La Passion de l'Arachnee, Tome 2 : Thanäos

J’ai choisi ma souffrance et l’engrenage dans lequel me laisser prendre. J’aspirais, depuis tout temps, à mieux connaître ce monde mutant ; alors ce biais-là s’avérait, après tout, préférable à tout autre. Mais je risquais de déchanter. Je déchantais déjà.

La jeune femme finit par se rencogner dans un coin de la fosse de terre le plus éloigné de l’ouverture, afin de tenter de se soustraire à l’influence pernicieuse des pensées des Tarentüuls et se reposer dans l’attente de la longue nuit à venir.

Quand un peu plus tard, elle entreprit de grimper, seule, le goulot humide de l’abri, elle dut s’y prendre à plusieurs reprises avant d’en ressortir chancelante et couverte de bourbe. Elle aspira une grande bouffée d’air frais et s’empêtra dans sa chaîne qui lui permettait tout juste de se déplacer sur quelques mètres alentour. Au bout du compte, elle s’affala sur les genoux en bordure de son cachot sombre et y serait retombée, si elle ne s’était pas accrochée désespérément à quelques maigres plantes végétant à proximité. Des larmes de frustration firent leur apparition. D’un revers de main incertain, elle les chassa, en proie à la colère.

En se relevant précautionneusement, c’est alors qu’elle le vit qui se déplaçait aussi silencieusement qu’un faune dardant sur elle un regard empreint de cruauté. Avait-elle obéi à l’un de ses ordres mentaux pour décider de sortir de son trou de terre, à cet instant ? Saisie, la captive se figea, se demandant quel était le danger le plus prégnant : de ses tortionnaires Tarenth’ns ou bien de l’être diabolique qui la fixait de ses yeux de braise. Croyait-il encore qu’elle les avait trahis, ses guerriers et lui ? Comment l’aurait-elle pu, cependant ? Le destin, jusqu’à peu clément, paraissait se jouer d’elle comme le vent pour l’un de ces oiseaux-rois lilliputiens.

Le grand Mutant mâle progressait lentement, d’arbre en arbre. Comment faisait-il pour qu’on ne le détecte pas ? Sidérée, Isys ne le perdait pas de vue, suivait chacune de ses foulées gracieuses autant qu’impétueuses et déterminées et qui le menaient inexorablement à elle. Des esclaves vaquaient à leurs dernières occupations de la soirée, tandis que des Tarenth’ns s’employaient à des tâches mystérieuses qui accaparaient toute leur attention ; aucune trace de son ami, le Dolmet. Il n’y avait qu’elle pour discerner dans l’obscurité profonde, le démon intrépide ; à croire qu’il avait ingurgité une potion d’invisibilité.