Extraits

Elle ne pouvait rien faire sinon attendre. Et attendre seule qui plus est. Quel étrange trio ils formaient ! se dit Rachel en arpentant son appartement pendant qu'une tasse de thé oubliée refroidissant sur la table basse. Nick, jeune, provocant, susceptible, obsédé par l'idée du rejet et cherchant désespérément sa place dans ce monde : Zack avec sa belle nature généreuse, passionnée, impulsive et sa grande fragilité par rapport à son frère ; et elle-même. L'avocate ambitieuse, logique et objective qui avait succombé pour l'un et l'autre frère.

Epuisée, Rachel se laissa tomber sur le canapé et ferma les yeux. Comment avait-elle pu en arriver là, elle dont la vie avait toujours été tracée d'avance ? Elle avait cru ne rien laisser au hasard, pourtant. Les obstacles susceptibles de se dresser sur sa route, elle les avait inventoriés et analysés un à un. Pour tous, elle avait trouvé une stratégie, une parade.

Sauf pour un : Zachary Muldoon.

Elle se leva pour aller fermer la porte et comprit en se retournant que Nick avait mal interprété son geste. Il l'attrapa aussitôt par la taille avec assurance. Dans quelques années, ce garçon ferait des ravages, songea Rachel en esquivant.

L'esprit en proie au doute et à la confusion, Sydney ramassa sur la table ce qui y restait et rejoignit Mikhail dans la cuisine. Penché sur l'évier, il avait les avant-bras plongés jusqu'aux coudes dans l'eau savonneuse.

Avant de l'y rejoindre, Sydney s'accorda le temps de récupérer ses esprits en s'accoudant au balcon. Ses mots d'amour résonnaient encore dans sa tête. Il lui était impossible de les mettre en doute. Elle le savoir, Mikhaïl était homme à dire ce qu'il pensait - ni plus, ni moins. Mais il lui était impossible de savoir ce que l'amour signifiait pour lui. Surtout en ne sachant pas ce qu'il signifiait pour elle.

Natasha conduisit Terry dans un petit café, pratiquement vide à cette heure, où elle avait ses habitudes. Fermement accrochés au bar antédiluvien, deux hommes amoureux semblaient bien plus occupés à s'embrasser tout leur soûl qu'à vider les verres posés devant eux.

Natasha aimait l'atmosphère de l'endroit, avec son éclairage chiche et ses posters noir et blanc de James Dean et de Marilyn Monroe.

Elle retira le plat fumant du four et plongea sa fourchette dedans avec nervosité. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne manquait pas de culot... Flirter avec elle au grand jour, avant d'aller retrouver sa femme et sa fille, comme si de rien n'était... Dire qu'il avait eu le toupet de l'inviter à dîner ! Pour rien au monde elle ne s'y serait risquée... A n'en pas douter, c'était le genre d'homme à attendre une récompense en nature pour un souper fin, quelques chandelles et des flots de paroles hypocrites. Exactement comme Anthony...

Cette fois elle avait réussi définitivement à se couper l'appétit ! Elle repoussa avec impatience la barquette et prit son verre couvert de buée, qu'elle posa contre sa joue pour se rafraîchir. Heureusement, songea-t-elle pour se rassurer, elle n'était plus la jeune fille innocente et naïve qu'elle était à dix-huit ans. Elle était aujourd'hui beaucoup plus avisés, beaucoup plus forte, prête à résister au charme et aux mots doux d'un séducteur de cet acabit.

Comment avait-elle fait pour ne pas se rendre compte de la ressemblance troublante qui existait entre cet homme et son premier amant ? Etai-elle donc aveugle pour ne pas avoir remarqué qu'ils avaient la même haute taille, la même blondeur, et à cette mâle assurance typiquement américaine qui masquait si bien un cœur vide et une totale absence de moralité...

L'effet que cette femme produisait sur lui était stupéfiant. A trente-cinq ans, il trouvait presque humiliant de se sentir aussi impatient qu'un teenager à son premier flirt.