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Thorn caressa sa lèvre inférieure de son index. Contrairement à Ophélie, dont les lunettes bleuissaient à vue d’œil, il ne s’affolait pas le moins du monde.

– Je partage votre avis, mais je vous suggère plutôt de falsifier sa mémoire. Je suis en partie Chroniqueur, je peux faire en sorte qu’elle ait oublié tout ce qui s’est passé ici.

Ophélie savait que c’était faux. De son propre aveu, Thorn n’avait jamais versé dans ce genre de pratiques, mais elle devait admettre qu’à cet instant il était très convaincant.

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Ophélie dévisagea Thorn dans l’espoir de capter enfin son attention. Il avait répondu avec une telle spontanéité, son regard brillait d’un intérêt si vif qu’elle voyait bien qu’il était très sérieux.

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Vous possédez trois qualités essentielles, monsieur Thorn. Vous êtes efficace, intègre et pacifique. La façon dont vous vous êtes impliqué dans l’affaire des déchus a été ex-em-plai-re ! Ces guerres de clans, ces vengeances sempiternelles, tout ce sang versé pour trois fois rien, énuméra-t-il d’une voix vibrante d’indignation, nous devons en venir à bout. Nous avons besoin d’hommes tels que vous, capables de résoudre les problèmes les plus épineux avec les rouages d’une administration civilisée.

– Je ne suis plus intendant, rappela Thorn. Et je resterai à jamais un bâtard.

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– Vous croyez en moi, répéta Thorn.

Il maintenait entre eux une distance respectable. Sans bouger d’un talon, il observa autour de lui les paravents dont les illusions lui adressaient des œillades aguicheuses, puis les quatre portes encadrées par leurs statues masquées. Ophélie comprit qu’il essayait de déterminer s’il y avait des complices cachés dans la place.

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– Pour un couple si mal assorti, vous êtes décidément inséparables. Je vous croyais à des dizaines d’étages d’ici, monsieur Thorn. Comment nous avez-vous trouvés ?

Thorn monta les dernières marches qui le séparaient du palier, tranquillement, sans se presser. Depuis le parquet, Ophélie fut incapable de hausser les yeux jusqu’à son visage ; en revanche, elle avait une vue imprenable sur ses chaussures.

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Ophélie ne distinguait que le reflet des lanternes rouges sur les boutons d’un uniforme. Était-ce bel et bien Thorn qui se tenait ainsi dans l’escalier ou était-elle victime d’une illusion ?

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– Permettez-moi pourtant de vous interrompre.

Écrasée contre le parquet, le bras tordu en arrière, Ophélie leva les yeux vers l’ombre qui gravissait l’escalier.

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– Vous avez peur, insista-t-elle. Vous avez peur du jugement d’une autre personne. Peur de votre Dieu. Peur de décevoir ses attentes. Vous ne cessez de parler de dignité humaine, mais vous me faites penser à un esclave qui ne songe qu’à satisfaire son maître.

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Il ne respirait pas non plus. Cet homme était mort, sans une trace de sang, sans un signe de lutte, comme une marionnette dont on aurait simplement coupé les fils.

Et pourtant, sa peau était encore chaude.

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Ce n’était pas Thorn qui avait besoin d’elle. C’était elle qui avait besoin de Thorn.

Ophélie se plongea corps et âme dans le miroir.

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