, peut-être à cause de sa latence. Ça avait toujours été, pour elle, une façon de gagner un minimum de respect. Mais là, ce n’était pas qu’un simple défi à relever ; cela engageait toute sa vie, et la direction qu’elle voulait lui donner.

Elle soupira et se passa une main dans les cheveux.

— Mon père n’est pas bête, malheureusement. Il sait que je ne veux pas être unie à Roscoe. Si je me pointe la bouche en cœur pour lui dire « Au fait, papounet, devine quoi ? Finalement, mon âme sœur n’est pas morte, et je l’ai trouvée » , il va penser que je me fous de lui.

— C’est pour ça qu’on va devoir se « découvrir » l’un l’autre en public, expliqua Trey. Dans une boîte pour métamorphes, par exemple. Je te revendiquerai, et personne, à part ma meute, ne saura qu’on s’était déjà vus.

D’accord. Ça, c’était une bonne idée. Mais est-ce que ça marcherait ?

Taryn ravala un geignement : l’hésitation déchirait son corps et son esprit. Mais sa louve, elle, n’hésitait pas. Pas le moins du monde. L’animal, par nature plus sauvage, ne se préoccupait pas des détails ou des implications. La seule chose qui l’intéressait, c’était de savoir si Trey avait le potentiel d’un bon compagnon. Elle aimait son assurance, sa détermination, son aura d’Alpha surpuissante, et elle était carrément dingue de son odeur. Alors pour la louve, aucune objection à ce que Coleman la marque. Au contraire, elle le désirait ardemment. Ce qui était mauvais signe.

— Est-ce que tu as bien réfléchi à ce que ça entraînera, si tu me revendiques ? Même temporairement ? demanda-t-elle. Ton loup saura que je ne suis pas ton âme sœur, et il pourrait même comprendre que tu n’envisages pas cette union comme un engagement à long terme. Mais pour lui, ce ne seront que des détails, des broutilles. Si tu me mords, que tu apposes ta marque sur moi, ton loup considérera que je lui appartiens, sans réserve. Et il sera…

— Possessif, jaloux, protecteur, le tout à la folie, l’interrompit Trey. Et ça nous aidera à simuler notre lien. Mais je suis sûr que puisqu’il comprend que tu n’es pas vraiment mon âme sœur, il sera tout de même gérable.

Pour l’heure, son loup était silencieux, entièrement concentré sur Taryn, attendant sa réponse. Il approuvait le choix de Trey : il avait identifié la nature dominante et affirmée de la louve de la jeune femme, qui d’ailleurs lui plaisait aussi beaucoup. Il aimait sa sensualité innée, sa loyauté évidente et, par-dessus tout, son caractère fort. Quant à son odeur… Seigneur, son odeur.

Trey sentait qu’elle était à deux doigts d’accepter sa proposition. Il ne pouvait pas lui en vouloir d’être méfiante, ou hésitante, mais il fallait qu’elle comprenne qu’il représentait vraiment la meilleure issue.

— Taryn, reprit-il, je t’offre un ticket de sortie. À ta place, je le prendrais. Sauf si tu veux finir unie à Roscoe jusqu’à la fin de tes jours.

— Quoi qu’il se passe, ça n’arrivera pas.

— Peut-être pas, mais j’ai l’impression que tu n’as pas beaucoup d’options, pour l’instant.

— J’envisageais de rejoindre la meute de mon oncle.

Trey s’était effectivement attendu à ce que Taryn ait encore quelques atouts dans sa manche.

— Et tu places ta confiance dans son Alpha ? Tu penses qu’il t’accueillera, qu’il te protégera contre Roscoe quand il viendra te chercher ? Parce qu’il viendra, tu sais.

Elle déglutit péniblement.

— Je ne sais pas si je peux me fier à cet Alpha, parce que je ne l’ai jamais rencontré. Mais je ne sais pas plus si je peux compter sur toi pour me protéger. Je sais que Roscoe ne va pas se retirer du jeu et accepter notre union, il est bouffi d’orgueil. Il est plus que probable qu’il rapplique ici pour te défier. Est-ce que tu me dis sincèrement que tu relèverais son défi, que tu te battrais pour me garder dans ta meute ? demanda-t-elle sans parvenir à masquer son scepticisme.

— Oui, je me battrai, affirma-t-il sans ciller. J’ai besoin de cette union autant que toi. Tu pourras toujours te rapprocher de ton oncle une fois notre couple formé, et ensuite réfléchir à un changement de meute si tu veux. Trois mois, tout au plus. Voilà combien de temps je te demande de rester avec moi. En général, les médiateurs n’imposent pas de délai plus long pour la tentative de résolution à

l’amiable. Tu pourrais prétendre avoir eu une révélation tardive, avoir compris que je ne suis pas ton

âme sœur, je ne sais pas.

Quelques mois à jouer les compagnes au bras du Psychopathe, ou une vie entière avec Roscoe ? En théorie, la balance aurait dû aisément pencher en faveur de Trey. Mais Taryn ne pouvait omettre le fait qu’elle allait se jeter dans la gueule du grand méchant loup. Au sens propre. Son instinct lui disait que

Coleman ne lui ferait pas de mal. Mais même si son intuition ne l’avait jamais induite en erreur, ça ne voulait rien dire. Il y avait un début à tout.

