La pénitente
Auteur
- Jean-Michel Thibaux (Écrivain)
Classement en biblio - 2 lecteurs
extrait
Corse du Sud, mai 1900
Jovana s'immobilisa ; elle prit l'apparence du menhir devant lequel elle méditait à chaque coucher de soleil. Jovana avait cinquante-sept ans ; on lui en donnait soixante et dix. Elle s'était usée plus vite que la plupart des femmes du plateau de Cauria et de la côte car elle vivait durement dans une cabane isolée non loin de Rinaiu, l'un des hauts lieux hantés de Corse. Les rides et les cheveux blancs, elle les devait à la squadra d'Arozza, ce terrifiant cortège de revenants qui se manifestait les nuits néfastes dans ce pays de misère. Elle côtoyait des morts de toutes sortes, elle en avait la charge quand les vivants lui demandaient de les invoquer.
La journée avait été éprouvante. Jovana avait levé un sort sur un hameau en utilisant les forces du dolmen de Funtanaccia que les gens d'ici appelaient «la forge du diable». Parlementer avec Satan ou Dieu n'était pas chose facile. On laissait des bouts de son âme à l'un ; on les regagnait avec l'autre. Au détriment de sa santé. Jovana cherchait à maintenir en permanence l'équilibre entre le bien et le mal.
Elle contempla longuement le menhir... le visage froid du menhir. Deux entailles figuraient les yeux ; une autre, la bouche. L'ébauche d'un nez long projetait une ombre sur la peau de granit. La silhouette même du menhir s'étirait sur le sol couvert de racines et d'herbes sauvages.
Elle attendit la disparition du soleil. L'horizon se frangea de rouge et de violet. Il était temps d'ouvrir son esprit à celui du menhir. Depuis trente ans, elle interrogeait cet énigmatique compagnon. Il était quelquefois muet ; il lui révélait de temps à autre des choses étranges, impossibles à interpréter ; il lui montrait des paysages inconnus, des personnages n'appartenant pas à ce siècle ni à la Corse. Il existait d'autres pierres levées dans le monde, un moine de Bonifacio qui faisait souvent appel à ses services le lui avait appris. Elle en avait déduit que les monuments anciens étaient reliés les uns aux autres par des fils invisibles. Ces lignes de forces, elle les sentait, formant une immense toile d'araignée entre les menhirs et les dolmens. Elles s'entremêlaient avec celles des chapelles, des églises et des cimetières.
La nuit venait très vite. Jovana s'adressa familièrement à son vieux compagnon figé :
- Quai notizia corre oghje in Sartè ?
«Quel bruit court aujourd'hui à Sartène ?»
La nuit mangea encore un peu la lèvre pâle de l'horizon. Cinq minutes s'écoulèrent et le vent marin se leva. Les rochers se mirent à siffler ; les arbustes, à bruire. Un oiseau caqueta quelque part. L'instant était propice. Jovana sentit se modifier l'air, ses perceptions s'aiguisèrent et son oeil interne s'ouvrit sur l'univers surnaturel du menhir. Le monolithe l'entraîna sous un ciel très bleu. Des oliviers poussaient sur une colline ; elle était peut-être en Corse, mais il lui était difficile de savoir où car le paysage était déformé, comme vu à travers un verre convexe.
- Ils sont en route, dit une voix presque inaudible
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Date de sortie
La pénitente
- France : 2005-09-02 - Poche (Français)
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Résumé
Hautaine et disgracieuse héritière d'une puissante famille des environs de Sartène, Gilda Rocca, qui s'est éprise de Jean-Baptiste Menghi, jeune homme d'un clan rival, subit comme un affront le dédain de ce dernier, prêt à épouser la fille d'un cordonnier. La violence de son caractère la fait passer de l'amour à la haine en un instant. Elle commandite alors son assassinat.
La vengeance appelant la vengeance, Caria, soeur de Jean-Baptiste, se jure de faire justice. Elle fait appel à sa tante Jovana, que l'on dit sorcière et dont les pouvoirs sont connus dans toute la région.
Dans la lumière et le climat ardents d'un village de Corse du Sud, une terrible histoire d'amour et de mort se prépare...
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