Ajouter un extrait
Liste des extraits
Dans le taxi, au moment où elle se disait qu'après tout sa mère n'avait que cinquante-cinq ans, elle réalisa avec un choc que dans vingt-cinq ans elle aurait son âge. Allait-elle seulement devenir une femme qui agaçait et ennuyait sa fille ? Etait-ce ça, la vie ? Elle avait trente ans et n'avait rien fait à part épouser Rupert, mettre au monde son enfant et tomber amoureuse d'un autre. Ca ne suffisait pas. Elle allait devoir chercher quelque chose à faire, une activité suffisamment prenante pour exiger qu'elle s'y implique. Laquelle ? Elle n'en avait aucune idée, et se demanda-avec une certaine excitation- si elle pouvait se mettre en quête d'inconnu.
Afficher en entierSa vie était désormais scindée en deux parties distinctes, l'une passée avec Noel et Fenella, l'autre avec Polly et sa famille, et elle avait parfois l'impression de devenir deux personnes différentes-l'ancienne Clary, qui jouait à la dînette avec sa cousine et meilleure amie, celle qui, après avoir connu la joie magique du retour de son père, commençait à s'inquiéter de le trouver changé et, semblait-il, malheureux, et la nouvelle Clary qui recevait une éducation sérieuse et complète dans presque tous les domaines. Chaque journée avec les Forman lui révélait l'étendue de son ignorance. Elle ingurgitait des informations sur les arts, le paranormal, les transports, l'histoire, les maladies-Noel semblait connaitre les causes de la mort de tous les gens célèbres-, sur l'état des sentiers, des canaux, des chemins de fer en Angleterre, sur le prix des sucreries à l'époque élisabéthaine, la fabrication de coracles, les derniers mots d'un nombre stupéfiant d'hommes célèbres, les excentricités d'autres-Nietzsche et ses choux à la crème, Savarin et ses huîtres, le millionnaire de l'île de Man qui jouait à la bataille navale avec une carte du monde et de vrais navires qu'il possédait...des faits, extraordinaires, improbables (même si elle ne les remettait pas en question) s'écoulaient de la bouche de Noel en un flot d'apparence initerrompu. Il semblait non pas tout savoir, mais savoir des choses sur tout, et Fenella, vivant avec lui, était aussi très savante. Le plus merveilleux, cependant, c'était que, malgré sa grande ignorance, ils la traitaient comme une égale, une adulte réfléchie comme eux-et manifestaient souvent une surprise amusée lorsqu'elle disait ne pas savoir ce qu'était un Blue John, ou qui avait fondé l'hôpital St George ou sur quel roman était basé La Traviata. Tout ça était très excitant, et elle aimait taper les lettres que Noel lui dictait en utilisant des mots étonnants et inconnus d'elle, tels déséutude ou chenal.
Afficher en entier