Trey haussa les sourcils, l’air interrogateur.

— Alors, Taryn. Marché conclu ? (Il agita le sachet contenant la gélule.) Ou bien tu veux retourner faire une petite sieste ?

— Il y a encore un truc qui m’échappe, répliqua-t-elle. Pourquoi moi ? À en croire ce qu’on raconte, tu n’as jamais eu aucun mal à ferrer des filles. Ça aurait certainement été beaucoup plus simple pour toi de proposer ton simulacre d’union à une fille sans compagnon, non ? Et un bon paquet d’entre elles doivent avoir des Alphas avec des alliances aussi importantes que celles de mon père.

— Ça va déjà être pénible de convaincre tout le monde que ton âme sœur ne l’était pas vraiment.

Mais ce n’est rien à côté du merdier que ça aurait représenté de persuader une femme seule de prétendre que je suis son compagnon. Laisser un autre homme la marquer, même temporairement, ce serait comme une trahison envers son âme sœur, même si elle ne l’a pas encore trouvée. C’est vrai, je connais quelques filles assez obsédées par le pouvoir pour estimer que l’élévation au rang de femelle alpha de ma meute est plus importante que d’attendre le loup qui leur est destiné. Mais je me retrouverais coincé avec elle, ensuite. Quand on m’a parlé de ta situation, je me suis dit qu’on pouvait tous les deux y trouver notre compte.

Taryn produisit un bruit à mi-chemin entre le soupir et un grognement plaintif. Il y avait tant de complications possibles, tant de questions sans réponse. Cependant, elle se dit qu’au fond, la question la plus cruciale était de savoir si elle était vraiment prête à faire tout ce qu’il fallait pour se soustraire

à Roscoe. Elle releva les yeux vers Trey, soupira de nouveau, et acquiesça.

Il lui adressa un sourire en coin.

— Tu fais le bon choix, dit-il.

— Alors, quand est-ce qu’on commence ?

— Ce week-end. Samedi après-midi, je me rends à la médiation, avec mon oncle. Donc ça ne peut pas attendre. J’imagine que, le week-end, tu sors dans les clubs pour métamorphes ?

— Je vais au Pulse, tous les vendredis soirs, confirma-t-elle. C’est le plus proche de la tanière de ma meute. Je ne dois pas trop m’éloigner, au cas où j’aurais à guérir quelqu’un.

— Il vaut mieux ne pas changer tes habitudes. Vendredi soir, sors, comme chaque semaine. Si tu le peux, reste près du bar. Au cours de la soirée, je viendrai t’y trouver, et nous nous « croiserons » . À

partir de là, tout ira très vite, et tu rentreras avec moi. D’ici là, continue à vivre normalement. Je vais te donner mon numéro, au cas où tu aurais besoin de me joindre. Mais essaie vraiment de ne pas t’en servir hors cas de force majeure.

Ce qui laisserait à Taryn quatre jours pour changer d’avis. Ça ne plaisait pas à Trey, mais c’était le plan le plus solide.

Encore une fois, elle acquiesça.

— Tu ne peux en parler à personne, Taryn, reprit Trey. Pas même à ton meilleur ami. D’autant plus qu’il est toujours possible que d’autres estiment que tu serais plus en sécurité avec Roscoe.

Malheureusement, il avait raison. Shaya et Caleb, ses deux meilleurs amis, étaient très protecteurs envers elle et semblaient trouver Roscoe tout à fait charmant. Ils ne voyaient pas la froideur que cachait son sourire. Ils feraient tout ce qui serait en leur pouvoir pour la dissuader de s’unir avec le

Psychopathe ; et si ça ne fonctionnait pas, ils iraient certainement la dénoncer. Et même si Taryn avait

été absolument sûre de leur soutien, elle ne leur aurait pas dit la vérité. Ça aurait été trop injuste de les obliger à cacher des choses à leur Alpha.

Trey n’aimait pas le silence de la jeune femme.

— Je suis très sérieux, insista-t-il. Tu dois vraiment la boucler, Taryn. Pas un mot à âme qui vive.

Elle s’offusqua de son ton directif.

— Que ce soit bien clair entre nous dès maintenant, le Psychopathe : je ne suis pas une soumise, ni de près, ni de loin. Alors pas la peine de m’aboyer tes ordres, sauf si tu as une grosse envie d’être ignoré.

Au mot « soumise » , l’esprit de Trey s’emplit de visions de Taryn ligotée, penchée en avant, le suppliant de la prendre. Il ne put masquer un sourire diabolique et il fut convaincu, en voyant la jeune femme plisser les yeux, qu’elle savait pertinemment ce qui lui trottait dans la tête.

— On verra, dit-il. Bon, on est d’accord ?

Taryn serra la main qu’il lui tendait.

— Je te préviens, répondit-elle. Si tu essaies de me refiler à Roscoe quand il viendra, je t’arrache les burnes.

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