La Répétition

http://mademoisellemaeve.wordpress.com/2015/07/07/la-repetition-eleanor-catton/

J’ai eu entre les mains Les Luminaires, le second roman d’Eleanor Catton, celui qui a reçu le prix Booker, mais il ne me tentait pas. La dernière fois que je suis passée à la bibliothèque, j’ai vu La répétition et je me suis dit « pourquoi pas ». La répétition est le premier roman de cette jeune auteure qui a passé son enfance en Nouvelle-Zélande. Le thème m’a plu et a piqué ma curiosité. Comment l’auteure allait-elle traiter le sujet de la relation entre un prof et son élève et y intégrer les réactions de l’entourage de la jeune fille…

Au début, j’ai eu un mal fou à suivre. Avec ses chapitres très courts qui ne respectent pas la chronologie – on peut passer d’octobre à mars, de jeudi à mardi sans savoir au début s’il s’agit d’avant ou d’après – ce roman est un peu perturbant…

Les personnages ne sont pas franchement décrits, et ils ont déjà de la chance d’avoir un prénom, car le plus souvent ils ne sont qu’une fonction, « le maître d’interprétation », « le maître du mouvement », « la prof de saxophone »…

J’ai eu la sensation étrange de surprendre des conversations en passant dans un couloir, sans trop savoir qui parlait ni à qui. Et petit à petit, toutes ces bribes, ces fragments de conversations prennent un sens, fabriquent une histoire. Cela m’a fait penser au souvenir que j’avais de Fame (le film, je ne me souviens que vaguement de la série. Et oui, bon, j’aime regarder des films qui parlent de danse, et alors?). Et finalement, ce roman qui m’a laissé perplexe au début m’a plutôt plu par sa forme originale.

Le sujet est intéressant, le scénario bien ficelé, malgré cela, j'ai eu beaucoup de mal à me faire au style d'écriture.

Un roman déroutant.

Je cherchais à la base un livre de Kierkegaard avec le même titre à la bibliothèque municipale. C'est donc totalement par hasard que j'ai découvert "La répétition" d'Eleanor Catton.

Dès les premiers chapitres, je me suis sentie perturbée. La professeure de saxophone, telle qu'elle est présentée, nous apparaît froide et distante. Cela s'en ressent également par le fait qu'elle ne soit pas nommée autrement que par "la prof de saxophone" tout au long du roman.

Il n'y a pas de héros à proprement parler dans ce récit. Seulement des personnages qui se succèdent, avec une identité qui se construit au fur et à mesure du roman. Des personnages qui ne se connaissent pas forcément au départ, et qui vont nouer une certaine relation entre eux, par le biais du scandale dont le livre fait l'objet.

Car, avant tout, le sujet concerne bien les relations coupables de M. Saladin, le professeur de musique, et de sa jeune élève Victoria. Que s'est-il passé exactement ? Les amies de la jeune élève se sentant trahies de n'avoir pas été mises au courant de ses sentiments, doutent de sa véracité. Mais alors que le scandale prend de l'ampleur, amenant même le psy à donner quelques séances de thérapie aux élèves, comment discerner le caractère véridique des faits ?

Au final, le sujet n'est plus uniquement centré autour des relations de M. Saladin et Victoria. Il concerne la sexualité à part entière. Les relations d'un majeur avec une mineure au premier plan, puis se démarquent les relations homosexuelles, et enfin les relations hétérosexuelles.

Les relations du prof et de son élève sont même adaptées en pièce de théâtre, brouillant les limites de la fiction et de la réalité. Le lecteur ne peut s'empêcher de douter de tout: Victoria n'a-t-elle pas tout inventé ? Les relations homosexuelles de Julia ne sont-elles que pur fantasme ? Qui est réellement la prof de saxophone ? Autant de questions qui tournent uniquement sur la sexualité. Même le saxophone, instrument majestueux, est présenté comme un instrument "sale", vicieux et pervers.

Eleanor Catton tire un roman bouleversant. Elle possède une capacité d'écriture étonnante, paraissant neutre sur un sujet aussi "tabou" (comme il est dit dans le roman) que la sexualité.

Je ne peux que le conseiller. Si je ne l'ai pas mis en Diamant, c'est simplement parce que la fin m'a déçue. Le roman était surprenant tout du long, perdant le lecteur avec des flashs-backs, des ellipses temporelles. La fin est plate par rapport au reste. C'est bien dommage.

Cependant, il n'en reste pas moins un excellent roman, un roman d'apprentissage, philosophique, et exposant bon nombre de questions sur lesquelles personne ne souhaite se pencher en raison de leur caractère tabou.

Félicitations à Eleanor Catton !