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Pour la première fois depuis des mois, je respirai à pleins poumons et fermai les yeux un instant. Le sable doux glissait sous mes pieds, l’eau fraîche et vive me ramenait à la vie. Sur la plage, les soldats étaient ivres d’air frais et d’espace. Certains s’allongeaient, voulant ressentir ce sol ferme sous leur corps tout entier. D’autres couraient, sautaient, s’embrassaient. Fous de vie, fous d’espoir, fous de terre. Les officiers laissèrent leurs hommes s’abandonner à cette liesse soudaine. Ils se faisaient peu d’illusions, mais à quoi bon leur refuser ce petit moment de bonheur ?
Afficher en entierParmi ce personnel de service, il y a des femmes, quatre au maximum par bataillon, des vivandières (aussi appelées cantinières - à partir de 1793, le mot cantinière supplantera celui de vivandière dans le langage courant) et des blanchisseuses. Le décret n° 804 du 3 mai 1793 établit que les blanchisseuses devaient être autorisées à faire ce service par une lettre du chef du corps visé par le commissaire des guerres et que les vivandières devaient recevoir du général de division une patente de vivandière par laquelle elles s'engageaient à obéir aux règlements militaires, à être pourvues de denrées de première nécessité (on entend par là papier à lettres, boutons, lacets, vinaigre...), vivres (fromage , saucisses...) et boissons (eau-de-vie, vin) de bonne qualité et à les vendre à un prix raisonnable sous peine de confiscation. Ce personnel militaire non combattant doit porter une médaille règlementaire, mais ne reçoit aucune solde, possède une carte de sûreté délivrée par les autorités militaires, a droit à l'hôpital militaire en temps de guerre, est autorisé à avoir une voiture à deux chevaux entre la colonne et l'arrière-garde et doit être présent à l'appel du commandant de la colonne.
Afficher en entierArmand, qui au départ, ne voulait pas que je vienne avec lui à la guerre, avait dû finalement s'y résoudre devant mon obstination. De Rouen, j'avais suivi la troupe qui descendait vers Bayonne. Je marchais à l'arrière en cachette et le rejoignais chaque nuit dans sa tente. Les femmes étaient interdites dans l'armée : seules les cantinières pouvaient accompagner leur régiment. Sinon leur punition était dure. J'en avais vu une qu'on avait déshabillée, rasée partout, passée au cirage et forcée à défiler ainsi devant tous les soldats avant d'être chassée. Il avait donc obtenu de son chef de bataillon, qui l'aimait bien, de me faire breveter en qualité de vivandière. Nous étions mariés, j'étais honnête, je prêtai alors serment d'obéir aux règlements militaires et de servir mon bataillon avant de recevoir la patente attendue. J'arborais fièrement mon nouveau badge du 3e régiment de dragons, mes deux gobelets en cuivre, mon petit tonnelet d'eau-de-vie que je portais en bandoulière et mon entonnoir.
Afficher en entierPeu à peu, cette vivandière dépourvue de grâces physiques, si ce n'est une poitrine généreuse qu'elle n'hésitait pas à mettre en avant sous une chemise bien serrée, avait gravi les rangs de l'armée pour finir en compagnie d'un apothicaire membre du conseil des prisonniers.
Afficher en entierLes femmes étaient interdites dans l'armée : seules les cantinières pouvaient accompagner leur régiment. Sinon leur punition était dure. J'en avais vu une qu'on avait déshabillée, rasée partout, passée au cirage et forcée à défiler ainsi devant tous les soldats avant d'être chassée.
Afficher en entierAvec l'arrivée des gradés et la venue du printemps, les cœurs s'allégèrent. Les jours s'allongeaient, le paysage verdissait. Le spleen et l'apathie fondaient sous la douce chaleur des premiers rayons de soleil.
Afficher en entierSavourer les plaisirs que la nature m'offrait était mon secret : les voix du vent qui souffle, la mélodie rythmée des vagues, l'appel d'un oiseau perdu ou le chant doux des cigales, mais aussi le parfum du sable chaud, l'odeur camphrée du romarin, l'arôme frais du pin maritime sous la chaleur de l'été ou la caresse de la brise sur ma peau, toujours accompagnée par ces effluves de l'air marin qui nous poursuivait dans toute l'île. La seule manière de survivre était d'oublier le passé, de ne pas songer à l'avenir et de se concentrer sur ces cadeaux que nous livrait le moment présent.
Afficher en entierCe petit bout de vie était là et avait besoin de moi. La vie chassait la mort, mais la tristesse ne s’évaporait pas.
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