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- "Excusez-moi, messieurs ..."
Un grand jeune homme au profil chevalin entrait en coup de vent, serrait les mains, questionnait :
- "Où est le cadavre ?
- Dans la pièce d'à-côté.
- On tient une piste ?
- J'étais en train de raconter au commissaire Maigret ce que je sais. Aline, la jeune personne qui vivait avec Palmari, prétend être sortie de l'immeuble vers neuf heures, sans chapeau, un filet à provisions à la main."
Un des inspecteurs de garde l'avait sûrement suivie.
- "Elle s'est rendue chez divers commerçants du quartier. Je n'ai pas encore pris sa déposition par écrit, car je n'ai obtenu d'elle que des phrases hachées.
- C'est pendant son absence que ...
- Elle le prétend, bien entendu ... Elle serait rentrée vers dix heures moins cinq."
Maigret remarda sa montre qui marquait onze heures dix.
- "Elle aurait trouvé, dans la pièce voisine, Palmari qui avait glissé de son fauteuil d'infirme sur le tapis. Il était mort après avoir perdu beaucoup de sang comme vous allez vous en rendre compte.
- A quelle heure a-t-elle téléphoné ? Car c'est elle, m'a-t-on dit, qui a téléphoné au commissariat ?
- Oui. Il était dix heures et quart." ... [...]
Afficher en entier[...] ... A la base se trouvait la peur. Il en avait souvent discuté, en état de veille, avec le docteur Pardon qui avait, lui aussi, l'expérience des hommes et qui n'était pas loin de partager ses conclusions.
Tout le monde a peur. On s'ingénie à dissiper la peur des tout-petits avec des contes de fées, et presque aussitôt, dès l'école, l'enfant craint de montrer à ses parents un livret scolaire qui comporte de mauvaises notes.
La peur de l'eau. La peur du feu. La peur des animaux. La peur de l'obscurité.
Peur, à quinze ou à seize ans, de mal choisir son destin, de rater sa vie.
Dans sa demi-conscience, toutes ces peurs devenaient comme les notes d'une symphonie sourde et tragique : les peurs latentes qu'on traîne jusqu'au bout derrière soi, les peurs aiguës qui font crier, les peurs dont on se moque après coup, la peur de l'accident, de la maladie, de l'agent de police, la peur des gens, de ce qu'ils disent, de ce qu'ils pensent, des regards qu'ils posent sur vous au passage.
Tout à l'heure, en fixant le billet tentateur entre les doigts du commissaire, le valet de chambre maladif de l'Hôtel Bussière était partagé entre la peur d'être renvoyé et la tentation. Ensuite, à l'apparition de chaque billet, le même mécanisme avait joué.
N'avait-il pas encore peur à présent, peur que Maigret ne parle, qu'il ne le mêle à une affaire qu'il devinait grave et qui l'entraînerait dans Dieu sait quelles complications ?
C'est par peur aussi que Pernelle, le tout récent propriétaire du Clou Doré, était venu glisser à l'oreille du commissaire l'adresse de la rue de l'Etoile. Peur d'être dorénavant harcelé par la police, peur de la fermeture de son établissement au nom de quelque règlement obscur.
M. Louis n'avait-il pas peur aussi ? Jusqu'ici, il s'était tenu dans l'ombre, sans aucun lien apparent avec Manuel et Aline. Or voilà qu'il avait à son tour la P. J. aux talons, et on ne vit pas à Montmartre jusqu'à son âge sans savoir ce que cela signifie. ... [...]
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