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Enzo était déçu. Il aurait aimé qu'elle lui parle encore de la mer et lui coupe la parole quand il évoquait le collège. Au lieu de quoi, il s'engouffrait de nouveau dans le ménage. C'était comme un instinct de survit. Elle devait reprendre possession des lieux sans quoi elle serait devenue folle peut-être, de se sentir tellement inutile. Ils étaient alliés. Mais ce qu'aurait voulu l'enfant, ça aurait était d'expliquer à Liouba comment étaient nés les océans. Il aurait aimé lui dessiner cela aussi : cette violence qui fît naître les mers. Ces millions de météorites éclatant sur Terre et libérant des gouttes d'eau pendant des millions et des millions d'années, préparant la vie, et les plages, et les vacances qu'ils auraient un jour, eux aussi, et il oserait se mettre en maillot devant tout le monde; et même à Deauville où tous devaient être si maigres et si chics, lui Enzo Popov qui savait qu'on se baignait toujours dans l'océan primitif, il serait aussi à l'aise et heureux que les autres.
Afficher en entierTu veux un peu de sang russe?Je vais t'en donner.Beaucoup de sang et beaucoup de russe.Quant à l'héroïsme...ça n'existe pas.Pas si on vit longtemps.L'héroïsme se pose sur les vies brèves,les destins fulgurants.
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"Il fallait qu'il trouve le moyen d'exister dans ce monde à moitié disparu, pour rapporter à sa mère des bulletins exemplaires qui la récompenseraient de tout le mal qu'elle se donnait pour faire de son fils un enfant parfait, et d'elle, par ricochet, une mère parfaite"
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D'où tu viens ? D'où tu viens ? Pourquoi tu peux avoir quinze ans et cent ans dans la même journée ? Pourquoi tu peux tout prendre à coeur et tout délaisser ?
Afficher en entierElle lui disait que c'était bien aussi de ne pas tout savoir,et que le mystère fait partie de l'univers,on n'en voit presque rien et cela n'est pas très grave,c'est juste fait pour que l'homme ait envie d'apprendre.
Afficher en entierC'était quoi un père ? Le père de Beethoven était alcoolique. Le père de Tchekhov un parâtre. Le père de Gorki le battait comme plâtre. Le père d'Aragon se faisait passer pour son parrain. Le père de Kafka le terrorisait. Si le père était celui qui vous donnait envie d'être ailleurs, alors Enzo n'était pas orphelin.
Ce désir-là, il l'avait toujours eu, et cette évasion il la trouvait dans des livres écrits par tous ceux qui avaient connu leur père d'un peu trop près.
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Le silence se fit instantanément dans la classe. Enzo n’avait aucune chance de s’en sortir, il le savait : s’il récitait sans se tromper, on le traiterait de fayot, s’il faisait une erreur, de cancre. C’est déjà fini se dit-il. Mais au travail de la pieuvre, il sut que ça commençait au contraire… ça aurait pu être n’importe où dans le monde et depuis toujours : une salle de classe dans laquelle il y avait trop de monde et pas assez de passion, trop d’ennui et aucune joie. C’était le pays de l’apprentissage et de la bêtise, des satisfactions de groupe, avec ses convictions faciles, ses amitiés de caste, de jeunes adolescents à la conscience endormie, qui n’avaient pas envie de s’encombrer de remords, voulaient sortir de l’enfance et se ruer dans l’âge adulte, sans avoir flâné, sans avoir dérivé dans la marge, car la marge était le lieu effrayant entre tous, le lieu redouté et banni, de la différence.
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